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29/03/2024 date de fin
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Grand Stade de l’OL : petits arrangements entre Michel Mercier et Gérard Collomb

Michel Mercier, président du conseil général du Rhône, vient de faire voter une délibération très controversée. Le Département est devenu ce vendredi matin le garant d’un emprunt à hauteur de 40 millions d’euros, en faveur du Grand Stade de l’OL. Un engagement de la part de la collectivité dont bénéficiera le constructeur Vinci, et qui est passé non pas grâce aux votes de l’UMP, mais grâce à l’opposition socialiste de Mercier, téléguidée par un chef auquel on ne dit pas non, Gérard Collomb.

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Les opposants au Grand Stade de l’OL se sont invités ce matin à la séance publique du conseil général du Rhone.

(Mise à jour ce vendredi 30 novembre à 13h) La séance publique de ce vendredi 30 novembre a dû être suspendue une demi-heure, les opposants au Grand Stade hurlant leur désaccord avec la délibération présentée par Michel Mercier. Ils ont brandi des banderoles avant d’être, pour les plus expressifs, sortis manu militari par les policiers.

Michel Mercier (UDI) a ainsi pu faire valider dans le calme une aide indirecte et « indispensable » selon lui au financement du Grand Stade de l’OL à Décines, casse-tête de Jean-Michel Aulas, président du club de foot, mais aussi de Gérard Collomb, président PS du Grand Lyon et premier VRP du projet.

Le Département se porte garant à hauteur de 40 millions d’euros d’un emprunt obligataire de 80 millions d’euros que la Foncière du Montout (filiale d’OL Groupe en charge du projet du stade) compte proposer.

Alors que le projet est défendu depuis son démarrage sur l’argument de son financement entièrement privé, il y a de quoi s’interroger quant à ce risque soudain et inattendu pris par Michel Mercier, et suivi à 36 voix contre 15 (et deux abstentions) par l’assemblée.

« Ce n’est pas une subvention, c’est une garantie, ce n’est pas la même chose », s’est justifié Thierry Philip à la veille du vote. Conseiller général socialiste et chef de l’opposition à Michel Mercier, il a voté pour la délibération. Comme la majorité des élus de son groupe, dont certains recevaient encore jeudi soir des appels téléphoniques du directeur de cabinet de Gérard Collomb.

Avaler la pilule

Pour quelques uns, contraints de plier, la pilule a du mal à passer. L’un des conseillers généraux socialistes confie :

« On s’offusque au sujet des emprunts toxiques que Michel Mercier a contractés auprès de Dexia, on fait un vrai boulot d’opposition, et nous voilà en train de voter une garantie d’emprunts pour un équipement privé. C’est quand même limite. »

Malgré ce constat, 16 socialistes sur 18 ont voté pour la délibération sans moufeter. Un socialiste a donc voté contre, Bernard Chaverot et le second, Bernard Catelon, s’est abstenu, « car moins soumis à la pression de Gérard Collomb », issus de territoires éloignés de Lyon (Saint-Laurent de Chamousset et Condrieu). Avec 171 millions d’euros d’argent public déjà dépensés pour préparer l’accessibilité au nouveau stade (tramway, accès nord et sud, parkings…), le maire de Lyon ne se voit pas reculer. En tant que leader du parti socialiste local, il a employé des moyens dont il devient un spécialiste, comme la menace d’une mort politique pour ceux qui ne le suivent pas.

Thierry Philip étaye l’argumentaire socialiste officiel :

« On a un principe : on ne vote pas au conseil général différemment de la façon dont on vote au Grand Lyon. On est pour le Grand Stade, pour un grand équipement dans l’agglomération. La question c’est : quel est le niveau de risque que l’on prend ? Quasi nul. Si la Foncière a un problème pour payer, on prend un risque de 40 millions d’euros, mais cela n’arrive jamais, ce n’est jamais la collectivité qui paie. Au pire, on devient propriétaire du Montout en partie, et on revendrait à un privé. »

Imparable. Michel Mercier aura tout le loisir de demander une contrepartie à Gérard Collomb, comme la mise en sourdine de cette opposition socialiste, virulente sur le dossier du musée des Confluences, au coût devenu exorbitant. Les accords porteraient également sur la métropole que Gérard Collomb souhaite mettre en place avant 2020 : il partagerait le territoire avec Michel Mercier, de façon à ce que ce dernier soit certain de conserver son fauteuil de président du Département après les élections cantonales de 2015. Le président du Rhône a déclaré ce matin que c’était « petit bras de penser ça », et que « tout ce qui importe, c’est d’avoir de beaux équipements dans cette euro-métropole ». En tout cas, ce vendredi, Thierry Philip n’a fait aucune intervention.

