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20/03/2024 date de fin
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Action anti-Roms près de Lyon : le FN sous-traite l’activisme aux identitaires

Samedi matin, une trentaine d’identitaires ont occupé pendant six heures le toit d’un bâtiment de l’Etat, à Saint-Genis-les-Ollières, dans l’ouest lyonnais.

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Le chef de file du FN en Auvergne-Rhône-Alpes, Christophe Boudot entouré à droite de Maxime Chossat (tête de liste dans l'Ain) et à gauche de Michel Dulac (son "porte-parole" pour les questions économique). ©LB/Rue89Lyon

Ces militants d’extrême droite entendaient protester contre l’installation d’un « village d’insertion » qui doit permettre de reloger environ 80 Roms de bidonvilles de l’est de Lyon. Cette action a surtout été l’occasion d’un coup de com’ pour le candidat FN aux élections régionales, Christophe Boudot, venu sur place.

Les militants identitaires sur le toit d'un bâtiment de l'Etat à Saint-Genis-les-Ollières. Capture d'écran Twitter
Les militants identitaires sur le toit d’un bâtiment de l’Etat à Saint-Genis-les-Ollières. Capture d’écran Twitter

Aux différents médias venus couvrir l’événement, ils se sont présentés comme de simples « jeunes des Monts du Lyonnais ». En réalité, ces militants identitaires sont rompus aux techniques de communication, à partir de convocations faites aux medias.

Il y a trois ans, contre le projet de la mosquée de Poitiers, ils ont grimpé sur le toit du bâtiment pour déployer une banderole.

Ce samedi, à Saint-Genis-les-Ollières, ils ont affiché le message « Saint-Genis ne sera pas Calais » pour protester contre le « village d’insertion » que le préfet compte prochainement installer au pied de ce bâtiment, pour désormais accueillir 80 (et non 160) Roms dont 60 enfants dans des préfabriqués.

Les identitaires ont profité d’un contexte local hostile à cette installation.

  • Le 1er octobre, le conseil municipal extraordinaire a voté une motion contre cette installation de « 160 Roms ». Dix jours plus tard la préfecture révisera le projet pour fixer ce chiffre à 80 personnes.
  • Samedi 17 octobre, une marche silencieuse a réuni des dizaines d’habitants contre le projet du préfet.
  • Interrogé par l’AFP, le maire de la commune, Didier Cretenet (sans étiquette) expliquait que ce projet résulte d’une « décision imposée par le préfet, sans aucune concertation », sur les 10 hectares qui abritent un ancien fort militaire.

Résultat, la dépêche AFP relayant l’action des identitaires a fait le tour des rédactions ce samedi matin, reprise par le Figaro, Atlantico ou encore BFMTV.

Le Progrès s’est rendu sur place tout comme France 3.

Le candidat FN en campagne aux côtés des identitaires

Il n’en fallait pas plus pour que le candidat FN aux prochaines élections régionales (Auvergne-Rhône-Alpes) félicite lui aussi les identitaires. Christophe Boudot, qui avait déjà marqué son opposition à ce village d’insertion pour les familles Roms, s’est d’abord fendu d’un tweet.

Puis il s’est rendu sur place pour soutenir les militants.

Finalement, les identitaires ont quitté le site juste après la visite du candidat FN et après l’arrivée des renforts de police qui devaient les faire descendre manu militari du toit.

Comme à Poitiers, Damien Rieu, qui se présente comme porte-parole de Génération identitaire, était à la coordination de l’action. A l’AFP, il a déclaré qu’ils partaient car leur mission était remplie :

« On a quitté les lieux (peu avant 15h). Le but n’était pas de créer des problèmes. Le candidat du Front national (aux régionales Christophe Boudot) était là, la presse était là. Pour nous l’opération est réussie ».

Complémentarité entre le FN et les identitaires

Deux jours plus tard, malgré sa présence visible sur les lieux, Christophe Boudot semble vouloir prendre quelques distances avec cette action.

Le chef de file du FN en Auvergne-Rhône-Alpes, Christophe Boudot entouré à droite de Maxime Chossat (tête de liste dans l'Ain) et à gauche de Michel Dulac (son "porte-parole" pour les questions économique). ©LB/Rue89Lyon
Le chef de file du FN en Auvergne Rhône-Alpes, Christophe Boudot en conférence de presse ce 26 octobre 2015. Il est entouré à droite de Maxime Chossat (tête de liste dans l’Ain) et à gauche de Michel Dulac (son « porte-parole » pour les questions économiques). ©LB/Rue89Lyon

