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Comment se garer sur le parking de la direction peut conduire au licenciement

Une illustration de la vitalité du dialogue social à la française : pour s’être garée sur une place de parking réservée à la direction, une syndicaliste d’une entreprise lyonnaise de recouvrement de créances est en passe d’être licenciée.

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Yasmina Saadou, agent de maîtrise d’Intrum Justitia, avec un de ses collègues de la CGT, à la sortie de son entretien préalable au licenciement. Crédit : Laurent Burlet/Rue89Lyon

 

« Tu ne fais pas ta loi sur le parking »

Le PDG de la filiale française de l’entreprise de recouvrement de créances suédoise, Intrum Justitia, semble très à cheval sur les principes.

Le 3 janvier, comme tous les matins, Yasmina Saadou est arrivée en voiture sur son lieu de travail, dans la zone d’activité de Saint-Priest, à l’Est de Lyon. Elle était en retard. Faute de place à proximité de l’entrée, elle a décidé de se garer sur une place réservée à la direction.
Manque de chance, le PDG, Pascal Labrue, surnommé « le king » par certains salariés, s’est garé à ce moment juste à côté d’elle. Il lui a demandé de bouger immédiatement sa voiture. Elle a refusé :

« J’étais en retard. Je lui ait dit que je ne gênais pas et que je pourrais l’enlever plus tard. Mais il a continué avec un ton très agressif, en me tutoyant. Il m’a dit que je n’allais pas faire ma loi ici comme au comité d’entreprise ».

Yasmina Saadou a pris les propos de son patron pour des menaces. Syndiquée à la CGT et secrétaire du CE de cette entreprise qui compte près de 400 salariés, elle a l’habitude des prises de bec avec la direction. Elle a rejoint son poste de travail. Sa voiture est restée à sa place.

Mise à pied (pour une place de parking)

La direction a très vite sorti d’artillerie lourde puisqu’une procédure de licenciement a été initiée à l’encontre de la salariée récalcitrante.

Une demi-heure après l’altercation avec le PDG, la direction des ressources humaines lui a signifié sa mise pied à titre conservatoire.
La mise à pied conservatoire n’est justifiée, selon une jurisprudence constante de la cour de cassation, que si l’employé a commis une faute grave.

 Yasmina Saadou avec des élus  la CGT d’intrum Justitia. Crédit : Laurent Burlet

 

Constat d’huissier (pour une place de parking)

Ensuite, le DRH d’intrum Justitia a fait appel à un huissier pour constater que Yasmina Saadou était bien garée sur une place de la direction. Dans son constat (voir PDF), on apprend que la direction reproche le « comportement provocateur » de la « déléguée syndicale CGT » (elle est en réalité secrétaire du CE, ndlr) qui se traduit « entre autres par le fait qu’elle stationne son véhicule de manière récurrente sur les places réservées à la direction ».

Cliquer pour accéder à Intrum-Justitia-Contat-Huissier.pdf

 

Une procédure de licenciement activée (pour une place de parking)

Le lendemain, Yasmina Saadou a reçu une lettre la convoquant à un entretien préalable au licenciement.

Nous avons contactée la direction d’Intrum Justitia qui nous a fait répondre par son service communication que la procédure de licenciement se justifiait en partie par le fait qu’elle n’avait pas bougé son véhicule.

Mais pas seulement. Evidemment. Sinon l’inspection du travail, qui doit autoriser ou non le licenciement de salariés protégés, ne pourrait pas donner son accord.

La responsable de la communication glisse, comme griefs, des « manquements professionnels répétés ».

 

« J’avais la tête sur le billot »

Nous avons rencontré Yasmina Saadou, ce jeudi, à la sortie de son entretien de licenciement. Elle nie avoir eu un « comportement provocateur » et s’être garée à de multiples reprises sur le parking de la direction.

Elle explique être victime d’une « répression syndicale » comme, avant elle, « six autres de ses collègues », pour qui des procédures de licenciement ont été menées :

« La direction n’a pas digéré la victoire de la CGT aux dernières élections de 2010. Il y a une corrélation entre nos revendications et ces agissements à nos égards ».

Lors de son entretien, les DRH (groupe et France) ont reproché, outre la place de parking et différents manquements professionnels, de faire pression sur une de ses collègues.

« C’est plutôt la direction qui fait pression sur une collègue pour témoigner contre moi. Depuis 2010, la direction monte un dossier contre moi. Ils me reprochent de ne pas faire mon travail ou d’en donner en plus aux autres alors que j’ai des heures de délégation qui m’empêche de réaliser le même volume de travail que les autres ».

A 50 ans, Yasmina Saadou est agent de maîtrise. Elle encadre une équipe de deux personnes en charge du recouvrement des créances de professionnels :

« Avant que je n’adhère à la CGT, j’encadrais 30 personnes. Maintenant, je suis sur une voie de garage. J’avais la tête sur le billot. Il n’attendait qu’une occasion pour me donner le coup de grâce ».

Ses collègues cégétistes la décrivent comme « forte en gueule, combattante et résistante ». Elle promet de se battre pour rester dans une entreprise « où il y a du boulot » car, dit-elle, « je n’ai tué personne ».

Le service communication tient à préciser que « cette procédure de licenciement n’a rien à voir avec son mandat de représentant du personnel » :

« Intrum Justitia est une entreprise très ouverte sur le dialogue social. »

Les huissiers peuvent le constater.

 

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