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Valérie Dugué, bouquiniste à Lyon : les mercenaires de la librairie 5/5

Figure emblématique d’une profession qui tombe en désuétude, le bouquiniste résiste. À Lyon, ils sont encore une vingtaine à refourguer livres, comics et autres BDs d’occasion. À travers une série de portraits, nous plongeons dans un quotidien fait d’arrangements, de désillusions et d’idées pour survivre. C’est Valérie Dugué, co-gérante de La Compagnie des livres dans le 4è arrondissement, qui clôt le feuilleton.

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Hugo Lautissier/Rue89Lyon

De Decitre à la petite librairie de la Croix-Rousse

Pour trouver une jeune bouquiniste à Lyon il faut se lever de bonne heure. C’est finalement Jo, de la librairie Hérodote (ni le plus jeune ni le plus féminin) qui, en cherchant bien, nous a signalé la présence de cet rareté dans le monde des bouquinistes. L’occasion à ne pas rater pour conclure une série de portraits qui commençait à sentir un peu trop fort la testostérone.

Valérie Dugué commence à travailler dans les antiquités, avant de partir vivre en Espagne. De retour en France, elle cherche du travail en tant que vendeuse. Rapidement, elle trouve un emploi de libraire en Isère, avant de devenir responsable de la boutique. De retour à Lyon, elle accepte un poste dans la librairie Decitre, en tant que directrice adjointe :

« C’est une bonne école, ça m’a demandé des efforts de gestion et d’organisation qui me servent aujourd’hui. Mais ce n’était pas ma place, j’ai besoin d’un rapport plus direct avec les clients et avec le livre en tant qu’objet. »

L’année dernière, elle a rejoint la librairie « La Compagnie des livres », à la Croix-Rousse. Marie Claude, la gérante, installée depuis sept ans, cumule ce job avec une autre activité professionnelle, ce qui la rend moins disponible. A deux, elles peuvent « organiser efficacement la boutique ».

« J’ai parfois du mal à me rappeler qu’une librairie est un commerce »

Valérie a la double particularité d’être une femme et d’être jeune au sein d’une profession essentiellement masculine et vieillissante. Des caractéristiques qui ne sont pas un frein.

« C’est un métier assez physique, mais à la portée de tout passionné de livre. C’est vrai qu’on ne compte pas nos heures. Le métier de bouquiniste est difficilement conciliable avec une vie de famille, et ce n’est pas non plus un métier où on fait fortune. »

Gagner de l’argent en vendant des livres, une difficulté que Valérie n’est pas la première à rappeler. Le salaire qu’elle dégage de son activité est en dessous du SMIC, et sûrement loin du salaire d’adjointe de direction dans une librairie de la chaîne Decitre. 

« Pour vivre, il faut vendre. J’ai encore parfois du mal à me rappeler qu’une librairie est avant tout un commerce. J’ai plus la passion du conseil que celui de la vente. »

« Celui-ci, je le téléchargerai »

Hugo Lautissier/Rue89Lyon

Depuis qu’elles sont deux à s’occuper de la librairie, de plus en plus de gens viennent dans la boutique, parfois pour acheter, d’autres fois juste pour regarder.

« Ça fait seulement 10 ans que j’exerce, je suis une sorte de bébé libraire à côté de certains. Mais en seulement dix ans, j’ai vu la clientèle se modifier. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les jeunes lisent encore. L’enjeu pour nous, c’est de pouvoir nous adapter. »

Régulièrement, des clients qui hésitent entre deux livres lui disent, « celui-ci je le téléchargerai » . Pour Valérie, c’est le signe d’une évolution des pratiques et des mentalités que le bouquiniste ne peut pas se cacher.

« L’édition numérique ne tue pas le livre. En France, les gens sont encore très attachés au support papier, mais l’offre numérique devient de plus en plus concurrentielle. Je ne suis pas trop inquiète, il y a beaucoup de parents avec des jeunes enfants qui fréquentent la boutique, le livre a toujours un grand pouvoir d’attraction sur les enfants. »

La Compagnie des livres a ouvert une librairie virtuelle sur le site Priceminister. Aujourd’hui, 5 à 10 % du chiffre d’affaire de la boutique est réalisé grâce au web.   

« C’est vrai qu’internet a bouffé une partie des ventes, il y a des gens qui n’achètent plus que sur internet. Mais il y en a encore beaucoup qui cherchent dans une boutique ce qu’ils ne trouveront pas sur le net, à savoir le conseil et le contact avec l’autre. Je fais un beau métier. »

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