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29/03/2024 date de fin
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A Lyon, la Manif pour tous promeut sa prétendue « théorie du genre »

La Manif pour tous a divisé la France en deux ce dimanche : le sud pour Lyon et le nord pour Paris. A Lyon, ils étaient 40 000 selon les organisateurs (20 000 selon la police) à faire un circuit sous forme de boucle de Bellecour à Bellecour en passant par les Terreaux. Une affluence à rapprocher des grandes manifestations contre le mariage gay de 2012 et 2013.

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LaManifPourTous-Lyon-Banderole

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Une des nombreuses délégations de La Manif Pour Tous à Lyon. Ici, l’Isère. Enfin, le Dauphiné en langage Manif pour Tous. ©Rue89Lyon

Pour continuer leur combat, les organisateurs de la Manif pour tous se sont mués en « défenseurs de la famille » face aux « attaques du gouvernement ». Au coeur des préoccupations des manifestants comme des organisateurs, la dénonciation de ce qu’ils nomment « la théorie du genre » même si, en réalité, il n’existe que des études sur le genre et non « une théorie ».

Le rendez-vous de ce dimanche tombait a point nommé pour La Manif pour tous car il arrive une semaine après le début de la polémique sur le retrait d’enfants de leurs écoles pour cause de « théorie du genre » supposément enseignée à l’école. Les rangs de la manif ont été gonflés mais les politiques se sont montrés moins présents qu’il y a quelques mois.

Le candidat UMP à la mairie de Lyon, Michel Havard, n’aurait fait qu’un rapide passage de 14h à 15h, si l’on en croit son attaché de presse qui a tenu à nous apporter cette précision au lendemain de la manif. Les fidèles étaient toutefois là pour battre le pavé : les députés UMP Hervé Mariton (Drôme) et Philippe Cochet (Rhône) ainsi que le maire UDI du 2è arrondissement Denis Broliquier.

Le candidat FN à la mairie de Lyon, Christophe Boudot avait également fait le déplacement.

La manif a reçu également le soutien du cardinal Philippe Barbarin présent au côté du recteur de la mosquée de Lyon, Kamel Kabtane. Mais très peu de musulmans ont fait le déplacement. A noter également relativement peu de Lyonnais. Le gros des troupes était formé de délégations régionales venant notamment d’Auvergne, de l’Isère, de la Savoie, de Provence-Alpes-Côte d’Azur ou encore de Franche-Comté.

 

« L’ABCD de l’égalité n’est pas la théorie du genre mais on demande quand même son retrait »

Parmi les manifestants, on trouvait plusieurs porte-parole nationaux de la Manif pour tous, notamment Tugdual Derville d’Alliance Vita (mobilisée également contre l’avortement) et Jérôme Brunet, président de « l’Appel des professionnels de l’Enfance ».

Jerome Brunet-Manif pour tous Lyon
Jérôme Brunet, l’un des porte-parole de la Manif pour tous. ©Rue89Lyon

Après une carrière d’éducateur, ce dernier est actuellement responsable de l’enseignement catholique à Blois. Naturellement, il a fait de la « théorie du genre » son cheval de bataille, depuis la création de son association en 2004. Une sorte de mot-obus qui lui permet de convertir les foules.

Lui, en effet, ne rejette pas les études sur le genre. Il se dit prêt à les enseigner :

« Le comportement des hommes et des femmes dépendent évidemment d’éléments culturels à déconstruire ».

Il considère même que, en soi, le programme expérimental de lutte contre les stéréotypes de genre « l’ABCD de l’égalité » est une démarche intéressante.

Pourtant, il demande, avec les autres leaders de la Manif pour tous, son retrait. Car, dit-il, il se cache « quelque chose derrière ».

« Le fond de ce programme est que l’identité sexuelle est uniquement une construction sociale, c’est un mensonge. On peut déconstruire mais c’est un mensonge ».

Difficile de trouver un texte de l’Education nationale ou une déclaration de ministre qui dit ce genre de chose. Mais Jérôme Brunet n’en démord pas :

« On nous ment depuis des années ».

