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20/03/2024 date de fin
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Blog du Taulard #52 : « libérons-nous de la morale et retrouvons l’éthique »

Il ne faut pas confondre la morale et la conscience. Si tout un chacun comprenait le gouffre qu’il y a entre les deux, le monde serait totalement différent. La conscience ouvre sur la liberté alors que la morale nous en prive.

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Blog du Taulard #52 : « libérons-nous de la morale et retrouvons l’éthique »

Être conscient, c’est, à mon sens, non pas savoir, au sens intellectuel et théorique, mais connaître (naître avec, de concert), donc être disciple du vivant qui nous constitue. Autrement dit, c’est faire en sorte que notre propre existence s’harmonise avec l’univers, de l’infime particule au cosmos tout entier.

Ce chemin ne peut se tracer que volontairement, sans contrainte ni ordre. Il ne peut être balisé par le dressage et par l’envie. C’est nécessaire pour que le désir de vie ne reste pas qu’une simple aspiration rêvée dans la mécanique biologique et le conditionnement mental.

La nature doit nous inspirer

Je ne sais pas, lecteur, si tu mesures combien une telle perspective, ce chemin d’humilité, pourrait nous ouvrir les portes du bonheur. Et, je le précise immédiatement, l’humilité est à des années lumière de la soumission. L’accueil de ce qui est n’a rien à voir avec l’acceptation de l’humilié.

Je n’ai ni le talent ni l’espace ici pour montrer combien la nature est parfaite, mais l’expérience montre que c’est elle qui doit nous inspirer et nous guider dans ce cheminement.

Les sciences ont déjà démontré cette perfection. Je ne parle pas des scientistes purs et durs qui, ne voyant que leur propre spécialité, expliquent tout, mais de ceux qui ont toujours fait en sorte que sciences et philosophie soient les deux faces d’une seule et même pièce, ceux qui savent que conscience veut dire « avec science  ».

Des hommes remarquables ont expliqué depuis longtemps l’intelligence de la vie, et je te renvoie vers Hubert Reeves, Ilya Prigogine, Paul Ricœur, Francesco Varela, Albert Jacquard, Edgar Morin et plein d’autres encore, dans tous les domaines, de la physique quantique à la biologie du corps humain, en passant par le minéral, le végétal et l’animal, bref tous ceux qui ont travaillé d’arrache-pied sur la question de la complexité, de la démarche holistique et transversale.

Ils nous ont dit combien la coopération et l’interdépendance du vivant sont les marques majeures qui ont jalonné le parcours du Big Bang à notre présent. Dans la nature, la particule (ou l’onde) et le tout s’entendent si bien que le tout est supérieur à la somme des parties.

La morale n’est qu’un système construit pour permettre aux dominants de continuer à dominer

Mais là n’est pas mon propos, même s’il sous-tend fondamentalement ce que je veux dire à présent. En effet, le point qui m’intéresse ici est de mettre en exergue un élément précis.

Dans la nature, il n’y a pas de système récompense/punition. Si la justesse (au sens harmonique de l’ajustement) est l’élément fondamental du vivant (même l’entropie participe à cet équilibre), la morale en est absente et la justice n’existe pas. Cette dernière n’est qu’un concept mental inventé par les pouvoirs, fondé uniquement sur leur intérêt propre, avec un nombrilisme démentiellement orgueilleux. Il n’y a là qu’un anthropomorphisme ignorant et anachronique.

La morale n’a donc aucune base réelle, de près ou de loin, avec le vivant. Elle n’est qu’un système construit pour permettre aux dominants de continuer à dominer, pour que la caste perdure et de rester entre soi. Rien d’autre !

Elle s’est construite sur le pari de l’ignorance : les hommes devaient être dans la croyance sans avoir accès aux livres, et en conséquence devaient obéir aveuglément aux représentants des dieux.

L’Inquisition en est une des incarnations les plus terrifiantes. Puis il y a eu, et jusqu’à aujourd’hui, l’enseignement formatage qui conditionne au maximum afin que chacun accepte et défende le moule dans lequel on le fait rentrer de force.

Et il va de soi que ces deux formes ne s’appuient que sur la loi du plus fort, la preuve indiscutable étant qu’il existe le meurtre légal (la guerre ou la peine de mort par exemple) et le meurtre illégal. La morale existe pour donner une logique à cette contradiction inqualifiable. Ce qu’on appelle justice n’est que le condensé de tout cela, un assemblage de lois construites autour de la propriété, instaurées pour contraindre et punir, la récompense étant réservée aux forts. Et bien sûr, nul n’est sensé ignorer ces lois.

