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Les mineurs en prison sont-ils au régime sec ?

La nourriture en prison est l’un des premiers sujets de conversation chez les détenus. « Comme chez le personnel d’ailleurs », assure Sylvain Royere, surveillant qui a intégré l’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Meyzieu peu après son ouverture, en 2007. Et quand il s’agit des besoins de « grands gaillards de 16 ans, la question est encore plus sensible », ajoute l’avocate Marie-Pierre Dominjon, et présidente de la commission droit des mineurs au barreau de Lyon. A Meyzieu, premier établissement de détention de ce type à être sorti de terre en France, le fonctionnement est en perpétuel ajustement.

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Zonzon /


Illustration : Vergin Keaton

 

« On mange trop tôt, à 18h30, alors qu’on a fait du sport toute la journée. Alors c’est sûr qu’à 21 heures on a faim. On pourrait au moins avoir un petit truc, une tablette de chocolat dans la cellule ».

 

Mais la nourriture y est interdite. Les mineurs ne peuvent pas non plus cantiner, c’est à dire acheter des consommables en supplément de la base fournie par l’administration pénitentiaire. Ce qui est quand même « une bonne chose », de l’avis de l’ensemble des acteurs de la chaîne judiciaire, qui estiment en effet que les « mineurs sont censés avoir suffisamment de tout en détention ».

 

« Ils ont eu la dalle pendant plusieurs semaines »

Au printemps dernier, la tension est encore montée d’un cran. C’est à des jeunes détenus en colère parce qu’en manque de nourriture que le personnel a dû faire face. Certains détenus se sont retrouvés avec des quantités de nourriture loin de convenir à un grand ado capable d’engloutir un chariot de courses pour le goûter. Les repas, préparés par l’entreprise privée Sodexho, étaient apportés dans de grands bacs, et le personnel a dû lui-même diviser la nourriture en portions individuelles. « Sans gant, ni charlotte, ni même préconisation », raconte l’un d’eux. Il assure que des mineurs « n’en ont pas eu suffisamment, et ont eu la dalle pendant plusieurs jours ».

Finalement, le tir a été rectifié, et Sodexho livre désormais des repas déjà calibrés dans des barquettes individuelles. Chacun a désormais sa proportion de protéïnes / féculents / légumes. Mais, est-elle adaptée ?

« On ne peut bien sûr pas parler de privations. C’est simplement que les établissements pénitentiaires pour mineurs sont en dehors des réalités », explique Jean-Claude Vaupré, salarié CFDT de la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse), dans le Rhône.

Tous les quinze jours en moyenne, une diététicienne élabore les menus, soucieuse du « grammage », de la répartition entre les protéines, les fibres, les féculents, etc.

« Ce n’est pas toujours adapté aux appétits… Ce sont des mineurs, certes, mais pas du tout des enfants de maternelle », convient une magistrate.

 

Cigarettes allumées avec les fils de la télé

Dans les problématiques du quotidien à gérer, la chasse à la cigarette est aussi une préoccupation qui prend du temps. Un décret de 2006 précise la loi Evin et marque l’interdiction de fumer « dans toute l’enceinte (y compris les endroits ouverts comme les cours d’école) des écoles, collèges et lycées publics et privés, ainsi que des établissements destinés à l’accueil, à la formation ou à l’hébergement des mineurs ». Mais « la plupart des mineurs incarcérés à Meyzieu sont fumeurs, alors ils trouvent le moyen de fumer », décrit un surveillant. Et quand ils n’ont pas réussi à se procurer le briquet qui va avec, certains utilisent les fils électriques de leur télévision pour allumer les cigarettes.

« C’est totalement accessoire de fumer en prison. Ce qui est grave c’est la drogue, ce sont des viols et des gens qui se pendent, ça c’est grave », s’énerve Catherine Farinelli, présidente de la chambre des mineurs près la cour d’appel de Lyon, quand on la questionne sur la gestion du tabac dans les EPM.

Comme elle, nombre d’éducateurs et de surveillants estiment que le tabagisme des détenus ne peut (devrait) pas être une priorité. Mais La direction de Meyzieu est toutefois intraitable sur la question, les flagrants délits de consommation de tabac peuvent faire l’objet de « mesures », comme une privation de repas en collectivité, ou d’activité sportive. « Il s’agit de donner un cadre à ces mineurs qui, pour beaucoup, ont été déscolarisés, désocialisés, et leur imposer est tout aussi difficile à supporter par eux, qu’il est difficile à mettre en place par le personnel », résume Catherine Farinelli.

 

L’EPM a quatre ans et le projet est toujours en cours

Le jeune mineur qui fût un temps détenu à Meyzieu, estime être « plus cadré » au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, tout en regrettant la présence du référent éducateur qu’il avait à Meyzieu. Sur le principe, pour chaque déplacement, un jeune détenu doit en effet être accompagné d’un éducateur de la PJJ et d’un surveillant, le saint duo qui fait l’essence du projet des EPM. Mais après plusieurs mouvements de grève du personnel, le suicide d’un jeune détenu de 16 ans en 2008 et un changement de direction fin 2009, un véritable projet d’établissement n’a toujours pas vu le jour à Meyzieu. « On le réclame depuis le début mais il n’est toujours pas rédigé, alors qu’il est obligatoire pour la gestion de la détention au quotidien », explique Sylvain Royere, qui regrette de voir partir des collègues surveillants venus par « conviction » pour le projet d’une « prison éducative », dépités.

Une prison pour mineurs sans direction


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