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Implants contraceptifs Essure : les plaignantes déçues par une première décision de justice

Dans la bataille judiciaire lancée contre la méthode de contraception définitive Essure, voilà une victoire qui n’en est pas vraiment une. Le sentiment est très mitigé pour les trois utilisatrices de la contraception produite par Bayer, à l’origine de la procédure, suite à la décision ce vendredi des juges d’ordonner une expertise au sujet de ce système d’implant controversé… à leurs frais.

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Implants contraceptifs Essure : les plaignantes déçues par une première décision de justice

Le 10 mars dernier, saisi en référé (procédure d’urgence), le tribunal de grande instance de Bobigny devait déterminer les suites à donner à l’action intentée, le 9 janvier, par trois porteuses ou ex-porteuses du dispositif médical développé par le laboratoire allemand Bayer Healthcare (mis sur le marché en 2002), auquel elles imputent de graves pathologies.

Elles espéraient notamment obtenir la désignation d’un expert médico-judiciaire aux frais du laboratoire qui pourra se prononcer sur l’éventuel lien de causalité entre la pose des implants et les différentes effets secondaires ressentis par les plaignantes. La décision a été rendue ce vendredi. Le tribunal a estimé que l’expertise sollicitée était « utile ».

De son côté, le laboratoire avait demandé que cette demande d’expertise soit rejetée, d’après l’ordonnance du tribunal. Ayant pris acte de cette décision, « le laboratoire se dit prêt à collaborer à cette expertise », d’après Libération.

L’expertise ordonnée ce jour devra être réalisée par le professeur Elizabeth Aslangul-Castier, inscrite sur la liste des experts judiciaires de la cour d’appel de Paris. Son rapport devra être rendue avant le 20 février 2018. Mais gros hic, le TGI a rejeté la demande des trois plaignantes d’imputer les frais d’expertises, fixant à 3 000 euros pour chacune d’elle le montant de la provision à valoir sur ces frais. Dans l’ordonnance de référé, le tribunal indique que,

« La somme de 3 000 euros (…) devra être consignée à la régie d’avances et de recettes du tribunal de grande instance par les demandeurs pour le 31 juillet 2017. »

Et de préciser :

« Faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera caduque et de nul effet. »

Me Oudin, défenseur des victimes, fait savoir à Rue89Lyon son intention de faire appel.

« La situation financière d’une de mes clientes (en l’occurence Marielle Klein, présidente de l’association R.E.S.I.S.T.) ne lui permet pas d’avancer un tel montant. »

Alors que la procédure était lancée, nous avions recueilli les témoignages de plusieurs femmes qui ont porté ces implants. Voici celui d’Emmanuelle, 48 ans.

Kinésithérapeute en libéral, Emmanuelle a trois enfants âgés de 17, 20 et 22 ans. Elle a divorcé il y a quelques années.

« Avec mon nouveau conjoint, on avait marre de mettre des préservatifs. Et je ne supportais pas les stérilets. »

Son gynécologue lui propose alors les implants contraceptifs définitifs de la marque Essure. Elle lui fait aussi confiance.

« Je n’ai pas trop parlé de cette pose. Je l’ai simplement dit à une amie.»

L’intervention s’effectue en août 2011, à l’hôpital de Valence. Une journée d’hospitalisation et le tour semble joué. Malheureusement, les premiers symptômes se font sentir deux mois après l’intervention. Toujours les mêmes symptômes: d’abord, une fatigue chronique, s’amplifiant au fil du temps et qui devient vite invalidante.

Depuis que ses implants contraceptifs lui ont été retirés en décembre, Emmanuelle revit: sa fatigue chronique a quasiment disparu. © DR

>> Relisez le témoignage de Chantal, 46 ans <<

Puis des douleurs articulaires : aux doigts, aux coudes, aux genoux. Tous ces maux rendent son quotidien compliqué et l’obligent à stopper la danse, sa grande passion.

« Chaque jour, au boulot, je devais faire quinze minutes de sieste durant la pause de midi. Cela ne m’était jamais arrivé auparavant. Sachant que je dormais bien les nuits. »

« Mes douleurs ne ressemblaient à aucune pathologie connue »

Emmanuelle consulte son médecin généraliste. Des analyses de sang sont effectuées. Rien à signaler.

