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Comment la fachosphère a pris pour cible l’élue écolo de Villeurbanne Zemorda Khelifi

[MàJ] Dimanche, Zemorda Khelifi diffusait un communiqué de presse demandant l’annulation d’un meeting du groupe d’extrême droite Génération identitaire prévu samedi 21 février à Villeurbanne. Relayé par la fachosphère, la conseillère municipale écolo villeurbannaise est prise pour cible sur les réseaux sociaux et a reçu un mail anonyme d’insultes racistes et de menaces de mort. Le préfet a décidé, jeudi, de porter plainte suite à ce mail.

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Comment la fachosphère a pris pour cible l’élue écolo de Villeurbanne Zemorda Khelifi

Dimanche, le groupe Europe Ecologie/Les Verts-Front de gauche du conseil municipal de Villeurbanne diffuse un communiqué de presse sur son site internet où il demande, par la voix de sa présidente, Zémorda Khelifi, au maire Jean-Paul Bret (PS) d’interdire la tenue d’un meeting de Génération identitaire.

La branche jeunesse du Bloc identitaire, mouvement de l’extrême-droite radicale, a en effet prévu de se réunir samedi 21 février à l’Espace Tête d’Or, salle de conférence située sur la commune de Villeurbanne et qui accueille notamment les meetings du Front National de l’agglo lyonnaise. Le « carton d’invitation » annonce une réunion sur le thème « Ici c’est Lyon, pas l’Algérie ».

Les identitaires ont fait de Lyon un de leurs fiefs. Ici, l'intérieur de leur local, la Traboule (dans le Vieux Lyon) ouvert en 2011. ©LB/Rue89Lyon
Les identitaires ont fait de Lyon un de leurs fiefs. Ici, l’intérieur de leur local, la Traboule (dans le Vieux Lyon) ouvert en 2011. ©LB/Rue89Lyon

Mail anonyme de menaces

Dans ce communiqué, la conseillère municipale estime que le meeting de cette organisation qui « ne vise qu’à attiser la haine vis-à-vis des étrangers et de l’Islam » est de nature à créer un « trouble grave à l’ordre public ». Le meeting doit être selon elle interdit. Le communiqué est relayé le jour même par Lyon Mag.

La fachoshère se met alors en branle et, comme souvent, cela part du site fdesouche.

Lundi 16 février, cette ferme à contenus extrémistes relaye le communiqué, citant le site web lyonnais comme source. Mais en retitrant sur Zémorda Khelifi qui demanderait, elle-même, l’annulation de la réunion publique. Le billet de fdesouche est repris sur des sites tels que islamisme.com.

Mardi matin, Zémorda Khelifi est destinataire d’un mail anonyme. Dans ce mail anonyme, que la conseillère a retranscrit sur son mur Facebook, cette dernière est copieusement insultée avec des propos à caractère raciste faisant référence à ses origines. Des menaces de mort sont également formulées. Dans Le Progrès de mercredi, l’élue villeurbannaise se dit « très choquée, bouleversée » et annonce avoir déposé plainte. Elle réitère par ailleurs sa demande d’annulation du meeting identitaire.

Les communiqués de presse se succèdent alors pour apporter et afficher un soutien à l’élue et à sa prise de position. Les différentes instances d’EELV, les partis du Front de gauche, SOS Racisme, le Collectif de vigilance 69 contre l’extrême-droite et même le MRC, sur Twitter.

De son côté, Jean-Paul Bret, maire de Villeurbanne, condamne les méthodes et les propos visant Zemorda Khelifi mais estime dans le même temps qu’interdire le meeting des identitaires ne serait pas la bonne solution. Comme il l’explique au micro de France 3 Rhône-Alpes, la mairie aurait toutes les chances d’être déboutée devant le tribunal administratif offrant ainsi une tribune et une victoire juridiques supplémentaires aux identitaires. Ce serait pour lui « donner le bâton pour se faire battre ». 

Zemorda Khelifi, harcelée sur les réseaux sociaux

Très actifs sur les réseaux sociaux, les identitaires ont déroulé leur stratégie habituelle. Tout d’abord, ils se posent une nouvelle fois en victimes que l’on voudrait bâillonner. Dans un communiqué, ils invoquent la liberté d’expression et réfutent être à l’origine du mail reçu par l’élue.

Ce sont les mêmes types d’arguments qui avaient été utilisés lors de l’interdiction de la « marche des cochons »  en 2011 ou, cet été, lors de la tentative avortée de tenir « un rassemblement anti-racailles » à la Guillotière.

