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29/03/2024 date de fin
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Réorganisation de la Région à la sauce Laurent Wauquiez : malaise chez les agents

Après les associations, c’est au tour des personnels de la Région Auvergne-Rhône-Alpes de tenter de faire entendre leurs voix.

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Conseil régionale Auvergne Rhône Alpes

Les quatre principaux syndicats d’agents du conseil régional alertent sur un « malaise généralisé » et appellent à une nouvelle journée de grève ce jeudi 13 avril.

On pouvait s’y attendre. Auvergne-Rhône-Alpes ne se fait pas en un jour. Suite à la fusion des deux régions Auvergne et Rhône-Alpes, effective au 1er janvier 2016, les différents services de la nouvelle collectivité ont dû être réorganisés. Mais cette réorganisation est longue. Trop longue au goût de certains. Les syndicats déplorent une réorganisation de la Région qui « traine en longueur » et pour laquelle les représentants du personnel n’ont pas été consultés.

En défense, l’exécutif dirigé par le Républicain Laurent Wauquiez répond qu’Auvergne-Rhône-Alpes fait « partie des régions les plus en avance ». Une affirmation qui n’est pas de nature à convaincre les syndicats.

L’intersyndicale UNSA, CGT, CFDT, FSU demande donc « une réorganisation lisible et respectueuse des agents » et « des moyens humains à hauteur des besoins d’un service public de qualité ».

Au-delà des demandes, les griefs sont multiples.

Laurent Wauquiez au Digital Summit le 30 janvier 2017 à Lyon. ©Léo Germain/Rue89Lyon
Laurent Wauquiez au Digital Summit le 30 janvier 2017 à Lyon.
©Léo Germain/Rue89Lyon

Un recrutement politique ?

Classiquement, la réorganisation a été envisagée de manière pyramidale. Les directeurs des six nouvelles directions ont d’abord été recrutés, puis cela devait être au tour des responsables ou chefs de service. Enfin, on devait savoir comment allait s’organiser les services et quels postes allaient être ouverts à la mobilité.

Premier problème : ces recrutements de « responsables de service » ne sont pas terminés. L’organigramme n’est pas bouclé. Comment en est-on arrivé là ?

En juillet, dans un communiqué, l’opposition socialiste avait dénoncé une « politisation des services » :

« Dans cette pseudo-réorganisation qui s’apparente en réalité à une politisation des services, sur 25 directeurs, 10 viennent de l’extérieur… alors que les postes concernés sont occupés actuellement par des agents fonctionnaires ! ».

A demi-mot, c’est la même analyse que font les principaux syndicats. En décembre dernier, environ 90 postes de responsables de service ont été mis en ligne sur l’intranet. Une première vague de recrutement devait être communiquée au début du mois de février.

Les postes étaient tous pourvus mais au dernier moment plusieurs dizaines de ces recrutements ont été revus.

Selon l’Unsa, la première organisation syndicale, une quarantaine de personnes ont été retoquées par des proches de Laurent Wauquiez alors que la direction des ressources humaines avait validé cette première vague de recrutements.

Le nom d’Ange Sitbon revient avec insistance. Le responsable de service en charge « des relations aux élus et aux territoires » est l’un des hommes de confiance de Laurent Wauquiez, qui l’a recruté alors que celui-ci était le « Monsieur élection » des Républicains. Christian Darpheuille, le secrétaire général de l’Unsa au conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes :

« Quand il y a un seul candidat sur un poste, on peut comprendre que ça ne puisse pas convenir et qu’il faille relancer un recrutement. Mais quand il y a plusieurs candidats, ça devient plus difficilement compréhensible ».

Les syndicats accusent l’exécutif de privilégier les recrutements externes aux recrutements internes.

Viviane Huber secrétaire de la CFDT :

« A part deux nouvelles directions (la direction des système d’information et des usages digitaux et la direction des infrastructures et de l’économie digitale), le reste des directions relève de compétences que nous avions déjà. Pourtant il y a des recrutements externes ».

Le cabinet de Laurent Wauquiez conteste ce dernier point en affirmant que le recrutement se fait en interne. Et de conclure :

« Il n’y a pas de politisation du recrutement. En plus, ce serait contre-productif ».

Le nombre de « responsables de service » a été divisé par deux, passant d’environ 180 en Auvergne et Rhône-Alpes à 92. Un tri est donc nécessaire. Les syndicats persistent : ce tri se ferait en fonction de l’étiquette politique voire de l’adhésion (ou non) à un syndicat.

« Souffrances au travail »

A minima, l’intersyndicale demande que s’accélère le recrutement des responsables de service pour que les autres agents puissent postuler en connaissant l’ensemble de l’organigramme.

En attendant ce plan définitif, l’absence de « management intermédiaire » pour une quarantaine de services (sur environ 90) génère nécessairement des problèmes.
Les syndicats mettent en avant un « profond malaise ». Viviane Huber de la CFDT :

« Tant qu’on n’a pas les chefs de service nommés, on ne sait pas les réajustements dans chaque service. C’est après la nomination de tout le monde qu’on va présenter les contenus de ces nouveaux services ».

On parle d’arrêts de travail qui s’accentuent. Sans apporter de chiffres. Christian Darpheuille de l’UNSA donne une explication :

« Soit les agents croulent sous le travail, soit ils et elles sont au placard ou n’ont plus aucune mission. Le désarroi est allé crescendo, surtout depuis septembre dernier ».

