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29/03/2024 date de fin
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Expo : « Le fil de nos pensées »… et un Internaute déçu !

Même si son œuvre monumentale à la Sucrière a nécessité 6000 pelotes de laine, tout ne tient qu’à un fil chez Chiharu Shiota : celui que les Anciens disaient relier l’âme à l’au-delà et qu’aujourd’hui on pourrait voir comme constituant le réseau fragile et incertain de la psyché, de la mémoire et de l’identité.

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«Je pense à la chaleur que tisse la parole autour de son noyau le rêve qu’on appelle nous», écrivait Tristan Tzara. Ne cherchons pas trop vite les significations ou les symboles, et laissons l’œuvre monumentale de Chiharu Shiota se donner d’abord à nos sensations, à la déambulation, à la rêverie et aux dérives de l’imagination…

Occupant les 1700 m² du premier étage de la Sucrière, l’installation impressionne d’emblée fortement et compose un espace-temps difficile à définir : parmi des lumières tamisées et extrêmement précises, nous sommes projetés dans une sorte de souterrain mystérieux, hanté par de grands fantômes blancs vaporeux.

Soit seize robes blanches démesurées (qui semblent identiques et sont en réalité toutes légèrement différentes, dessinées par le styliste Mongi Guibane), aux traînes reliées entre elles ainsi qu’aux piliers du bâtiment, le tout prenant place parmi les trames de milliers de fils de laine noire entrecroisés (6 000 pelotes et 600 km de laine). Tout communique et est relié en un vaste réseau : fils, tissus, parois de béton, sol, piliers.

 

Cortex

Beaucoup penseront au labeur d’une araignée, aux toiles un peu lugubres des greniers ou des caves. Chiharu Shiota s’en défend, préférant l’image d’un cortex et d’un réseau de neurones, reliés entre eux par des synapses et des dendrites imaginaires. «Toute mon œuvre porte sur la mémoire», souligne l’artiste, assez réservée, née en 1972 à Osaka, établie depuis 1996 à Berlin, formée auprès de la performeuse radicale Marina Abramovic. Ses grandes robes blanches ne doivent pas être forcément lues elles non plus comme représentatives d’une quelconque virginité ou féminité revendiquée, mais «comme une seconde peau».

«Je pense que tout est à l’intérieur du corps – famille, peuple, nation et religion… À l’aide de fils qui entourent la robe «seconde peau», je crée un environnement qui décrit ces relations».

Ce vaste «Labyrinthe de la mémoire» enveloppe ainsi différentes strates de temps, différentes relations de l’individu au groupe, différents rapports de l’intérieur au dehors, du visible à l’invisible… Formée aussi à la peinture et au dessin aux Beaux-Arts de Kyoto, Shiota manie fils, lumières, tissus comme autant d’éléments picturaux, peignant en trois dimensions. Et l’on sera attentif dans son œuvre aux infimes et très précises variations de densités, de formes légèrement différentes, de clairs-obscurs, aux successions de plans. Variations esthétiques exprimant celles de la psyché et de la durée humaines.

 

Portrait

Cette confusion parfaite et géniale entre la psyché et un univers plastique renvoie par exemple au film de David Cronenberg, Spider, lui aussi représentation de la psyché d’un individu (en l’occurrence schizophrène) et lui aussi utilisant le motif des fils arachnéens, comme autant de tentatives, d’essais réussis ou inaboutis de relier des souvenirs, de construire une mémoire et une identité. Et là est le trait essentiel : de Bergson ou Deleuze à Shiota et Cronenberg, la mémoire n’a rien de fixe ni de définitif, elle est une «matière» en constant devenir et recréation.

La série des robes «seconde peau» de Shiota figure cela de manière admirable, telles des couches ou des images différentes et successives de soi, quasi identiques mais pas totalement, s’étirant en de longues perspectives et dans des éclairages dissemblables. «Labyrinth of memory» constitue une sorte d’autoportrait de l’artiste en trois dimensions (la 3e dimension essentielle étant ici celle du temps) qui, comme tout autoportrait réussi, implique la relation à l’autre et au social, interroge les masques et les failles de l’identité, renvoie le spectateur à ses propres questionnements.

