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Une Journée Sans Viande : si on s’en passait (juste) aujourd’hui ?

Le paradoxe de l’élevage

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Ce vendredi 20 mars, c’est la « Journée Sans Viande » et ça tombe bien, car elle est LE sujet du moment. Articles, docu, émissions radio, la question de l’élevage est partout. A Lyon, une « Vegan place » est organisée place de la République, samedi 21 mars, avec stands d’information, diffusion de vidéo, dégustations de plats vegan, en partenariat avec des associations et restaurants végétariens. L’occasion pour nous de faire le point sur les alternatives.

Vegan Place à Lyon - Source L214
Vegan Place à Lyon – Source L214

Depuis déjà 31 ans, cette initiative internationale (MeatOut Day) a pour but d’interroger notre consommation de viande, et de promouvoir le mode de vie vegan. En France, une trentaine de villes y participe. Parce qu’elle pose des problèmes écologiques, sociaux, économiques, sanitaires et éthiques, notre consommation de viande et de produits animaux dépasse le simple choix alimentaire personnel, pour prendre une valeur politique.

Animaux entassés sous des néons, gavés d’antibiotiques, poulets difformes, veaux anémiés, abattage à la chaine. Chaque année, 80% du milliard d’animaux tués en France sont issus de l’élevage industriel.

Une étude montre pourtant que les français sont très majoritairement opposés à l’élevage intensif. Situation paradoxale, d’un côté les animaux viennent enfin d’être reconnus comme êtres sensibles, on a jamais été aussi indignés par leur souffrance, et de l’autre, de nouvelles fermes-usines continuent de s’implanter, tout en étant subventionnées : 29 projets de fermes-usines sont à l’étude ou déjà en oeuvre, selon la Confédération Paysanne.

Et la concentration est réelle : à titre d’exemple, le nombre d’éleveurs de vaches laitières en France a baissé de 58% entre 1993 et 2013, passant de 162 000 producteurs à 67 000, alors que la production de lait progressait de 5% dans le même temps.

Actuellement, c’est un centre d’engraissement de 1000 veaux qui doit voir le jour dans la Creuse. A l’image de celle des 1000 vaches, tout est fait pour assurer le meilleur rendement : des veaux élevés en hangar, séparés de leurs mères tôt, engraissés au soja et maïs OGM importés et antibiotiques, puis abattus à 7 mois, dans un abattoir pratiquant notamment l’égorgement sans étourdissement préalable.

Selon le Collectif OEDA (Oui à l’Etourdissement Dans les Abattoirs) :

« Le projet pourrait recevoir des subventions importantes : 400.000 euros par l’Etat via le Ministère de la Défense ont déjà été alloués, 75.000 euros du Conseil Général, 150.000 euros du Conseil Régional ont été demandés. »

Faut-il préciser qui sont les investisseurs de ces projets ? Des patrons du BTP, des poids-lourds de l’agro-alimentaire et de la grande distribution. On est donc dans un modèle où l’élevage, comme l’agriculture, c’est à dire les secteurs qui sont sensés répondre à notre besoin le plus élémentaire, à notre lien le plus intime, échappent justement à ceux dont la mission est de nourrir les hommes : le paysan, l’éleveur. Au détriment de notre santé, des ressources naturelles, et du lien qui unit l’homme à l’animal et à la terre.

L'eau en fonction des aliments - Source L214
L’eau en fonction des aliments – Source L214

La réalité des abattoirs

S’ajoute aux conditions d’élevage la réalité des abattoirs, où chaque animal termine, qu’il soit issu d’un élevage bio ou non. C’est un problème politique : beaucoup d’abattoirs autrefois municipaux ont peu à peu été privatisés, ils appartiennent désormais à de grands groupes de l’industrie alimentaire. Surchargés, les cadences y sont infernales, les ratés monnaie courante.

Les ouvriers sont constamment maintenus sous pression pour assurer le rythme, menant souvent à de la violence gratuite et inutile envers les bêtes. Cette course au profit entraîne des aberrations : pour les petites unités, il n’est pas assez rentable de régler la chaine d’abattage.

On me confiait que les agneaux de l’Ain se voient refuser l’accès aux abattoirs locaux, doivent être envoyés à Sisteron à 300 kilomètres pour être abattus, pour ensuite être rapportés dans l’Ain.

Alors moins de viande, mais meilleure et plus chère ? C’est le point de vue de nombreux bouchers notamment. A l’image de Le Bourdonnec, boucher médiatique version « nouvelle génération », spécialiste de la maturation et à la recherche du « meilleur steak du monde » dans le docu Steak (R)évolution.

