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29/03/2024 date de fin
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A Caluire, le député-maire UMP préfère la verdure au logement social

Dans la banlieue Nord de Lyon, à Caluire, des religieuses voudraient qu’une partie de leur terrain accueille des logements sociaux. Mais le député-maire, Philippe Cochet, par ailleurs patron de l’UMP du Rhône, veut rendre opportunément inconstructible la parcelle concernée. En pleine campagne électorale, le sujet attise les tensions.

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Le site est magnifique et fait saliver plus d’un promoteur. Niché sur le haut des pentes de la colline de Caluire-et-Cuire, 4 000 m2 jouxtent le monastère des sœurs Clarisses et leur parc boisé de 4 hectares. Le quartier est cossu et n’accueille quasiment que des villas, parfois avec piscine.
L’ordre (fransciscain) des Clarisses installé ici depuis le XVIIe siècle n’a pas succombé aux sirènes des promoteurs.

Bien au contraire, les sœurs Clarisses, propriétaires du terrain de 4 000 m2 veulent en faire profiter les plus pauvres en y installant des logements sociaux. Mais par deux fois, le maire UMP de la commune, Philippe Cochet, s’y est opposé.

 

 Soeur Marie, abbesse du monastère des Clarisses, sur le terrain où elle aimerait des logements sociaux

 

L’évangile, c’est faire du logement social

Les sœurs Clarisses n’en sont pas à leur coup d’essai. Il y a une quinzaine d’années, alors que leur communauté commençait sérieusement à se dépeupler, elles ont transformé une partie du couvent en logements pour accueillir quatre familles de sans-abri.

Le projet s’est monté avec le père Bernard Devert de Habitat et Humanisme. L’association est toujours la partenaire des sœurs. Elle a même récemment installé le siège de sa fédération nationale dans le couvent.

L’automne dernier, les deux dernières sœurs Clarisses alliées à Habitat et Humanisme récidivent. Cette fois-ci, elles ont besoin d’un permis de construire pour installer sur le terrain de 4 000 m2, pendant la période hivernale, des chalets à destination d’une cinquantaine de SDF. Refus du maire, Philippe Cochet.

Mais elles ne lâchent pas. Sœur Marie, abbesse du monastère, parle d’une « conséquence normale de (leur) foi » :

« Dans notre famille franciscaine, la préoccupation des plus pauvres est essentielle ».

A la mi-novembre, elles sollicitent un nouveau rendez-vous avec les élus et techniciens en charge de l’urbanisme. Toujours avec Habitat et Humanisme, elles présentent un projet « inter-générationnel à destination des plus pauvres » : 24 chambres pour des personnes précaires vieillissantes ainsi que des logements pour des jeunes.
L’accueil est plutôt réservé au dire de sœur Marie.

 

Monastere Clarisses à Caluire

Le monastère des Clarisses

 

Le joli jardin public

Le maire de Caluire n’a jamais donné suite à cette réunion. Au lieu de recevoir les soeurs, il a fait passer plusieurs mois avant de reprendre le dossier en main. Mais pas de la manière dont le souhaitaient les porteurs du projet social.

Lors conseil municipal du 12 mars, le maire avancé la procédure de classement de la parcelle en terrain non-constructible. Son idée étant ensuite de le racheter pour en faire un jardin public. Pour justifier ce choix, il est avancé dans la délibération que le quartier compte une proportion plus importante de familles nombreuses et de jeunes que la moyenne sur Caluire.

Les soeurs Clarisses ont été particulièrement choquées par le procédé :

« On ne nous a même pas prévenues alors qu’il s’agit de notre terrain », raconte soeur Marie.

Pour elle, aucun doute, la création du parc est un « prétexte pour ne pas construire de logement social ».

Dans le Progrès (payant), le maire de Caluire, Philippe Cochet, se défend ne pas oeuvrer pour le logement social :

« Caluire compte 17 % de logements sociaux, un parc qui a augmenté de 19 % en dix ans, et nous travaillons quotidiennement avec les bailleurs sociaux. Habitat et Humanisme dispose par ailleurs de neuf logements sur la commune ».

