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À Lyon, moyens et astuces pour tenir la promesse d’Emmanuel Macron sur les sans-abri

En juillet dernier, Emmanuel Macron annonçait : « D’ici la fin de l’année, je ne veux plus personne dans les rues ni dans les bois ». En ce début d’année 2018, Lyon reste une des agglomérations de France qui connaît le plus de personnes à la rue. Comment font les services de l’Etat pour tenir la promesse du chef à Lyon, fief de la Macronie ?

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À Lyon, moyens et astuces pour tenir la promesse d’Emmanuel Macron sur les sans-abri

Premier constat : le nouveau préfet du Rhône fait profil bas. Interrogé lors de ses vœux à la presse sur la promesse d’Emmanuel Macron, Stéphane Bouillon a estimé qu’il s’agit « d’un challenge difficile à tenir ».

Et comme il n’allait pas charger son supérieur hiérarchique direct, le président de la République, il a développé l’argument de l’appel d’air local à propos de la « crise des migrants » :

« Nous avons de plus grandes capacités d’accueil et les associations sont généreuses. Les gens le savent. »

Plus de moyens pour le plan froid au mois de janvier

Passé le commentaire, le constat est là : il y a toujours des sans-abri dans nos rues malgré le plan froid qui consiste à augmenter les places d’hébergement en hiver. Et ces remontées du terrain ont fait désordre en haut lieu.

Les associations avaient pourtant pointé dès novembre un plan froid insuffisant. Un dispositif hivernal pourtant doté de 750 places auxquelles pouvaient s’ajouter 350 places dans des gymnases.
Le nouveau secrétaire général de la préfecture, et préfet à l’égalité des chances, l’a reconnu. Le dispositif de 750 place est saturée.

Emmanuel Aubry nous explique que la préfecture a dû ouvrir, le 18 janvier, 210 nouvelles places, dont 200 places dans une ancienne caserne située à Saint-Priest.

« L’Etat a pris la mesure des besoins en ouvrant ces nouvelles places qui n’étaient pas prévues initialement », souligne Jérôme Colrat, directeur d’Alynéa et président de la fédération des Samu sociaux.

Bouillon (au centre) lors de la présentation du plan froid. © TS/Rue89Lyon
Le nouveau préfet du Rhône, Stéphane Bouillon (au centre) lors de la présentation du plan froid. A sa droite, Emmanuel Aubry, secrétaire général de la préfecture © TS/Rue89Lyon

Une astuce : le changement de thermomètre

Quels sont les chiffres des personnes sans-abri dans l’agglomération lyonnaise ?

Habituellement, ce sont les chiffres hebdomadaires du 115 collectés par la Maison de la veille sociale qui constituent le thermomètre. Ces données ne sont pas publiques mais nous avons pu les consulter.
Du 8 au 14 janvier, 2617 personnes ont appelé le 115 et n’ont pas pu obtenir de place. 2459 déclaraient avoir « dormi la veille à la rue ».

Nous avons soumis ce chiffre des « sans solution » au préfet à l’égalité des chances. Pour lui, ce ne sont pas des gens « dans la rue », comme dirait Emmanuel Macron.

« Ces personnes peuvent être dans un squat ou hébergées chez des gens. »

Et d’expliquer que l’action de la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) se concentre sur qu’il nomme les « personnes réellement à la rue ». Une liste est constituée, suite aux signalements des maraudes, principalement de la Croix-rouge et du Samu social. Avec la priorité donnée aux familles.

Seules ces personnes peuvent espérer bénéficier d’un hébergement d’urgence.

« Ce n’est pas raisonnable d’aller sur ce terrain là, réagit Jérôme Colrat de la Fédération des Samu sociaux. Avec ce mode de fonctionnement, seules les situations les plus désespérées donneront accès à un hébergement. D’autre part, nous ne voyons pas toutes les situations. Notre mission est d’aller vers les grands fracassés de la vie, ceux qu’on n’entend pas. En priorisant les familles, on oublie encore une fois ceux-là ».

Pour le secrétaire général de la préfecture, l’augmentation de 210 places d’hébergement correspond à une liste d’environ 190 noms, arrêtée mi-janvier. Et ces personnes devraient donc entrer prochainement dans la caserne de Saint-Priest.

Les autres sans-abri, qu’ils vivent dans un squat, comme ceux ouverts à Villeurbanne (lire ici et ), sous une toile de tente sur un campement, comme celui de la Part-Dieu, ou pour quelques nuits chez des particuliers, sortent des radars de la veille sociale.

Dans un communiqué publié le 29 janvier, le Collectif des Professionnels de l’Urgence Sociale (PUS) a dénoncé « cette stratégie mensongère pour faire diminuer le chiffre des personnes en demande d’hébergement. »

« Le système machiavélique repose sur l’impossibilité des professionnels à signaler toutes les personnes rencontrées à la rue. (…) Les personnes non signalées [par les maraudes, ndlr] sont, elles, considérées « non véritablement à la rue ». C’est bien connu, lorsque l’on est hébergé par un tiers dans de bonnes conditions, on aime à composer le 115 régulièrement, attendre 30 minutes qu’un écoutant puisse décrocher, pour se retrouver éventuellement à 6 dans un bungalow de 25 m2 ».

Une mise à l’abri pour sept jours

Par ailleurs, le Collectif PUS révèle que s’est ouverte le week-end du 27 et 28 janvier à Saint-Priest une « halte famille », une nouvelle structure d’hébergement d’urgence dans le cadre du plan froid. C’est une salle qui comprend 60 lits. La mise à l’abri est proposé pour seulement sept jours alors qu’habituellement, dans le cadre du plan froid, l’hébergement dure au moins jusqu’à la fin de la période hivernale (31 mars).

« Alors que cela devrait être son rôle, le 115 ne peut orienter sur ces places, car il ne peut attester des conditions de rue avérée. Ainsi ce sont les équipes mobiles qui se sont vues attribuer ce rôle pourtant loin de leurs missions. Pour parfaire l’hypocrisie, une famille qui refuserait la place temporaire par crainte de perdre son lieu d’installation de rue sera rayé de la liste des personnes « véritablement à la rue ». Une famille qui acceptera cette solution et sera ensuite remise à la rue sera aussi effacée de la liste car une solution aura été proposée ».

Une politique d’hébergement confortée par les juges

Si on n’est pas signalé par une équipe de maraude, comment faire pour entrer dans la short-list de la préfecture du Rhône qui permet d’accéder à l’hébergement ?

En vertu du droit à l’hébergement opposable, les sans-abri peuvent saisir la justice. Mais depuis quatre ans, ce droit est détricoté par les juges administratifs qui estiment que l’Etat fait déjà beaucoup. Et les demandeurs se font déboutés, même si les situations sanitaires sont critiques.

Restent les mobilisations notamment autour des écoles. Le collectif « Jamais sans toit » fait régulièrement remonter des listes d’élèves SDF. Et la préfecture héberge progressivement dans le cadre du plan froid. Mais des familles sont toujours à la rue.

La dernière école en date à connaître un mouvement pour les sans-abri est l’école Paul Bert dans le 3e arrondissement de Lyon. Six enfants scolarisés, représentant quatre familles, sont toujours en attente d’un hébergement.

Une des photos de Mathieu Pernot affichée au CHRD lors de l’expo sur les migrations « Rêver d’un autre monde » ©Mathieu Pernot/Les Migrants, 2009.

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