Il préconise un boeuf « équitable, où l’animal est heureux et élevé avec le souci permanent de son bien être, écologique, où l’animal se nourrit du paysage qui l’entoure et des productions de la ferme, rentable pour l’éleveur, car il gagne bien sa vie, sans dépendre des subventions européennes. » En somme, une viande qui dépend de la qualité de l’élevage, de son impact écologique, tout autant que de du travail de préparation du boucher et du caractère gustatif.

Boeuf Aubrac
Boeuf Aubrac

Végétarien VS Vegan

En Angleterre ou en Allemagne on estime à environ 9% la proportion de végétariens. En France, le nombre est plus modeste, entre 2 et 3%, mais on note que la consommation de viande dans le pays diminue de 1% chaque année. Le végétarien bannit viande et poisson de son alimentation, mais reste dans un système d’élevage, en consommant lait et oeufs.

Considérant qu’il n’y a pas d’élevage sans souffrance animale, même en Bio, le vegane adopte un mode de vie totalement végétal. Il veille à éviter l’exploitation des animaux dans tous les domaines : pas de viande, de lait, d’oeuf ou de miel, mais également pas de cuir, de laine, de cirque et de produit testés sur les animaux.

Brian, membre de L214, association de protection animale centrée sur les animaux destinés à la consommation, est l’un des organisateurs de la Vegan Place de ce samedi 21 mars. Il note « une explosion du veganisme depuis le début des années 2010, due notamment au fait que beaucoup de personnes s’emparent du sujet, des restaurateurs, et des personnalités comme Aymeric Caron ou Matthieu Ricard. »

Pour lui, un élevage éthique est « une utopie », du fait du nombre croissant de personnes à nourrir. « Les protéines végétales existent, on les cultive depuis longtemps », cette solution « très développée dans d’autres pays, comme l’Allemagne », parait plus simple que « de développer un élevage éthique, d’autant plus qu’il y aura toujours le problème de l’abattage ». Pour un vegan, l’objectif final est « la fermeture des abattoirs et des élevages. »

Selon la sociologue Jocelyne Porcher, co-auteur de « Vivre avec les animaux » :

« Ce système de pensée sort les animaux du lien social, et conduit in fine à rompre complètement avec les animaux. » Elle y voit le risque d’accélération de l’ »industrialisation de la production animale : de la soustraire définitivement des mains des éleveurs et des paysans pour la confier aux multinationales et aux investisseurs ».

Or, « défendre l’élevage, c’est d’abord défendre des alternatives à l’industrie. C’est permettre de comprendre la mort des animaux, permettre de l’assumer tant pour le consommateur que pour l’éleveur. Et offrir des alternatives pour une mort digne des animaux ».

Go Vegan tattoo
Go Vegan tattoo

Et le flexitarisme, parmi toutes les néo-terminologies existantes, qu’est ce que c’est ? Si vous ne mangez de la viande que très rarement, au restaurant par exemple, et seulement quand vous êtes sûr d’où elle vient et de comment elle a été produite, vous en êtes. Le terme n’est pas glamour, mais il semblerait que vous êtes nombreux à pratiquer cette sorte de « semi-vegetarisme« .

 

Le steak in vitro et la tendance chez les chefs

La première viande in vitro a été créée en 2013, en laboratoire, sans vache vivante, issue de « cellules souches ». Pour l’instant, la technique semble peu applicable en dehors, étant donné son prix… 250.000 euros le steak.

Certains y voit cependant une formidable alternative, tandis que d’autres craignent une dérive technologique qui se substituerait à une évolution culturelle nécessaire. François de Closets, journaliste et écrivain, spécialiste des sujets scientifiques, auteur de « Maintenant ou jamais », estime qu’une « une issue technique n’est pas la bonne façon d’aborder ce problème ».

Il précise que la solution de la fausse viande existe déjà, en quelque sorte, c’est celle à base de tofu et autres végétaux. Il s’agit donc de réduire notre consommation de viande, et de la manger meilleure.

La pièce de viande (et de poisson dans une moindre mesure), est d’ailleurs l’élément central de la cuisine française. Indispensable ? Le propos a fait du chemin chez les chefs de renom, amorçant peut-être une réflexion plus globale. On pense à Alain Passard, et son menu végétarien à l’Arpège, issu du potager du restaurant, à Ducasse qui a supprimé la viande de sa carte au Plaza Athénée, à Thierry Marx, personnellement végétarien. On a même entendu Joël Robluchon s’exprimer sur le sujet, bien que non investi plus que ça sur la question. Preuve que le discours et l’alerte font leur chemin.

 


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