 

« Une bataille pour les plus pauvres »

L’argumentaire développé par le député-maire pour justifiera construction d’un parc ne convainc pas les soeurs Clarisses qui estiment qu’il n’y en a pas un grand besoin ici.

Soeur Marie habite depuis 1968 dans le couvent. Elle a vu le quartier de Vassieux évoluer :

« Il y avait des famille nombreuses dans les décennies précédentes. Mais aujourd’hui, il y en a peu, en revanche on compte beaucoup de retraités. A part l’immeuble d’à-côté, il n’y a que des maisons avec jardins et même parfois avec piscine ».

Les plus belles villas de Caluire se trouvent en effet dans ce quartier. Comment le maire parvient-il alors à parler de la présence de « familles plus jeunes et plus nombreuses » ?

Etienne Boursey, conseiller municipal d’opposition Europe-Ecologie/Les Verts, apporte une réponse :

« Pour des raisons statistiques, l’INSEE regroupe les quartiers pour atteindre 5 000 habitants. D’où le nom de Crépieux-Vassieux. Mais dans la réalité, ce sont deux quartiers distincts. Le quartier de Vassieux est bourgeois tandis que Crépieux, sur le plateau, est plus populaire et accueille notamment de nombreux logements sociaux ».

En lien avec l’élu écologiste, les soeurs ont lancé une pétition qui a notamment été diffusée dans les communautés catholiques, protestantes et juives de Caluire. 700 personnes l’auraient déjà signée.

« C’est une bataille pour les plus pauvres », annonce le père Bernard Devert, président-fondateur d’Habitat et Humanisme, l’association qui accompagne les soeurs dans leur projet :

« C’est une question de justice et de priorité. Il s’agit de faire de la place à ceux qui n’en ont pas. Pour les pauvres, la question n’est pas de savoir s’ils vont avoir des espaces verts, mais de trouver un logement. Dans un contexte de crise, il faut hiérarchiser les priorités ».

Dans son argumentaire, le père Devert rappelle le cas de Tassin-la-Demi-Lune où le maire divers droite a finalement accepté la présence d’un hébergement d’urgence pour 65 SDF l’hiver dernier. « Habitat et Humanisme a également encadré le projet et personne n’a déploré de problèmes ». « Il ne faut pas avoir peur des pauvres, ce ne sont pas des indiens », ajoute le père Devert.

 Le député-maire de Caluire, Philippe Cochet

 

Philippe Cochet crie à l’instrumentalisation politique

Mais en période de campagne électorale -Philippe Cochet est le député la 5e circonscription du Rhône et candidat à sa réélection- le dossier devient sensible. Le père Bernard Devert n’a pas hésité à participer à une rencontre sur le logement organisé le 24 mai dernier par le challenger du député-maire, le socialiste Jacky Darne, vice-président du Grand Lyon chargé des finances et également patron de la fédération PS locale.

Il n’en fallait pas plus à Philippe Cochet pour crier à la récupération politique.
Bernard Devert défend sa ligne de conduite :

« Les élections sont le temps du débat. Et loger les gens est un acte politique. Cette question n’appartient heureusement à personne. On ne s’inscrit pas dans un débat idéologique. La démarcation n’est pas droite/gauche mais elle se fait sur le refus ou l’accueil de l’autre ».

A la mairie, on reste sur la même ligne. Contacté Philippe Cochet nous a fait dire par ses services qu’il ne « souhaite pas s’exprimer pour éviter toutes confusions des genres en période électorale » et qu’il « regrette l’instrumentalisation politique du sujet ».

Joignant l’acte à la parole, le maire a enfin répondu aux soeurs pour leur proposer un rendez-vous avec ses services après les élections.
Désormais, c’est la communauté urbaine, le Grand Lyon, qui a la main. Puisque la compétence en matière de modification du plan local d’urbanisme lui incombe. En temps normal, dans 9 cas sur 10, elle accepte les modifications proposées par les municipalités. Elle a un an pour se prononcer.

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