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29/03/2024 date de fin
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Une monnaie solidaire à Lyon

Alors que certains espèrent encore un retour au franc, d’autres préfèrent imaginer une monnaie qui viendrait soutenir, à l’échelle locale, l’euro et une certaine idée de l’économie solidaire.

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Monnaie locale bientôt à Lyon Rue89Lyon

Les monnaies complémentaires, locales ou sociales ne datent pas d’hier. Déjà, des modèles ont fait leur preuve en Allemagne ou en Suisse et dans différentes communes  françaises. L’an dernier, la ville de Toulouse s’est également lancée dans l’aventure avec le Sol-violette. À Lyon, depuis le mois d’octobre, trois étudiants en commerce de l’école 3A planchent sur un modèle de monnaie solidaire à l’échelle du Grand Lyon, avec l’espoir d’une mise en circulation pour la rentrée 2013.

 

Comment ça marche ?

Pour utiliser cette monnaie, le consommateur devra convertir ses euros en Tourne-Sol (nom provisoire) à un guichet. Billets en poche, il pourra dépenser son argent dans des commerces partenaires. Comme ses consoeurs, la monnaie sera fondante. Sur celle-ci sera indiquée une date d’émission et perdra de la valeur au fil du temps si elle ne change pas de main. La reconvertir en euro sera désavantageux pour le chaland. Le différentiel engendré devant être réintroduit dans des projets d’utilité sociale.

Serge André Brunner, l’un des étudiants coordinateurs de projet, met en avant des valeurs responsable:

« Tous les commerces ne pourront pas être habilités, souligne-t-il. Les structures seront triées sur le volet en fonction de leur ancrage territorial, mais aussi de leur engagement social, environnemental et de leur gouvernance (la gestion des décisions dans l’entreprise, sa forme juridique).

Pour Bruno Charles, élu écologiste au Grand Lyon, vice-président au développement durable, la monnaie n’est qu’un outil qui doit répondre à sa fonction originelle : l’échange.

« La perversion, c’est quand 5% de la monnaie sert à l’échange et le reste à la spéculation. C’est ce qui se passe aujourd’hui. L’idée est de restituer une monnaie d’échange. Et comme celle-ci est fondante, on ne peut pas la thésauriser. ».

Bruno Charles, qui soutient et croit en l’utilité d’une monnaie solidaire, insiste sur l’impact d’une telle initiative sur l’économie locale tout en s’étonnant du discours « réac » d’autres politiciens.

« Marine Le Pen veut fermer les frontières pour résister à la finance internationale et Bayrou dit qu’il faut produire et acheter français, mais aucun des deux n’explique comment procéder. Là, il y a un projet pragmatique qui marche ailleurs dont on voudrait s’inspirer. Avec cet argent, vous ne pouvez acheter que dans des commerces locaux, et seulement certains types de produits. On a la certitude qu’on fait travailler les gens localement et que l’argent reste dans l’économie locale ».

 

Une solution à la crise ?

Si une monnaie solidaire peut-être aujourd’hui envisagée comme un soutien à l’euro sur un territoire donné, elle ne peut en aucun cas être perçue comme un substitut. Jérôme Blanc, docteur en sciences économiques et maître de conférence à l’Université Lumière Lyon 2, explique :

« On ne peut pas parler comme si les dispositifs de ce type étaient homogènes. Certains systèmes n’ont aucune capacité économique avérée car ils promeuvent surtout des formes d’échanges conviviaux et d’entraide. D’autres, comme les monnaies locales Sol-violette, Abeille, etc., ont davantage de potentiel économique. Pour l’instant, cependant, leur ampleur reste bien trop limitée pour que l’on puisse prétendre aider à la sortie de crise : dans une localité, cela concerne tout au plus quelques dizaines de commerces, entreprises et autres prestataires, et quelques centaines d’utilisateurs.

Par ailleurs, puisque pilotées localement, ces initiatives, trop éclatées, ne peuvent pas être coordonnées nationalement et donc s’imaginer comme un remède à la crise économique.

