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Blog du Taulard #46 : « Le mec en jogging dans la cour de promenade »

Un fou, enfermé dans un hôpital psychiatrique, avait pour habitude de se tenir une bonne partie de la journée contre les barreaux élevés de la clôture du parc, la tête appuyée entre deux tiges de fer, les mains accrochées de chaque côté à 2 autres. Il regardait intensément tous les gens qui passaient dans la rue. Un jour il s’adressa à un passant et lui demanda, étonné : vous êtes nombreux là-dedans ?

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En prison. Crédit : Sébastien Erome/Signatures.

J’aurais pu dire, lecteur, un prisonnier, cela serait équivalent, sauf que ce serait moins crédible, vu que d’une cour de promenade ou d’une fenêtre de cellule, dissimulé derrière les hauts murs, tu ne peux pas parler aux gens qui passent dans la rue. Même si aujourd’hui les hôpitaux psychiatriques sont, eux aussi, planqués dans des bunkers.

En prison. Crédit : Sébastien Erome/Signatures.
En prison. © Sébastien Erome / Signatures.

Le taulard est plus civilisé que les troupeaux qui envahissent les plages

Je viens donc de regagner mes pénates après un périple estival et c’est ce que j’ai pu observer qui m’a fait revenir à cette petite histoire. Car, bien qu’un taulard soit toujours en position de survie lorsqu’il est enfermé et qui, soumis aux exactions permanentes des matons, se rebelle quelquefois, il est plus civilisé que les troupeaux qui envahissent les plages, les sites touristiques et autres attractions.

Mon œil est peut-être sélectif, mais je préfère de loin le mec en jogging et tee-shirt qui déambule dans une cour de promenade en guettant une projection (petit paquet lancé par dessus les mur depuis l’extérieur) qu’un gros beauf en short et tongs, glace à la main, qui passe son temps à rentrer et sortir des boutiques de souvenirs pour acheter des saloperies made in China comme un robot décérébré, regardant à peine le décor ou les monuments classés et ignorant les autres moutons qui font la même chose que lui.

Le conditionnement consumériste, une seconde nature

J’ai été vraiment sidéré de voir à quel point le conditionnement consumériste était devenu une seconde nature chez l’homo sapiens, doublé d’une avidité surprenante. Tu m’étonnes qu’au moment des soldes, ils sont prêts à tuer pour un bout de chiffon vendu à 50%. « Je dépense, donc je suis », comme dirait Descartes… de crédit !

J’en suis arrivé à me demander si cette pulsion d’achat n’était pas plus puissante que leur libido malade qui regardent, la langue pendante, les jolis petits culs ou les décolletés des minettes en robe légère, et qui leur permettent le devoir conjugal en fantasmant sur ces flash aperçus dans la journée.

Mais ce qui m’a frappé surtout, et de manière récurrente, c’est l’absence totale, entre eux, d’empathie, d’envie de communiquer, accompagnées d’une agressivité sous-jacente, dans les troupeaux qui défilent sur les trottoirs, sur le sable ou dans les parcours fléchés et encadrés . On est au summum de l’indifférence dans cette indifférenciation notoire. Malgré les bagarres sporadiques dans les cours de promenade, la convivialité est 1 000 fois plus élevée que dans la rue ou entre voisins.

Je sais que certains, au lieu d’y réfléchir un instant, préféreront me dire d’y retourner puisque c’est si bien dedans. Je ne répondrais pas à cette ineptie dénégatoire.

Tout est présenté comme une menace

Et puis, j’ai à nouveau écouté les informations et j’ai entendu, avec netteté, que la manipulation médiatique, se faisant le relais de celles et de ceux qu’on qualifie de politiques, battait son plein en nous serinant avec les breloques en chocolat remises aux américains du Thalys, les cyniques usurpant l’étiquette de gauche, affirmant qu’il y aurait d’autres attaques terroristes. La peur est un outil solide pour tenir le peuple consommateur en laisse et le surveiller comme jamais.

Et vas y sur les mesures de sécurité dans les trains pendant qu’on découvre plus de 70 migrants en décomposition dans un camion et que les milliers d’autres se noient avec des bateaux pourris, et dont tout le monde se fout après la brève émotivité « charliesque ».

Même le crash chinois est présenté comme une menace pour chacun. Et ceux, qui, eux aussi, se réclament de la gauche, invitent Varoufakis pour se justifier et faire croire qu’ils sont pour le peuple. C’est comme si un fan se faisait photographier à côté de Messi pour faire croire qu’il est un grand footballeur.

Sans parler du ridicule des écolos entre les carriéristes et les pantins agités qui se cherchent, ni de celui qui reçoit chaleureusement les Balkany au cap Nègre et encore moins de la prostitution macronique au Medef. Et qui a lu l’interview remarquable d’Edgar Morin, le seul penseur sérieux qui nous reste, dans The Dissident sur la régression de ce qu’on appelle, fantasmatiquement, la civilisation  ?

La prison interpelle le fonctionnement de cette société

Je me suis dit que dans tout ça, que parler des prisons, des suicides, de la surpopulation qui va justifier la construction d’autres taules, des bavures incessantes des flics, du massacre permanent mise en œuvre par les juges dans les tribunaux, était peut-être dérisoire.

Mais non, lecteur, ça ne l’est pas, car si tu changes le sens de ta lorgnette, sans respecter celui qu’on t’indique, tu verras que la problématique carcérale est liée à tout ça, et crois moi, je ne fais pas de syllogisme abusif.

La prison, dans son essence même, interpelle globalement le fonctionnement général de cette société dans son entièreté, que cela soit du point de vue philosophique, sociétal, humain, démocratique, économique, (les Pays-bas louent leur taules aux norvégiens après l’avoir fait pour la Belgique).

Les efforts déployés par le psychologisme pour ramener la prison à un phénomène individuel n’y change rien. Ne t’inquiète pas, bientôt, Manuel Valls dira que les taulards n’ont pas vocation à s’intégrer.


#Prison

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