Commentant Spider, David Cronenberg rappelle combien au fond il est difficile pour chacun, chaque matin au réveil, de reconstituer une mémoire et une identité, ces fictions nécessaires, quand nous sommes pris en réalité dans des changements et des métamorphoses incessants…

 

Texte : Jean-Emmanuel Denave
Crédits photo : Noël Bouchut

 


Labyrinth of memory

Installation monumentale de Chiharu Shiota
La Sucrière : 47/49 quai Rambaud Lyon 2e
Jusqu’au 31 juillet, de 11h à 18h

 


 

Mail adressé à la rédaction de Rue89Lyon par Moïse Poisson, internaute déçu…

 

Sujet : La Sucrière se pense-t-elle comme une bonbonnière dorée ?

Une après midi radieux sous un beau soleil de mai, le jour d’un deuxième tour d’élection présidentielle qui donnait envie de s’adonner à quelques plaisirs culturels avant ceux de la bouche et de l’apéro « résultats » …

Le choix était fait, malgré l’heure tardive nous irions à la Sucrière voir la dernière exposition, fraichement inaugurée. Le simple nom de l’artiste japonaise Chiharu Shiota nous avaient convaincus, nous restions sur une belle rencontre avec son travail lors de la dernière très belle exposition « Ainsi Soit-il » aux Musée des Beaux Arts de Lyon. Une seule œuvre y était présentée par le collectionneur Antoine de Calbert : une robe de satin blanc comme suspendue dans un entrelacement de fils noirs… Une rencontre émouvante qui nous incitait donc à courir en cette fin d’après-midi dans l’antre de la Biennale d’art contemporain de Lyon, malgré l’heure qui nous laissait envisagé une visite express en 1h30 grand maximum.

Chaussures lassées, carte de réduction vérifiée, un trajet en tram et nous voilà devant cet imposant monument lyonnais qu’est la Sucrière.

16h30 : passage en billetterie, excités d’avoir la chance d’aller découvrir un peut plus du travail de cette artiste japonaise. Petite panne d’impression de billets, mais nous sommes invités tout de même à rentrer après s’être acquittés du prix d’entrée, un tarif plein à 8€ et un tarif réduit à 5$.

16h35 : Zut pas de vestiaires, bon ce n’est pas grave, nous ne sommes pas grabataires mais tout juste, ou presque, trentenaires.

16h36 : Montée en ascenseur jusqu’au troisième niveau.

16h37 : Ouverture de la porte de l’exposition et découverte de l’espace… Un tunnel de fils noir, des robes de satin blanc, un jeu de répétition intéressant, peut être une œuvre moins fine dans sa réalisation que la première rencontrée mais bon, avançons !

16h39 : Nous réalisons que l’exposition se limite à une seule pièce et que nous venons d’en faire quasiment le tour, la déambulation ne laissant guère de doutes… 16h39s48c : La colère monte et gronde et me gâche le reste du tour de la pièce. La somme de 13 euros me cogne de plus en plus fort sur les tempes en ricanant… 16h40 : Nous reprenons l’ascenseur pour redescendre au rez de chaussée, la visite est terminée.

16h42 : Tentative de discussion avec la personne en charge du contrôle des billets avec qui nous essayons de débattre sur le pris très élevé de cette exposition. le poinçonneur : »Mais vous savez, un paquet de clope ça coûte le même prix alors non, je ne trouve pas l’entrée bien chère … »

16h45 : Nous retrouvons les quais de Rhône mais avec une sensation d’écœurement grandissant. Nous venons de perdre 13 euros pour 3 minutes de visite.

Heureusement le soleil est encore là et nous permet de nous dégourdir les jambes en laissant échapper notre rancœur face à cette institution qui visiblement ne pratique pas une politique tarifaire populaire. Ah, je m’entends débattre avec celles et ceux qui tentent de défendre que l’art contemporain est un milieu élitiste, cher et inaccessible, je m’entends répliquer que l’entrée d’un musée vaut souvent moins cher qu’une place de cinéma … …

Et aujourd’hui je suis vexé, et je souhaite dénoncer les prix d’entrée de la Sucrière qui sont pour cette exposition démesurés. Alors oui, il aura fallu acheter des kilomètres de fils pour créer cette œuvre intéressante, mais tout de même le prix du fils n’a pas augmenté à ce point, si ?!

Alors voilà nous sommes rentrés tristes à 17h00 et après la confection d’un cake salé, nous avons attendus 20h00 les résultats, et l’idée d’un nouveau quinquennat nous a requinqué.

Enfin, les dimanches à la Sucrière ce n’est pas pour tout de suite. Laissons la bonbonnière dorée où elle est et pensons aux galeries indépendantes et … gratuites !

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