 

« J’en ai marre qu’on nous traite de fachos »

L’organisation Manif pour tous avait fait les choses bien : pour éviter de passer pour des partisans d’une droite dure ou de l’extrême droite, ils avaient fait passer des messages : aucun débordement verbal ou physique ne serait toléré. Tugdual Derville n’a eu de cesse de répéter sur les télés et sur le podium la démarche « pacifiste ».

Il n’empêche : si aucun incident n’a été relevé, la police a noté la présence de plusieurs groupuscules d’extrême droite radicale. Alexandre Gabriac s’est montré avec une quinzaine d’ex-Jeunesses nationalistes regroupés autour de leur leader.

Une trentaine de membres du GUD ont également pointé leur nez. Malgré la présence de ces groupuscules radicaux et du FN, les organisateurs rejettent toute proximité avec l’extrême droite. Les manifestants se sont plutôt énervés quand on leur a rappelé leur présence. Comme Anne, 56 ans, qui est venue spécialement d’Orléans pour manifester car, dit-elle, « à Paris, c’est plus tendu », en faisant allusion aux incidents de fin de cortège de la semaine dernière :

« J’en ai marre qu’on nous traite de fachos parce qu’on est pas d’accord avec les bobos parisiens. On est des millions et on ne nous respecte pas ».

Cette ancienne attachée de presse aujourd’hui à la tête d’une agence de voyage nous dit « bien connaître » les journalistes. Pour cette centriste, c’est une évidence : « ils sont tous achetés ». Elle précise :

« Je me bats contre la pensée unique de gauche ».

Pour confirmer cette défiance à l’endroit des journalistes, on pouvait entendre, au milieu des slogans officiels quelques « Journalistes collabos », slogan devenu célèbre dimanche dernier avec la manifestation Jour de colère.

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Anne, manifestante régulière de la Manif pour tous. Ne veut pas être reconnue. ©Rue89Lyon

 

 

« Ma fille joue à la maman car elle a la maternité en elle »

La grande défiance à l’endroit des politiques et des médias qui traversent les rangs de la Manif pour tous explique sans doute pourquoi la rumeur se propage sur la « théorie du genre ». Le ministre de l’Education nationale a eu beau faire plusieurs mises au point sur une prétendue « théorie du genre » enseignée à l’école, ses paroles s’envolent. « On nous ment », répète-t-on à la Manif pour tous. Pour illustrer ce « mensonge » une Grenobloise nous raconte par exemple qu’un de ses amis « qui a des enfants dans le public » lui a dit que la « théorie du genre » allait être enseignée à partir de septembre. Elle a entendu aussi qu’il y aurait une éducation sexuelle dès le plus jeune âge. Sans pouvoir nous donner plus de précision sur ces informations. Ce n’est pas seulement le ministre de l’Education qu’on ne croit pas. C’est également l’école en tant qu’institution qui est remise en question. L’autre leitmotiv qui revenait avec insistance sous la forme de slogan : l’école ne doit pas s’occuper des question d’égalité filles/garçons. Il s’agit d’une question familiale. Florian « et [son] épouse », comme ils se présentent eux-mêmes, reprennent le mot d’ordre de lutte contre « l’indifférenciation des sexes » que le gouvernement voudrait imposer sournoisement. « L’épouse de Florian » et Florian sont venus de Livron, dans la Drôme, pour manifester avec les grands parents. A 33 ans, ils ont six enfants et sont professeurs dans l’enseignement catholique. « L’épouse de Florian » prend l’exemple de leur quatrième enfant, une fille :

« On l’a élevée comme ses trois frères aînés et pourtant elle joue à la poupée. Elle joue à la maman car elle a la maternité en elle ».

Elle poursuit :

« On veut nous faire croire qu’une femme est égale à une homme. C’est faux, nous avons nos spécificités. L’école ne doit pas se mêler de la famille et des valeurs que nous transmettons aux enfants. Est-ce que c’est le rôle de l’école de faire réfléchir les enfants sur leur orientation et leur identité sexuelle ? »

A cette question, certains répondent que oui mais ils n’ont certainement pas manifesté ce dimanche.

 

> Article modifié le lundi 3 février avec la précision sur la rapide présence du candidat UMP à la mairie de Lyon, Michel Havard.

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