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« Quand on montre des empreintes de dinosaure, il y a toujours des gens très sceptiques »

Dans le Jura, des fouilles ont permis de révéler une exceptionnelle série d’empreintes de dinosaure sauropode, laissées là il y a 150 millions d’années.

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La piste de sauropode, à Plagne, dans l'Ain. © P.Dumas / CNRS

Jean-Michel Mazin, directeur de recherche au CNRS, a fait partie de l’équipe de recherches. Nous l’avons interrogé sur un travail entamé en 2009 et qui vient de mener à cette importante découverte, mais aussi sur les sceptiques qui le regardent comme un mystificateur.

Jean-Michel Mazin. © CNRS

Rue89Lyon : D’abord, une vraie question de néophyte, qu’est-ce qu’un dinosaure sauropode ?

Jean-Michel Mazin : C’est cette énorme bête herbivore à long cou et grand corps, avec des pattes en pilier, type diplodocus ou brontosorus. Dans le cas présent, la taille des empreintes, un peu plus d’un mètre de long, nous apprend qu’il s’agissait d’un animal d’une quarantaine de mètres de long et pesant au moins 35 tonnes. C’est-à-dire un très très gros animal.

Après des années de fouilles menées notamment par le Laboratoire de Géologie de Lyon, nous avons mis au jour cette piste constituée de 110 pas successifs et qui mesure près de 155 mètres de long. Ce qui en fait la plus longue jamais découverte pour ce type de dinosaure.

Comment ces traces ont-elles pu traverser les millénaires ?

La conservation de telles empreintes à travers les âges est un vrai questionnement. À chaque fois, ce sont des conditions environnementales particulières qui vont la permettre.

L’animal marche dans une boue ″plastique″, ni trop liquide ni trop dure, puis les empreintes sèchent et sont ensuite recouvertes par une nouvelle couche de boue, de la vase, etc. Sans oublier le facteur chance qui fait que rien n’a détruit ces traces en 150 millions d’années. Ces empreintes, c’est en fait une véritable suite d’exceptionnalités.

La piste de sauropode, à Plagne, dans l’Ain. © P.Dumas / CNRS

« Les dinosaures ont quand même peuplé la planète pendant 160 millions d’années, on ne peut pas les présenter comme des erreurs de la nature »

Quels enseignements avez-vous pu tirer de cette découverte ?

En paléontologie, une découverte c’est toujours quelque chose de particulier car les évènements qui mènent à la fossilisation sont des phénomènes exceptionnels. Ce qui est étonnant ici, c’est qu’on ne s’attendait pas à trouver ce type d’animal à cette époque.

Ces dinosaures ont surtout évolué pendant le Crétacé, c’est-à-dire dans les millions d’années qui ont suivi. Celui-là serait donc peut-être un des premiers représentants de sa lignée.

La science et la paléontologie évoluent vite. Que sait-on à l’heure actuelle sur la vie des dinosaures ?

Aujourd’hui, le mot ″dinosaure″ est souvent associé à des vieux sénateurs dépassés par les évènements. On a accolé à ce mot une certaine notion d’inadaptation. Pourtant les dinosaures ont quand même peuplé la planète pendant 160 millions d’années, donc on ne peut pas les présenter comme des erreurs de la nature.

Ils étaient tout à fait adaptés à leur milieu de vie et à leur époque.

Deuxième chose, les dinosaures ont vécu à l’ère Mésozoïque, entre – 230 millions et – 65 millions d’années, alors que l’ancêtre de l’Homme est apparu sur terre dans une période comprise entre -5 et -3 millions d’années.

Il n’y a donc jamais eu de rencontre entre les dinosaures tels qu’on se les imagine – diplodocus, t-rex, etc. –  et êtres humains. Mais cette idée de cohabitation prend une nouvelle tournure car depuis une vingtaine d’années ont sait de manière indiscutable que les oiseaux ont évolué à partir des dinosaures. Ce sont donc des dinosaures emplumés.

« La plupart des gens qui défendent ces idées [créationnistes] sont relativement indigents en termes de connaissance du monde vivant. Il suffit de regarder Mr Trump »

Et pour leur disparition ?

Depuis que l’humanité connaît les dinosaures, vers le milieu du 19ème siècle, elle s’est toujours questionnée sur cette disparition. C’est seulement dans les années 1960-1970 qu’on s’est rendu compte qu’il ne s’agissait pas seulement de l’extinction des dinosaures mais d’une véritable crise qui a balayé une grande partie de la vie sur terre il y a 65 millions d’années.

Il y a aujourd’hui plusieurs pistes privilégiées pour expliquer cet évènement. Cependant à l’heure actuelle, l’hypothèse d’un astéroïde venu percuter la terre – et l’ensemble des conséquences que cela pu engendrer – est celle qui est la plus corroborée, la plus argumentée.

Notamment par différentes découvertes comme celle d’un immense cratère dans la péninsule du Yucatan au Mexique.

Si le sauropode marchait dans ses empreintes. © Dessin A. Bénéteau / photo Dinojura / CNRS

En tant que paléontologue, que vous inspirent les discours remettant en cause la théorie de l’évolution ?

C’est une réduction de la pensée humaine. L’évolution des espèces – qui n’est plus une théorie – est un des grands piliers de la connaissance moderne. Les personnes qui remettent en cause l’évolution des espèces s’appuient en général sur des arguments liés à des textes soi-disant révélés, en fait des dogmes.

Il ne peut donc y avoir de mariage entre un raisonnement scientifique qui s’échafaude sur des hypothèses et des démonstrations, et un raisonnement dogmatique qui appuie les idées créationnistes. Qui, d’ailleurs, ne sont pas le fait d’une religion plus que d’une autre.

Comment lutter contre ces thèses ?

C’est certainement par l’éducation que l’on en sortira. Car il faut bien reconnaitre que la plupart des gens qui défendent ces idées sont relativement indigents en termes de connaissance du monde vivant. Il suffit de regarder M. Trump. C’est surtout l’éducation et la mise en place d’un raisonnement scientifique, la discussion, le débat d’idées […] qui permettront de sortir de ces discours.

Vous savez, quand on montre à des gens des empreintes de dinosaure, des fossiles, il y a toujours des gens très sceptiques : ″ce n’est pas aussi ancien que vous le dites″, ″vous les avez fabriqués″, etc. Mais en général lorsqu’on montre qu’ils sont réels, comment on les extrait du sol, on arrive à convaincre.

Je pense que l’incrédulité est sans doute à la base de ces raisonnements et que tôt ou tard les démonstrations scientifiques vaincront.


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