Gérard Collomb, maire PS de Lyon et Michel Mercier, président UDI du Rhône. Crédit : Philippe Juste/maxppp

« Mesdames, Messieurs les conseillers généraux »

La délibération fait parler d’elle depuis plusieurs jours. Les conseillers généraux ont tous reçu un grand nombre de courriers de la part de personnes qui se présentent comme des « électeurs » ou des « contribuables ». « On a reçu une quinzaine de mails par jour », assure un élu. Nous avons pu en lire quelques extraits. Pour Anne :

« En tant qu’électrice du Parti Socialiste depuis de nombreuses années (depuis toujours ?), je me permets de vous alerter sur une de mes préoccupations. ( …)

Le projet de construction d’un stade à des fins privées et mercantiles, dans une conjoncture économique où tous les budgets sont serrés, y compris ceux des ménages, me paraît indécent. Et le mirage de l’emploi de cette structure n’est pas crédible… Ce n’est, en tous cas, certainement pas le mandat que je vous ai confié, en votant pour vous. »

Claude s’insurge également :

« En tant que citoyen du département du Rhône, je m’élève contre cet engagement qui fait courir un risque non négligeable au contribuable déjà engagé de force dans les dépenses induites citées ci-dessus, pour un projet inepte. »

Jean-Bernard n’est pas moins acerbe :

« Mesdames, Messieurs les Conseillers Généraux,
Dans deux jours, votre responsabilité sera engagée pour l’avenir. Nous, contribuables et habitants du Rhône, refusons de porter le chapeau des décisions néfastes que vous vous apprêtez à voter sous la pression de Mr Mercier, président de votre assemblée, pour qui le recours aux emprunts toxiques semble devenir un jeu habituel. »

« Sur ce coup-là », Mercier perd ses partenaires de droite

Paradoxalement, Michel Mercier, chef de l’UDI dans le Rhône, n’a pas convaincu, « sur ce coup-là », ses partenaires de droite, dont certains ont demandé le retrait du dossier de la séance de ce vendredi matin. « Il faut qu’on soit cohérent avec nous-mêmes », a déclaré Michel Forissier, maire de Meyzieu, opposé au Grand Stade. Christophe Guilloteau (UMP) a longuement expliqué que la destination de cette garantie n’entrait même pas dans les compétences du conseil général, estimant que les socialistes étaient contraints de suivre un « vote politique ».

Les écologistes ont voté contre, très remontés contre cette intervention soudaine du conseil général dans le dossier du Grand Stade. En dehors de Gilles Buna, adjoint au maire Gérard Collomb, et opportunément absent ce vendredi matin.

Tous disent tous la même chose : en temps de crise, alors que le conseil général est déjà largement endetté, cette délibération est absurde. Sans naming (vente du nom du stade à une marque), sans aide bancaire, l’OL n’a pas les moyens de financer son stade.

Raymonde Poncet, élue écologiste, a, seule, posé la question du créancier qui bénéficiera de la garantie du Rhône :

« Ça m’agace d’entendre dire qu’on garantit un risque qui n’est pas risqué. On sait très bien que c’est Vinci qui souscrira. Et si Vinci préfère la sécurité des obligations plutôt que de rentrer dans le capital, c’est bien parce que tout ça est très risqué. Ils ne sont pas fous. »

Vinci, pièce maîtresse du puzzle, assure ses arrières

A l’origine, la société Vinci, futur constructeur du stade, devait entrer dans le capital de la Foncière du Montout. Mais elle y a finalement renoncé : c’est l’OL qui a annoncé la nouvelle dans un communiqué. Posant la question de la réussite même du projet. Si Vinci recule, tout s’écroule-t-il ?

Certainement pas, répond Gilbert Giorgi. Interrogé par Le Progrès, le président de la Foncière du Montout a donné une explication assez absconse de l’implication financière de Vinci dans le projet. Il assurait il y a encore une semaine que le constructeur allait bien prêter 100 millions d’euros, malgré son retrait du capital. Finalement, Vinci devrait plutôt opter pour le prêt à la Foncière du Montout sous forme d’obligations, à hauteur de 80 millions. Ce que va donc garantir le Département du Rhône.

Vinci serait donc le fameux créancier obligataire, comme Michel Mercier l’a quasiment confirmé ce vendredi. Une sorte de flou artistique persiste toutefois sur le montage financier global du stade. Son coût serait de 400 millions d’euros. L’OL comptait sur 200 millions d’euros de prêts bancaires, mais Jean-Michel Aulas ne dit toujours pas s’ils sont en partie obtenus ou pas. La Foncière du Montout devait apporter 120 millions d’euros mais là encore, on ne sait pas si la somme est réunie ni comment elle doit l’être.

Deux nouveaux recours en perspective

Les opposants au Grand Stade, réunis notamment au sein de l’association Les Gônes pour Gerland, s’étranglent. Ils font les comptes et dénoncent une garantie « aux fondements peu clairs ».

Menés par Etienne Tête, élu écologiste (et avocat des propriétaires terriens qui seront expropriés pour permettre la réalisation des voies d’accès vers le Grand Stade), les recours pleuvent depuis le démarrage du projet. Cette délibération n’y échappera pas : deux recours sont d’ores et déjà prêts et doivent partir dès aujourd’hui.

A ce jour, 24 recours contre le Grand Stade sont toujours en vigueur, et c’est aussi ce qui avait refroidi pendant un temps la société Vinci. Le 13 décembre prochain se tiendra d’ailleurs le procès relatif à la demande d’annulation du permis de construire du Grand Stade.

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