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Universités de Lyon : ça cogne en période électorale

Un tractage qui tourne aux insultes et des agressions physiques de militants, les élections étudiantes 2012 marquent la tentative de retour de l’extrême droite dans son bastion historique, l’université Lyon 3. A Lyon 2, traditionnellement marquée à gauche, des violences ont également eu lieu pendant la campagne des syndicats.

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Mardi 14 février, à l’université Lyon 3, toutes les organisations étudiantes distribuent tracts sur tracts pour convaincre les étudiants de voter pour leur liste. Vers 12h30, sur le site de la Manufacture des tabacs, arrivent Alexandre Gabriac et ses copains.

Le plus jeune élu du conseil régional, exclu du FN, dirige un groupuscule nommé les « Jeunesses Nationalistes ». Mais Alexandre Gabriac est également étudiant en droit à Lyon 3. Il ne rechigne pas à donner un coup de main à ses amis du Groupement Union Défense (GUD) qui s’est reformé à Lyon en septembre dernier et qui a récemment fait parlé de lui pour des tags néo-nazis dans une commune du Beaujolais.

Interdite de séjour au sein de l’université, la dizaine de personnes reste dehors à distribuer leurs tracts. Elles s’en prennent également aux militants et autres organisations, notamment ceux de la FEDER, qui regroupe la Confédération Etudiante et l’UEJF – Union des Etudiants Juifs de France. Le dirigeant de l’UEJF de Lyon, Moïse Daraï raconte :

« Ils nous ont interpellés en nous disant qu’on était les associations anti-fascistes. Et puis ils ont commencé à nous insulter, notamment de « sales petits pédés ». Avec un de mes camarades, on a dû subir une série d’insultes homophobes ».

Moïse Daraï et ses collègues rentrent dans la fac. Les militants du GUD restent dehors.

Opération « coups de poing » à Lyon 3

Vers 15 heures, sur l’autre site de Lyon 3, quais du Rhône. Même scénario : des étudiants distribuent leur propagande dans le hall de la fac. Une dizaine d’individus masqués déboulent, arrachent les tracts et distribuent les coups.
La secrétaire nationale de la Confédération Etudiante (la Cé), Pauline Sevin était venue de sa fac d’Aix-Marseille pour aider les militants lyonnais de son syndicat. Elle témoigne :

« Je me suis retrouvée au milieu de la bagarre. Ils portaient des bonnets et des masques de peintre. Ils ont surtout tapé les militants de l’UNI-MET (la droite universitaire, ndlr). Je me suis pris un coup de coude dans la mâchoire au passage. Ça a duré trente secondes ».

« La marque du GUD »

L’UEJF a déposé une main courante contre le GUD pour les insultes. Deux plaintes contre X ont également été déposées pour les coups portés dans l’après-midi, même si les militants des organisations étudiantes plutôt marquées à gauche (Confédération Etudiantes et UNEF) et l’UEJF sont sûrs qu’il s’agit là aussi du GUD. Le directeur général des services de Lyon 3, Bernard Pascal, en est également persuadé :

« On les reconnaît à leur style vestimentaire. Je peux vous dire que ce ne sont pas des gauchistes ».

Dans un communiqué publié sur son site Internet, le GUD Paris récuse les accusations portées notamment par l’UEJF. Contactés, les dirigeants lyonnais n’ont pas donnés suite.

L’UNI-MET, autrement dit la droite universitaire, se montre beaucoup plus prudente dans ses accusations contre le GUD. L’un de ses responsables explique qu’ »un des militants qui s’est fait taper » dit avoir reconnu une personne d’extrême gauche quand, le lendemain, des militants de l’UNI-MET se sont fait « molester » à Lyon 2.

A Lyon 2, l’extrême gauche en accusation

En face de Lyon 3, la campagne battait également son plein à Lyon 2, les élections ayant eu lieu vendredi. Selon les organisations étudiantes qui ont subi les agressions et l’université, les principaux incidents ont eu lieu mardi et jeudi. Chez les étudiants agressés, on pointe un syndicat classé à l’extrême gauche, la Fédération Syndicale Etudiante (FSE), comme étant l’instigateur de ces coups de force :

  • Mardi après-midi, alors qu’ils allaient distribuer des tracts sur le campus Porte des Alpes (Bron), des étudiants de l’organisation Gaelis (membre de la FAGE, classé centre gauche) se sont faits menacer par « au moins quatre personnes masquées » munies de barres. Selon un représentant de Gaelis, ils leur ont arraché les tracts et les ont chassés. Ce qu’ils ont fait. Une plainte a été déposée.
  • Jeudi matin, Antoine Darbon de l’UNI-MET raconte qu’ils ont été une dizaine à se faire « charger » rue Chevreul, devant l’entrée de l’université.  « Un de nos gars s’est retrouvé par terre avec une dizaine de personnes autour en train de le taper au sol. Quelques uns d’entre nous ont essayé de le sortir,  mais on s’est fait refouler par la police qui a séparé les gars. Il est parti à l’hôpital, la lèvre ouverte ». Pour lui, il s’agit de personnes « affiliées à la FSE ». Une plainte a également été déposée.

