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La Sécu veut étrangler un site comparateur des tarifs des médecins

Quatre mois à peine après avoir lancé un service en ligne de comparaison des tarifs des médecins, la dirigeante du site Fourmisanté a reçu une mise en demeure de la part de l’assurance maladie, lui ordonnant de cesser d’utiliser ses données, pourtant publiques. Un uppercut d’autant plus surprenant que ce comparateur a reçu un prix gouvernemental récompensant les meilleurs projets web utilisant… les données publiques.

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« La ministre de la Santé Marisol Touraine a décidé de se battre contre les dépassement d’honoraires des médecins. Apparemment, les négociations n’aboutissent pas et ils ne sont pas prêts de s’arrêter. Je ne comprends pas que, dans ce contexte, on empêche une initiative comme la nôtre. »

Pour Barbara N’Gouyombo, la situation est ubuesque. En 2011, cette ingénieure qui a travaillé au Japon et en Angleterre lance de Lyon un site baptisé Fourmisanté, avec un slogan censé résumer l’objectif : « soignez-vous près de chez vous et gérez mieux votre budget santé ».

En avril 2012, elle l’agrémente d’un nouveau service : un comparateur de prix fonctionnant par géolocalisation, qui permet de savoir, par exemple, quel est le médecin ou encore le dentiste le moins cher de la ville dans laquelle on se trouve. Pour cela, elle utilise et sélectionne les données du site de l’assurance maladie, ameli-direct.fr, sur lequel elle renvoie d’ailleurs par un lien. Ces données sont publiques et, par conséquent, utilisables.

L’initiative est rapidement saluée, puisqu’elle est lauréate du concours Etalab, organisme interministériel pour la transparence des données publiques.

Une fourmi qui fait concurrence à la sécu

Elle va rapidement devoir balayer les cotillons. Un premier courrier lui est envoyé le 13 juillet 2012 par l’avocat de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Lequel organisme public s’offusque que les données présentes sur le site Ameli-Direct, « résultat d’investissement financier, matériel et humain substantiels » (ceux des services de l’Etat, donc), soient utilisées par fourmisanté.com, contrairement au Code la propriété intellectuelle.

Par ailleurs, pour la sécurité sociale, l’accord des médecins pour l’utilisation de ces informations serait nécessaire.

Barbara N’Gouyombo répond alors, par voie d’avocat, que l’utilisation des données publiques est bien autorisée, et que toutes les démarches ont été réalisées avant le lancement du comparateur auprès de la Cnil (commission national de l’informatique et des libertés).

Mais l’assurance maladie ne se démonte pas. Dans son second courrier, daté du 3 août, non seulement l’assurance maladie confirme sa position, estimant que ses données sont certes publiques mais non utilisables, mais accuse en outre fourmisanté.com d’induire l’internaute en erreur :

« A titre d’exemple, le site litigieux ne fait qu’indiquer le tarif d’une « consultation », sans opérer de distinction entre les « consultations classiques » et les « consultations approfondies », contrairement au site Ameli-Direct. »

Barbara N’Gouyombo ne voit pas le problème, ne prétendant pas donner autre chose, en effet, que le tarif d’une consultation classique, « ce pourquoi les gens se rendent souvent chez le médecin ».

Le site fourmisanté.com propose de simuler, à partir du tarif du médecin, et à partir de la part remboursée par la sécurité sociale et de celle qui le sera par la mutuelle, ce qui restera donc à payer par le patient. Et tandis que le site ameli-direct ne propose de connaître le tarif pratiqué par le médecin qu’en tapant le nom de ce dernier, fourmisanté.com fait dans la géolocalisation en fournissant une carte de France des soignants.

L’opendata, « de la communication politique »

L’assurance maladie semble donc se sentir d’une part spoliée et d’autre part en concurrence avec un site qui affiche 150 000 connexions par mois. Pour Barbara N’Gouyombo, cette posture défensive de la part de l’organisme public est en totale contradiction avec le mouvement opendata (ouverture des données publiques) encouragé par Jean-Marc Ayrault dès sa prise de fonction en tant que premier ministre.

« Le sujet de l’opendata n’est-il que de la communication politique ? Je ne comprends pas que l’assurance maladie veuille garder un monopole sur ses données. Il y a un vrai problème de transparence et d’information pour les citoyens qui, en période de récession, ont le droit de choisir leur médecin et de gérer leurs dépenses de santé. »

La directrice de cette TPE (très petite entreprise) a donc adressé des courriers à la ministre de l’Economie numérique, Fleur Pellerin, ainsi qu’à Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales, qui peine justement en ce moment à trouver un accord avec les médecins, pour qu’ils limitent leurs dépassements d’honoraires.

Désormais, le site de fourmisanté.com, qui propose d’autres services, s’ouvre sur une pétition demandant l’ouverture des données de l’assurance maladie, qui a recueilli pour l’heure 800 signatures.

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