Leur communication officielle sur leur site ou sur les réseaux sociaux est savamment maîtrisée : pas d’insultes racistes mais les militants identitaires continuent la stigmatisation de l’élue villeurbannaise, en partageant le lien vers l’article de fdesouche. Elle est attaquée sur sa prise de position contre la tenue de leur réunion mais pas sur ses origines et son patronyme.

En parallèle, des messages à caractère clairement raciste fleurissent sur Twitter. Mais, bien sûr, ces messages ne sont pas relayés par les comptes officiels de Génération identitaire ou de Rebeyne (la branche lyonnaise des jeunes identitaires). Aucun responsable identitaire ne condamne ces insultes et menaces.

Les militants d’extrême droite utilisent un autre angle d’attaque pour s’en prendre à Zemorda Khelifi : sa participation à la manifestation de novembre dernier contre le FN à Lyon. Cette manifestation n’était pas arrivée à son terme, marquée notamment par de la casse de vitrines et des affrontements avec la police. Des élus EELV, comme d’autres formations politiques ou syndicales, étaient présents à cette manif. Sur Twitter, les identitaires opèrent l’amalgame :

Agit-prop numérique

A ce jour, le meeting de samedi n’est toujours pas interdit. Compte tenu des déclarations du maire de Villeurbanne, il y a peu de chances qui le soit. Quant au directeur de l’Espace Tête-d’Or, il n’a pas plus affiché sa volonté d’annuler la réservation.

Ce meeting a en tout cas bénéficié d’une belle publicité même si les responsables se défendent de « toute tentative de faire le buzz ».

Si « des cadres du mouvement » doivent venir, cette réunion publique ne devrait pas rassembler grand monde si l’on se réfère aux dernières manifestations initiées par les identitaires lyonnais.

Après l’attentat de Charlie Hebdo, le mouvement d’extrême droite radicale avait appelé par deux fois à se rassembler place des Jacobins (Lyon 2e) les 8 et 16 janvier. Ils étaient entre 100 et 150 jeunes gens, venus pour « lutter contre l’islamisation de l’Europe » en essayant de surfer sur les manifestations anti-islam qui ont eu lieu en Allemagne.

Rassemblement anti-islam organisé par les identitaires lyonnais, place des Jacobins (Lyon 2e). ©DR
Rassemblement anti-islam organisé par les identitaires lyonnais, place des Jacobins (Lyon 2e) le 8 janvier 2015. ©DR

Plainte du préfet et contre-rassemblement

Zemorda Khelifi, se dit toujours « harcelée » sur les réseaux sociaux. Elle se sent d’autant plus légitime, au nom du groupe politique qu’elle préside, à demander cette fois-ci l’interdiction du meeting au préfet.

En réponse, ce jeudi soir, le préfet du Rhône a décidé, lui-aussi, de porter plainte à propos de ce mail d’insultes racistes reçu par l’élue villeurbannaise.

Jean-François Carenco a expliqué sa démarche dans un communiqué, en pointant le meeting de Génération identitaire.

« La teneur inadmissible et révoltante de ces attaques racistes tombent sous le coup de la loi. (…) Si ces menaces sont lâches et anonymes, il est difficile de ne pas les rapprocher de l’organisation, le samedi 21 février, d’un rassemblement du groupuscule d’extrême droite « Génération identitaire » portant sur le thème « ici c’est Lyon, pas l’Algérie », à Villeurbanne».

Ce vendredi matin, Dans un communiqué où ils ont réitéré leur demande d’interdiction, plusieurs partis de gauche (EELV, les différents partis du Front de gauche) ont annoncé organiser une « action symbolique ». Elle doit avoir lieu le samedi, au moment du meeting identitaire.

Cette action « pacifique » consiste à venir « une fleur à la main », à 15 heures, parc des Droits de l’Homme à Villeurbanne.

Dans un nouveau communiqué de presse, les identitaires réaffirment ne pas être à l’origine du mail de menaces et d’insultes reçu par Zémorda Khelifi. Ils dénoncent même une « hystérie médiatique » et accusent les médias de passer sous silence « les centaines d’e-mails de menaces » qu’ils disent recevoir.

> Article mis à jour le 20 février à 11h puis 15h avec l’annonce du préfet du Rhône de porter plainte avec l’annonce de l’organisation d’un contre-rassemblement et le nouveau communiqué des identitaires.

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