Effet « boules de neige »

Cet étudiant évoque un autre fait que la direction de Lyon 2 n’a pas relevé alors qu’il s’est déroulé dans l’enceinte de la fac, située quai du Rhône. Le mercredi, les étudiants de la droite universitaire se sont faits repousser à l’extérieur de la fac par des personnes « affiliées à la FSE ». Ils ont reçu des boules de neige. Une fois à l’extérieur, ils ont pris des coups par d’autres « personnes d’extrême gauche ».  Selon lui, des faits similaires auraient eu lieu également sur le campus Porte des Alpes. Sans plus de précisions.

Mis en accusation, la FSE qui se définit comme un étant un « syndicat de lutte », nie avoir commis ces actes, hormis les jets de boules de neige du mercredi.

Toutefois, le militant de la FSE que nous avons pu contacter, ne condamne pas ces actes de violences :

« On ne va pas condamner des actions contre des militants d’organisation réactionnaires. C’est devant l’UNI que Claude Guéant a tenu ses propos racistes sur les civilisations. Pour nous c’est une organisation d’extrême droite qui n’a rien à faire à l’université ».

La direction Lyon 2 se garde bien d’accuser la FSE

La direction de l’université minimise. La porte-parole de Lyon 2, Eugénie Binet-Tiessen, directrice du service communication, déclare ainsi :

« Le scrutin a pu se dérouler normalement. A l’intérieur de l’université, les agents de sécurité incendie n’ont eu à intervenir qu’une seule fois mercredi en début d’après-midi pour enlever les manches à balai à six personnes masquées qui se revendiqueraient d’extrême gauche ».

Eugénie Binet-Tiessen ne mentionne jamais la FSE. Elle relève toutefois les deux incidents « regrettables » qui se sont déroulés, « dans un contexte de tractage », à l’extérieur de l’université, par des personnes qui « se revendiqueraient d’extrême gauche » .

Dans un communiqué, l’UNI-MET Lyon met en cause « l’attitude du Président de l’Université et du directeur général des services de Lyon 2 qui refusent de recevoir les représentants du MET alors que ces actes se déroulent sous leurs yeux ». Le syndicat « se réserve la possibilité de poursuivre en justice la présidence de l’Université ». La porte-parole de l’université Lyon 2 tient à préciser que le directeur général des services n’a jamais refusé de recevoir l’UNI-MET.

Depuis 2007, des conflits réguliers opposent la présidence et la FSE. Ce fut notamment le cas au sujet des blocages de l’université pendant les mouvements contre l’autonomie des facs (en 2007 et 2009) et dernièrement lors du vote du passage à l’autonomie en novembre. Mais la porte-parole de l’université n’a rien à reprocher à cette organisation qui a droit de cité au sein de l’université et qui siège au conseil d’administration.

La direction de Lyon 2 « condamne la violence » mais, contrairement à Lyon 3, ne pointe pas d’organisation en particulier ou de courant politique.

A Lyon 3, « tolérance zéro » pour l’extrême droite

A Paris-Assas comme à Lyon 3, le GUD avance sous un nom officiel : l’Union Défense de la Jeunesse (UDJ). Mais ce n’est qu’un faux-nez, comme l’a récemment confirmé le piratage par les Antifanonymous des boîtes mails et blogs de différents dirigeants du GUD. Sous cette appellation d’UDJ, les « gentlemen fascistes », comme ils se surnomment, ont demandé leur référencement à Lyon en octobre dernier. L’université leur a refusé. Le directeur général des services explique :

«  Nous affichons une tolérance zéro pour ce courant de pensée. Leurs valeurs n’ont rien à voir avec l’université ».

Vont-ils finir par s’implanter dans une université historiquement marquée par une forte présence de l’extrême droite, notamment parce que ses figures y enseignaient (Pierre Vial) ou y enseignent toujours (Bruno Gollnisch) ? Le DGS se veut rassurant :

« Dans leurs rêves les plus fous, ils pensent qu’un jour ça viendra. Mais nous n’avons pas vraiment d’inquiétude à ce sujet. Je ne crois pas qu’ils y arriveront ».

Depuis sa reformation en septembre, ce n’est pas la première fois que la présence du GUD est associée à de la violence.

Le 14 septembre, jour de la reprise des cours de Bruno Gollnisch. Après six ans d’absence suite à ses propos sur la Shoah pour lesquels il avait été condamné puis relaxé par la Cour de cassation, le leader du FN en Rhône-Alpes a été accueilli par une manifestation de 200 personnes lui signifiant leur hostilité. Mais l’enseignant pouvait compter sur une vingtaine de supporters. « Les mêmes qui ont distribués les tracts », selon le directeur général des services. Quelques instants après la fin de la manifestation, deux individus déboulent à moto et frappent avec leurs casques deux manifestants sur le départ.

Le 24 octobre, un militant de l’UNEF, distribuait des tracts à l’intérieur de l’université, quand une « demi-douzaine de gars en blouson noir les lui ont arraché,  l’ont bousculé et insulté », déclare le vice-président étudiant de Lyon 3, Nathan de Arriba-Sellier, au site d’infos sur l’extrême droite « Préférence nationale ». Les militants de l’UNEF se sont réfugiés dans leur local qui a été aussitôt recouvert d’autocollants du GUD.

> Article modifié le 20 février à 11h12, suite à des précisions apportées par la porte-parole de l’Université Lyon 2.


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