Les principaux syndicats parlent d’une « peur » que l’on sentirait à tous les étages du conseil régional. Philippe Duverny, co-secrétaire général de la FSU :

« Plus personne n’est sûr de son avenir. Les agents ont peur. Ça se ressent aussi dans la mobilisation. Nombreuses sont les personnes qui hésitent à faire grève ou à manifester, de peur d’être mal vues. »

Le 14 février dernier, les syndicats ont émis un « droit d’alerte » lors d’un comité technique, qui réunit les représentants du personnel et l’exécutif. Ils le justifient ainsi :

« Depuis plus d’un an les agents nous font remonter leurs souffrances et leur mal-être au travail. Depuis plus d’un an, nous relayons lors de nos réunions plénières, leur désarroi, devant le manque de considération et le manque de moyens humains dans les services, nécessaires pour assurer le service public dû aux usagers, à ce jour nous ne pouvons plus parler de qualité.

Ce diagnostic a été partagé par les médecins de prévention dans le dernier bilan social présenté en CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité, et des conditions de travail, ndlr). Ils ont eux aussi constaté une profonde souffrance, de nombreux arrêts de travail dans tous les services. Nous émettons un droit d’alerte légitime, nous ne pouvons attendre la fin d’une réorganisation très longue, pendant laquelle la santé de vos agents continue à se dégrader. »

Un mal-être accentué à Clermont-Ferrand ?

Philippe Duverny de la FSU pointe également l’interventionnisme des élus qui s’adressent directement aux agents sans passer par la voie hiérarchique. Et il en tire une conclusion :

« Comme le site de Clermont-Ferrand n’est plus le cœur du pouvoir, les agents auvergnats sont tenus à l’écart ».

Surtout, les procédures entre Rhône-Alpes et l’Auvergne ne sont pas les mêmes. Et ce serait les procédures « Rhône-Alpes » qui sembleraient privilégiées.

Philippe Duverny donne des exemples :

« Un agent de Clermont avait élaboré pendant trois mois un schéma pour l’approvisionnement des lycées. Son rapport n’a pas été présenté. Il a travaillé pour rien ».

Autre exemple : au niveau de l’agriculture, le travail avec les partenaires (syndicats, chambres d’agriculture) ne se fait pas de la même manière. Le malaise des agents clermontois serait donc plus accentué.

Philippe Duverny poursuit :

« Le discours de l’exécutif « en attendant la fin de la réorganisation, rien ne change » n’est pas possible. C’est le flou total ».

Le cabinet de Wauquiez ne balaie pas les difficultés mais essaie de les justifier :

« Il y a une foule d’éléments à harmoniser. Les habitudes changent, les missions évoluent. On a consigne d’établir un management plus propice. Ça peut prendre plus de temps. Mais Laurent Wauquiez veut réellement prendre en compte les agents. »

Des agents « évaporés »

Outre l’organisation, un autre flou perdure : le nombre d’agents. Les syndicats en sont réduits à faire des projections par rapport aux listes électorales.
Selon leurs calculs, environ 460 agents se sont « évaporés ». Christian Darpheuille de l’Unsa explique :

« 460 agents se sont évaporés, mais officiellement leur poste existe toujours. Or, il n’y a plus personne qui l’occupe. Aucune délibération n’a été votée sur le sujet ».

Au micro de France Info, le 29 mars dernier, Laurent Wauquiez assumait cette politique et évoquait « de 300 à 500 suppressions de postes ».

Hormis cette approximation technique (les postes ne sont pas supprimés mais personne ne les occupe), Laurent Wauquiez et les syndicats tombent d’accord sur le constat : cela permet de faire des économies. Et c’est bien le but recherché par Laurent Wauquiez comme il le développe dans cette séquence vidéo :

Dans les lycées, non-renouvellement des CDD et des contrats encore précaires

Pour faire des économies sur la masse salariale, il n’y a pas beaucoup d’alternatives : il s’agit de ne pas remplacer les titulaires partis en congés, ou supprimer des contractuels. C’est ce qui a été fait pour partie.

L’autre volet de la politique de ressources humaines version Laurent Wauquiez a consisté à changer le type de CDD pour les contractuels qui travaillent essentiellement dans les lycées.

Jusque là, les contrats duraient souvent de six à dix mois. Aujourd’hui, pour de nombreux employés de lycées, ils sont établis de vacances scolaires à vacances scolaires. Exemple au lycée de Saint-Pourçain (dans l’Allier) : trois agents sur quatre sont dans ce cas là.

Et pour prendre leurs congés, ils doivent poser des jours durant les semaines de cours. Ce qui désorganise encore plus les services.

Dans un communiqué, la CGT Éducation dénonce plus globalement un manque de personnel :

« Dans nos établissements (lycées généraux et professionnels), les postes d’agents techniques et d’accueil sont insuffisants. Un plan social déguisé a eu lieu avec le non renouvellement de nombreuses personnes en situation précaire, avec pour conséquence le non remplacement des agents malades, et l’augmentation de leur charge de travail. Leurs conditions de travail, leur santé se dégradent, et de ce fait, la qualité de service aussi, malgré leur engagement indéniable ».

« Est-ce que ce n’est pas volontaire pour dire « le service public va mal, il faut donc le privatiser » ?, s’interroge Christian Darpheuille de l’Unsa.

Tous les syndicalistes ou employés que nous avons contactés évoquent le discours de Laurent Wauquiez devant les représentants de l’association les Toques blanches. Où il disait que l’on donne « de la merde à manger à nos enfants » dans les lycées.

« Ces propos tenus sur les agents ont encore accentué le malaise », insiste Viviane Huber de la CFDT.

Une certaine conception du management, depuis quelques mois à Confluence.

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