Carotte et bâton

Cette seule et même chose que sont récompense et punition, carotte et bâton, si tu préfères, (seule et même chose car si tu retires la punition, la récompense n’a plus de sens) est le véritable crime qui a germé dans le mental des humains.

Sans même évoquer l’avidité et le désespoir que cela génère, cette folie produit les classements, les concours, les jalousies, les rivalités, les catégories, l’élitisme, les exclusions de toutes sortes.

Au lieu d’apprendre la solidarité et l’interdépendance, le couple « récompense et punition » a crée la mortelle concurrence où il faut écraser l’autre pour tirer son épingle d’un jeu de dupes.

Quelques uns ont dénoncé ce système meurtrier. La véritable pédagogie disait Albert Jacquard, c’est : j’apprends avec, à travers et pour les autres et non contre eux. C’est Goldman qui chantait avec Coluche et les autres : « fini le chacun pour soi, si je pense à toi je pense à moi », il y a 30 ans.

Qui aujourd’hui y fait référence ? Le cartésianisme et son corollaire, l’individualisme, n’a jamais été aussi puissant. Jamais nous ne sommes revenus aussi près de ce que dénonçaient Baudelot et Establet (l’école capitaliste en France, en 1964) avant Bourdieu et Passeron (les héritiers en 1971) sur la reproduction des classes sociales par l’école. On sait aujourd’hui que l’Éducation nationale condamne ceux qui n’obéissent pas (volontairement ou non) au cadre imposé et ne veut pas dans son processus long des fils de pauvres.

Le « jeu » de la récompense et de la punition

Il est clair que si tu es beur ou black ou enfant d’ouvriers, que tu habites une cité ou un quartier stigmatisé de « sensible », pas besoin de te faire un dessin lecteur, dans cette concurrence ils n’ont aucune chance et sont les premiers à être exclus de partout.

Bien sûr la télé en trouve toujours un qui a réussi comme on nous parlait de Rockfeller qui est devenu millionnaire à partir de rien.
On sait très bien que ces exemples ne servent qu’a dire une seule chose aux pauvres : « si t’es pauvre, c’est parce que t’es con ou fainéant, ou les deux, et c’est de ta faute ».

Cela revient a la vision plus radicale encore des protestants qui affirment, encore aujourd’hui, que ceux qui réussissent sont élus par Dieu, sous entendu les autres n’étant que de la racaille, évidemment  !

Voilà, c’est ça le « jeu » de la récompense et de la punition. Et c’est ce « je » là qui continue en toute logique avec les prisons. C’est pour cela qu’il n’y a que des pauvres en taule.

Éradiquons le couple « récompense/punition »

La future campagne présidentielle commence, et ça y va sur la manipulation de la peur, la sécurité et la répression, le déferlement de haine, comme les inquisiteurs vociféraient et tuaient au nom de l’autorité de Dieu. On nous parle d’autorité d’État, mais ces marioles oublient que l’État c’est nous et non eux. Un type qui dit ça et qui a je ne sais combien d’affaires judiciaires sur le cul, sans déconner, il ferait mieux de la boucler à défaut d’être bouclé lui-même.

Alors éradiquons ce système de récompense/punition et nous retrouverons le vivant, chassons la morale et nous retrouverons la liberté, abattons les églises nous retrouverons Dieu et brûlons les prisons nous retrouverons l’humain.

Est-ce à dire que toute régulation qui favorise le vivre ensemble doit être bannie ? Je n’ai jamais dit cela. Si on se libère de la morale, l’éthique peut enfin trouver sa place et l’homme sa dignité dans une communauté réellement démocratique où le terme de prochain aurait un sens.
Mais je ne t’en dit pas trop, il faut que tu fasses la démarche par ta propre réflexion et surtout par ta propre curiosité. Je le répète, je ne suis pas un donneur de leçons.
Ce qui compte dans cette affaire, c’est ton désir réel. Tu sais de quoi tu parles, lecteur, quand tu cries liberté ou tu ne sais pas. Ou tu veux de la prison, lecteur, ou tu n’en veux pas, c’est aussi tranché que ça, car il ne peut y avoir d’entre deux. Si tu en as le temps, lit la pièce de Bertolt Brecht, la vie de Galilée, ça peut t’aider.

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