En marge d’une conférence de presse sur l’emploi, nous l’avons interrogé sur sa présence samedi aux côtés des identitaires. Christophe Boudot qui était en campagne dans le Cantal le samedi matin annonce tout d’abord que son intention a été de rencontrer les élus et recueillir le sentiment d’une population qui « n’en peut plus ». Puis il ajoute :

« J’ai vu sur les réseaux sociaux que des jeunes faisaient une action sur les toits. Je suis allé voir de mes propres yeux. Nous n’avons rien organisé. Je n’ai pas mes entrées chez les identitaires. Mais quand on parle d’identité et de la France, je vais toujours soutenir. »

Une action soutenue malgré son caractère illégal. Le préfet du Rhône a d’ailleurs annoncé son intention de porter plainte. Le candidat FN a repris au passage les éléments de langage des militants identitaires :

« Ils n’ont rien fait de mal. Ils sont juste montés sur un toit. Ils ont brûlé une voiture qui était la leur. Ils ont dit qu’ils allaient nettoyer tout cela. »

Le leader du FN en Auvergne-Rhône-Alpes rejette toute idée de rapprochement avec les identitaires lyonnais.

Car, au moins depuis 2012, Marine Le Pen a tracé la ligne : « ni alliance, ni double appartenance » avec les identitaires.
La présidente répétant :

« Il n’y a pas d’accord avec le Bloc identitaire, nous avons trop de différences de fond. »

Mais depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, particulièrement de Lyon. Et même si la double appartenance est censée toujours être interdite, les signes d’une très bonne entente entre le parti d’extrême droite et le groupuscule de l’extrême droite radicale se multiplient ces derniers mois.

En quête de cadres, le FN a d’abord recruté ces militants identitaires spécialistes de la communication coup de poing. Après Cogolin, le jeune chef des identitaires lyonnais Damien Rieu a été nommé directeur adjoint de la communication de la ville de Beaucaire (Gard) devenue frontiste en 2014.

Surtout, le ralliement cet été de Philippe Vardon, l’un des leaders et fondateurs du mouvement, montre des relations au beau fixe entre les deux organisations. Comme le rappelle le JDD, le Niçois condamné pour reconstitution de ligue dissoute pour avoir réuni des ex-militants d’Unité radicale, mouvement interdit après l’attentat contre Jacques Chirac, doit figurer en bonne place sur les listes de Marion Maréchal-Le Pen en PACA.

Comme énième symbole de ce rapprochement, une semaine avant l’action anti-Roms de Saint-Genis-les-Ollières, le vendredi 16 octobre, le conseiller régional FN Charles Perrot  venait « présenter le programme des régionales » dans le local des identitaires du Vieux Lyon, la Traboule.

La campagne autour de la question migratoire (une fois de plus)

 

« Partout où on est invité, on y va. Même dans les MJC. » justifie benoîtement Christophe Boudot.

Il y a un an, en septembre 2014, le FN du Rhône évoquait la « complémentarité » des deux organisations. Aujourd’hui, pour ces élections régionales, cette stratégie est mise à exécution pour rechercher davantage de visibilité sur le thème de l’immigration. D’une part parce que le FN veut « faire le maximum de barouf » (pour reprendre les termes de Marine Le Pen) sur ce sujet de l’immigration redevenu le thème central des régionales pour le parti d’extrême droite.  Même s’il a peu à voir avec les compétences de la collectivité Région. A l’image du message que développe sa présidente dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, le matériel électoral du FN est orienté sur la dénonciation de la « submersion migratoire ». D’autre part, les militants FNJ ne pratiquent pas ce type d’action coup de poing médiatique, comme le reconnaît le chef de file en Auvergne-Rhône-Alpes :

« Nous sommes un parti d’élection. Je demande aux militants de faire du porte-à-porte et de l’affichage ».

Ni plus ni moins. Le militantisme plus agité, c’est pour d’autres.  

Des pros de l’agit-prop avec mauvaise réputation

Mais les identitaires ayant une réputation sulfureuse, il est difficile pour un parti en quête de respectabilité d’afficher ouvertement un rapprochement. Le leader lyonnais du FN, Christophe Boudot suit donc cette ligne de crête. Il y a d’un côté, les actions coup de poing qui intéressent le FN. Pour ne citer que quelques exemples :

 

 

 

  Christophe Boudot a fait également sienne la théorie du « grand remplacement » défendu par ces mêmes identitaires qui considèrent que les immigrés remplacent progressivement la population d’origine française.

D’un autre côté, les identitaires lyonnais ont régulièrement affaire avec la justice pour des faits de violence :

Le chef de file du FN dans la région veut donc marteler qu’il n’y a pas de « rapprochement » avec les identitaires même si ses actes disent exactement l’inverse.

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