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De la grêle en Beaujolais, puis aussi du bonheur

Mauvaise nouvelle en Beaujolais : dans la nuit du dimanche 7 au lundi 8 juin 2015, la commune de Vaux-en-Beaujolais (non loin de Brouilly) a été lourdement frappée par la grêle et des hectares de vignes ont été ravagés. La sanction est lourde. Mes pensées vont immédiatement vers les copains vignerons…

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De la grêle en Beaujolais, puis aussi du bonheur

Je n’ose pas les appeler. Je rêve dans la foulée à un élan de solidarité traversant les vignerons non touchés, espérant expressément de leur part une donation de quelques kilos de raisin lors de la prochaine vendange à leurs voisins sinistrés. Oubliez donc querelles, jalousies et soutenez-vous dans ces moments; ne laissez pas vos voisins mourir !

La réponse vient, un peu plus tard dans la journée, du poto vigneron Jérôme Balmet :

« La nature donne tout, et parfois elle reprend tout … Ce sont les règles du jeu » .

Il y a la perte financière et on pense à la grande part d’énergie qui est réduite à néant. Taille, labour, ébourgeonnage, attachage… Et la récolte de l’année suivante qui sera entachée ; la vigne ne se remettra que deux ou trois ans plus tard. Si elle se remet.

Il reste encore un peu de 2014 chez Jérôme Balmet, un Beaujolais qui respire le fruit, n’hésitez pas une seule seconde pour mettre la main dessus.

Les pieds dans la terre, à quelques kilomètres à vol d’oiseau, j’ai donc observé, le coeur lourd, pensé aux agriculteurs sinistrés de Vaux ; puis à tous ceux qui en chient, ici et ailleurs.

Chez Sylvère, route de la Tallebarde

Sylvère Trichard, vigneron à Blacé. Crédit : BP.
Sylvère Trichard, vigneron à Blacé. Crédit : BP.

Sylvère Trichard, vigneron à Blacé a accepté de m’accueillir dans l’après-midi. Il doit étiqueter ce jour-là et partir le soir même pour livrer la capitale… Il prendra quand même le temps ; lui aussi est attristé par la nouvelle.

J’avais rencontré la bête il y a quelques mois par l’intermédiaire de deux restaurateurs suédois, l’un officiant au pays, l’autre à Lyon (Kitchen Café). Une première révélation dès la première gorgée, un feeling naturel, un néo-vigneron sensible, naturellement talentueux. Tous deux, avec Jérôme Balmet, m’avaient ensuite livré le même jour au bar à vins où j’officie ; à la même heure, celle de l’apéro.

Deux trolls (comme on les surnomme par là-bas) pour moi tout seul. Pas de transporteur ni de 3 tonnes à l’horizon ; deux mecs, prêts à dégommer une quille après t’avoir livré.

Chez Sylvère… Mais aussi chez Elodie, qui s’est associée à lui en 2012. Les deux covoituraient lorsqu’ils côtoyaient la même école agricole, ils se sont ensuite liés d’amitié et ont évoqués l’envie commune de s’associer. Une opportunité sur la commune de Blacé, et la GAEC de la Tallebarde est donc née.

Légumes, vin en biodynamie et abeilles

Elodie s’est lancée dans le maraîchage sur un hectare de terrain et fournit ses légumes à l’AMAP voisine accueillie chez le boulanger. Le même qui loue ses terres destinées à la culture maraîchère, à la GAEC.

Le néo-vigneron exploite quant à lui près de 4 hectares et vinifie de 4 à 5 cuvées. Une vigne convertie au bio et à la biodynamie en 1998, à l’époque où son oncle officiait encore au domaine. Ce dernier accompagne encore Sylvère, qui de son côté, a pu développer son savoir faire lors d’un stage au domaine Belluard en Savoie, vigneron également adepte de la biodynamie.

Des vignes conduites dans le respect de la nature; des cuvées peu ou pas soufrées, élevées, parfois, dans des fûts de 5 à 6 vins en moyenne (pour ne pas donner l’aspect vanillé du bois neuf).

