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29/03/2024 date de fin
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Une famille sans-papiers arrêtée… après avoir été hébergée par la préfecture

A la rue, une famille kurde d’Azerbaïdjan avait obtenu, par décision du tribunal administratif, que la préfecture du Rhône lui fournisse un hébergement le 6 avril dernier. Deux jours après son relogement à l’hôtel, le préfet a fait arrêter toute la famille pour la placer au centre de rétention.

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A l’hôtel depuis deux jours, le couple de la famille M., leur deux enfants de sept ans et neuf ans, avaient pensé trouver un nouvel endroit pour souffler.

Issus de la minorité kurde d’Azerbaïdjan du Haut Karabakh, ils sont arrivés en France en provenance de Russie. Dès leur arrivée en septembre 2010, ils ont déposé une demande pour obtenir le statut de réfugiés. Ce faisant, ils avaient droit à une place dans un Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA).

Déboutés au début de l’hiver, ils ont été obligés de quitter le CADA. Dormant dans la rue avec leurs enfants jusqu’en décembre, ils ont pu trouver un hébergement dans des bungalows installés temporairement à Vénissieux, pour le plan froid.
Mais les bungalows ont fermé le 4 avril et la famille M. a de nouveau dû dormir dehors, sur un parking de la gare Perrache.

 

Rafale de recours pour la continuité de l’hébergement

Les M. sont parmi les premiers à bénéficier de la campagne juridique lancée, à Lyon, par la Fondation Abbé Pierre, à la fin du plan froid. L’objectif étant de maintenir les personnes dans un hébergement alors que les structures hivernales ferment les unes après les autres, remettant les personnes à la rue.
Cette campagne s’appuie sur le Droit au logement opposable qui prévoit notamment (Dalo, article L 345-2-3 du code de l’action sociale et des familles) que « toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir (…) y demeurer ».

Une centaine de dossiers devrait d’ailleurs être présentée au tribunal administratif de Lyon d’ici le mois de mai. Des quatre dossiers présentés le 6 avril, seul celui de la famille M. a eu gain de cause. Le préfet avait 72 heures pour s’exécuter. Il l’a fait et a relogé la famille dans une chambre d’un hôtel du 2e arrondissement de Lyon, dans le cadre du dispositif départemental d’hébergement d’urgence.

 

Arrêtés deux jours après avoir été hébergés

Le juge administratif n’a pas tenu compte du fait que les M. étaient et sont toujours sous le coup d’une obligation de quitter le territoire (OQTF), délivrée le 23 février 2012. Et pour cause, l’hébergement d’urgence est inconditionnel. En clair, à l’entrée d’un centre d’hébergement, on ne demande pas les papiers. Mais le préfet, lui, n’a pas oublié que la famille devait être expulsée.

Deux jours après leur installation, elle a été cueillie, à 7h30, à la sortie de son hôtel par trois policiers. Arrêté, le couple M. a été transféré au CRA de Lyon/Saint-Exupéry. Avec leurs deux enfants. « Encore une fois au mépris de la Convention internationale des droits de l’enfant et de la Cour Européenne des droits de l’Homme », a souligné le Réseau Education sans frontières (RESF) dans un communiqué.

 

Une préfecture déloyale ?

Ce vendredi, toute la famille était de nouveau au tribunal administratif. Cette fois-ci pour contester son placement en rétention et son expulsion. L’avocate de la famille, Céline Amar, a plaidé qu’il n’y avait pas nécessité à les enfermer au centre de rétention :

« Les M. ne sont pas partis dans la nature. Ils se sont présentés volontairement à un tribunal pour faire valoir leur droit à l’hébergement ».

 

Par ailleurs, l’avocate de la famille a précisé que la préfecture du Rhône savait où les trouver pour venir les expulser, quand le délai pour partir volontairement dans leur pays a expiré, le 25 mars dernier. La famille était hébergée, à ce moment-là, dans des bungalows installés dans le cadre du plan froid piloté par la préfecture.

Ce qui a amené Céline Amar à insister sur le caractère déloyal du comportement de l’administration :

« Qu’est-ce qui fait qu’il a y eu une urgence à les interpeller et à les placer au centre de rétention ? Il semble que le préfet ait utilisé le placement en rétention pour ne pas avoir à les héberger de nouveau comme le lui ordonnait le tribunal ».

 

« L’Etat transforme les droits en guet-apens »

L’avocate de la préfecture, Dominique Schmitt, rejette toutes ces accusations :

« On ne peut pas dire qu’il y a une corrélation exacte entre les services de l’hébergement et la police. Malheureusement nous ne sommes pas dans un monde parfait où les décisions des uns seraient connues des autres. Qu’on ne vienne pas me dire qu’on aurait attendu de les héberger pour les arrêter ! »

 

Une certitude, en revanche, la famille M. n’a pas communiqué l’adresse de son hôtel à la police. Qui, mis à part les services de la préfecture en charge de l’hébergement, aurait pu transmettre cette information à la police ?

Pour les associations engagées sur le droit au logement, la concomitance des dates (le 10 avril : hébergement; le 12 avril : arrestation et placement au centre de rétention) les conforte dans l’idée que la préfecture a accéléré le placement en rétention. Marc Uhry, le directeur régional de la Fondation Abbé Pierre, déclare :

« On utilise le droit au séjour pour échapper au droit au logement. L’Etat instrumentalise le placement en rétention pour se soustraire à une décision de Justice. Si l’Etat, garant de la loi, essaye de s’y soustraire, cela pose un grave problème ».

 

Le tribunal administratif a rendu immédiatement sa décision : le placement en rétention a été annulé mais pas l’obligation de quitter le territoire. Conclusion de cet imbroglio juridique, les M. sont retournés à l’hôtel ce vendredi soir où ils devraient être assignés à résidence, en attendant que l’Azerbaïdjan les accepte sur son territoire.

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