« Cette situation m’énervait. Cela plombait la vie de famille, de couple. Mes douleurs ne ressemblaient à aucune pathologie connue. Mon conjoint me disait : tu dois avoir quelque chose. »

La situation s’éclaire un peu il y a huit mois, au détour d’une banale discussion.

« Un jour, j’ai discuté de contraception avec une patiente. Elle m’a dit : mais vous savez, avec ces implants Essure, il y a plein de problèmes. Du coup, le soir-même, j’ai lu plein de témoignages sur Internet de femmes qui avaient eu plus ou moins les mêmes problèmes que moi. J’étais à la fois contente et en colère. »

Elle s’inscrit rapidement au sein du groupe Facebook « Essure France alerte ». Comme Chantal, autre victime dont nous avons fait le portrait, elle devient membre de l’association R.E.S.I.S.T.

« On se sent moins seule. »

Dans la foulée, elle en parle à son médecin généraliste qui, selon elle, « ne connaissait même pas l’existence de ces implants. » Il se renseigne et lui conseille de consulter un gynécologue du côté de Montélimar.

« La gynécologue m’a dit : j’en pose plein. Elle n’a jamais rien entendu de négatif à ce sujet. »

Emmanuelle passe alors des tests d’allergies chez une allergologue sur Valence.

« L’allergologue a été effarée par les résultats. Elle s’est rendue compte que le fabricant mettait du nickel dans les implants, un métal connu comme très allergisant. »

Résultat des courses :

« J’ai fait une réaction inflammatoire globale au nickel placé dans les ressorts des implants. »

Ensuite, il a fallu retirer ses implants. L’intervention fut réalisée le 13 décembre dernier, à Montélimar (elle fut la première dans cet hôpital), au moment même où l’affaire devient médiatique. Selon elle,

« Toutes les infirmières rencontrées étaient très surprises. Personne n’était au courant. Je pense que beaucoup de spécialistes sont tombés des nues.»

Les trompes de Fallope ainsi que l’utérus lui ont été enlevés. Une opération lourde qui ne s’est malheureusement pas déroulée comme prévue.

« Lors de l’opération, en décollant les trompes, mon urètre a été abîmé. Le 28 décembre, on m’a posé une sonde entre la vessie et le rein en attendant que l’uretère cicatrise. Dans ce genre d’intervention, il y a environ 3% de risques de toucher l’appareil urinaire. »

« Avoir fait enlever ces implants est un soulagement »

Sa convalescence va durer un mois. Aujourd’hui, Emmanuelle a entamé une nouvelle vie, après cinq ans et demi de calvaires.

« Ma fatigue a pratiquement totalement disparu. C’est un soulagement. Cela remonte le moral. Pour l’anecdote, un soir, à 22h30, ma fille m’a dit : maman, tu n’es pas encore couchée ? Regarde l’heure ! »

Il lui reste encore quelques douleurs articulaires et une légère inflammation.

« Je ne regrette pas d’avoir fait enlever ces implants. C’est un soulagement. »

La gynécologue qui lui a enlevé les implants est aujourd’hui confrontée aux mêmes soucis avec d’autres patientes.

« A Montélimar, la plupart des gynécologues de l’hôpital ne posent plus d’implants. »

Aujourd’hui, Emmanuelle a le sourire vissé au visage. Elle ne souhaite pas porter plainte même si elle éprouve une grande colère contre le laboratoire allemand Bayer.

« Je n’ai pas envie de me fatiguer à me battre pour pas grand chose. Ce que je souhaite simplement, c’est de voir retirer ces implants sur le marché français. Il faut que cela bouge. On est des victimes. »

Elle a simplement transmis à l’ANSM une déclaration d’alerte et de sécurité.

Le laboratoire Bayer défend son dispositif

Du côté du laboratoire Bayer, on ne se répand guère dans les médias. Une réponse aux différentes attaques contre son implant a été publiée dans un communiqué de presse daté du 9 décembre 2016. Le laboratoire précise notamment que :

« L’ANSM ne dispose pas d’éléments, à ce stade, permettant de remettre en cause le rapport bénéfice/risque du dispositif Essure. »

Pour rappel, depuis juillet 2015, cet implant fait l’objet d’une surveillance renforcée par l’ANSM et le ministère de la Santé. En février 2016, le ministère de la Santé a publié un arrêté pour accélérer la mise en œuvre des recommandations de bonne pratique proposées par les professionnels.

 

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