La soeur de Sylvère, quant à elle, a installé quelques ruches tout prêt des vignes. Le biotope est ainsi favorisé par la polyculture. Mais ce n’est pas fini, puisque le père Trichard tentera de planter quelques arbres fruitiers à l’entrée du domaine pour boucler la boucle.

A peine arrivés au domaine, nous nous rendons sur les terres abritant gamay et chardonnay. Nous visiterons ainsi toutes les parcelles. Le vigneron m’expliquera avec soin ses choix de conduite de la vigne. Un travail adapté à chaque parcelle variant selon le cépage, l’âge de la vigne, l’exposition et le type de récolte envisagé.

« Gisous », la grand-mère et rosé de folie

Sylvère prend le temps de me montrer des techniques pour dompter la vigne. Je découvre alors une méthode ancestrale, qui consiste évidemment à ne pas utiliser de fil de fer pour l’attacher. Les lianes sont donc reliées entre elles, en hauteur, tenues par une simple ficelle ou par une des lianes; un procédé qui permettra d’activer la photosynthèse favorable au bon développement de la vigne et à la maturité des futurs raisins.

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Cette technique permet aussi de protéger les raisins des intempéries puisque les grappes sont protégées par le chapeau de feuilles reliées entre elles. En cas de grosses pluies d’été, Sylvère effeuillera pour éviter la pourriture et donc les maladies.

Retour au chai, là où les vins sont élevés puis stockés. Dégustation des jus de la cuvée qui sera volontairement déclassée en Vin de France « Gisous », hommage à la grand-mère qui vit juste au dessus des vignes. Un nez de cerise et de framboise domine, la bouche est fraîche mais concentrée ; 2014 sera mis en bouteilles prochainement, en magnum plus précisément ou du moins sur une bonne partie de la cuvée. Le vigneron ne voit pas meilleur contenant pour son vin.

Son choix est fait; il ne soufrera pas cette cuvée qui résiste à merveille à l’oxydation. On passe au Beaujolais-Villages sur fût : racé, structuré, fruité.

Mais le troll est joueur ! Ce dernier sort son arme favorite, le tire-bouchon, et dégomme en deux temps trois mouvements un canon de Beaujolais 2014, puis un rosé 2013 de folie !

« J’ai eu une peur bleue en ne voyant pas la fin de la fermentation du rosé ; j’ai ouvert les portes de la cave, rien n’y faisait … Puis un beau jour, les jus se sont remis à bouillir… C’était la fête aux levures indigènes ! Je suis très satisfait de la franchise et de l’intensité de ce rosé qui plaît beaucoup actuellement. J’en remonte sur Paris ce soir d’ailleurs », me confie-t-il.

Dans la lignées des nouveaux talents du Beaujolais, Sylvère Trichard manie adroitement la vigne, avec réflexion, philosophie, respect pour la nature, ainsi que pour ceux qui boiront les jus. Il va s’en dire que ce domaine, au demeurant déjà incontournable dans la série des vignerons qui travaillent la vigne le plus naturellement possible, devrait faire beaucoup de bruit avec la production de 2015, en bonne voie pour être un grand millésime.

Nous ne sommes qu’en juin et les cuvées de l’année 2014 sont déjà quasi toutes écoulées. La collaboration étroite avec Camille Lapierre du domaine Lapierre lui permet d’avoir un autre regard, rassurant en somme.

A noter dans les agendas : il sera possible de rencontrer Sylvère au festival DeZing aura lieu les 21 et 22 août 2015 à l’hippodrome de Pizay. Avec des concerts électriques de groupes comme Pigalle, Naouack, Racine Acoustick, Zoufris Maracas, Victoria Delarozière… Les vins proposés seront produits le plus naturellement possible. Et si vous ne craignez pas l’altitude, vous pourrez même faire quelques tours d’ulm.

Vous pouvez d’ores et déjà vous procurer des places (20 euros pour le pass 1 jour / 35 euros pour le pass 2 jours) : www.festival-dezing.com. Côté dodo, vous pourrez planter les tentes au camping voisin.

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