Pour l’économiste, « on ne peut pas anticiper un soutien suffisant de ces monnaies à la sortie de crise sans qu’elles soient reconfigurées et introduites dans des politiques publiques locales concertées et pensée à un niveau global (sans quoi une monnaie locale à Lyon, par exemple, n’aiderait pas la France à sortir de crise et aiderait encore moins la zone euro !). Autrement dit, en l’état actuel des choses, c’est impossible. En revanche, au niveau d’une localité, une politique publique peut aider à impulser une dynamique soutenant l’activité économique locale via une monnaie propre ».

De son côté, Bruno Charles croit plus en l’accompagnement d’une telle démarche que dans une réelle volonté de la Ville ou de la Région de l’imposer.

« Ce n’est pas une institution qui va créer une monnaie, insiste-t-il. C’est un travail de conviction avec les commerçants, un groupe d’habitants, qui va commencer avec des militants. L’institution peut l’accompagner et le faire grandir, mais ne peut pas prendre à son compte un tel projet. Le projet repose sur la capacité des habitants à s’auto-organiser et à se construire ».

 

Une réussite soumise à condition

Pour Jérôme Blanc, Lyon semble posséder un terreau fertile pour une telle initiative.

« Les points forts sont une population étudiante importante, un tissu associatif et militant vaste et ancien, des autorités locales potentiellement intéressées, une variété importante d’activités d’économie sociale et solidaire sur le territoire, des structures qui sont capables de servir de tête de réseau, et aussi l’existence de circuits courts alimentaires avec de nombreux producteurs de fruits et légumes dans la région ».

S’il croit profondément aux bienfaits d’une monnaie solidaire, Bruno Charles ne peut en garantir la réussite.

« En temps de crise, les gens ont moins le réflexe d’aller vers de l’équitable parce qu’ils pensent que c’est plus cher. Ça l’est parfois, mais pas toujours », estime l’élu au Grand Lyon.

Il s’interroge également sur le développement encore relatif de ce type de commerces.

 « Il y a peut-être une erreur de positionnement chez les commerçants. Il y a des exceptions, mais le commerce équitable est associé à des vêtements ethniques. Si on veut acheter un costume ou une chemise sobre et urbaine, c’est compliqué. C’est une erreur de se positionner sur des créneaux militants au lieu d’aller vers le grand public ».

Pour que le projet de monnaie locale aboutisse et soit un succès, Jérôme Blanc propose de regarder ce qui a été fait ailleurs, à savoir, un mélange de planification et de tâtonnement :

  • des incitations pécuniaires : une incitation à changer des euros en monnaie locale (100 euros donnent par exemple 105 en monnaie locale) et une désincitation à l’opération inverse (par un prélèvement de type frais de change).
  • la variété la plus importante possible d’activités intégrées et de personnes utilisatrices : il peut y avoir une taille critique à atteindre pour que le système se développe et attire des utilisateurs, et les prestataires intégrés doivent être au-delà des activités directement écologiques et solidaires, tout en respectant les règles fixées dans la charte du système, de sorte que l’on attire progressivement des utilisateurs nouveaux. Cela dit, l’objectif ne peut pas être d’intégrer tout type de prestataire (qui permettrait de toucher potentiellement tout le monde) car un élément clé de ce type de monnaie est le filtrage des prestataires en fonction de leurs pratiques responsables.
  • une équipe de suivi et de gestion du projet.
  • une activité de conscientisation par forums, débats, dans divers espaces de l’agglomération et divers réseaux de sociabilité et d’échange.

Un sacré chantier donc pour les étudiants en charge du projet. Pour Serge André Brunner, l’enjeu est clair :

« Pour être un véritable succès, cette monnaie locale doit s’implanter sur l’ensemble du Grand Lyon et s’ouvrir à d’autres publics pour apporter de la visibilité et de la lisibilité à l’économie sociale et solidaire ».

 

Pour participer

Questionnaire citoyen : lancement d’une monnaie locale et complémentaire sur Lyon

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