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Pour Charlie Hebdo, une place des Terreaux à Lyon noire de monde

Sans banderole, des Lyonnais venus pour « la liberté d’expression »

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Rassemblement massif place des Terreaux, à Lyon, suite à l'assassinat de journalistes à Charlie Hebdo, mercredi 7 janvier. Crédit : LB/Rue89Lyon.

Après l’attaque contre Charlie Hebdo qui a fait douze morts au siège du journal satirique, le Club de la presse de Lyon a appelé à un « rassemblement silencieux » ce mercredi soir à 18h, place des Terreaux (Lyon 1er).

Il a été entendu et largement suivi : la place était noire de monde à l’heure indiquée. On parle d’environ 15 000 personnes, venues sans banderole ni drapeau. Des applaudissements ont succédé aux longs moments de silence ; quelques « Charlie » ont été scandés, des stylos brandis, des lumignons déposés sur les marches de l’Hôtel de Ville.

Rassemblement massif place des Terreaux, à Lyon, suite à l'assassinat de journalistes à Charlie Hebdo, mercredi 7 janvier. Crédit : LB/Rue89Lyon.
Rassemblement massif place des Terreaux, à Lyon, suite à l’assassinat de journalistes à Charlie Hebdo, mercredi 7 janvier. Crédit : LB/Rue89Lyon.

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De nombreux habitants de la ville et de l’agglomération sont restés jusqu’à 20 heures sur la place des Terreaux.

Des Lyonnais place des Terreaux, ce mercredi 7 janvier. Crédit : LB/Rue89Lyon.
Des Lyonnais place des Terreaux, ce mercredi 7 janvier. Crédit : LB/Rue89Lyon.

Antoine, Zoé, Axel et Camille sont des étudiants à l’école des arts et de la culture. Antoine reste abasourdi :

« J’ai grandi avec les dessinateurs de Charlie Hebdo. Au delà de Charlie, ce sont des principes fondamentaux qui sont attaqués. La liberté d’expression. Demain ça peut se passer au Canard. »

C’est là le slogan qui a été le plus scandé à Lyon ce mercredi soir, « Liberté d’expression, liberté d’expression ».

Quand nous déclinons notre qualité de journalistes ce soir sur la place, plusieurs personnes nous témoignent leur solidarité, demandant : « quel avenir pour le journalisme ? ». Quelques personnes ont tenté régulièrement de lancer une Marseillaise mais peu ont suivi, l’initiative étant interrompue par des « ta gueule ».

Pierre-Olivier de 42 ans, fonctionnaire, fait son analyse :

« C’est notre 11 septembre à nous, les Etats-Unis ont été touchés via leur symbole du pouvoir économique, le World Trade Center. Nous, en France, c’est la liberté d’expression que l’on représente et qui a été touchée, à travers Charlie Hebdo. »

Florian, 24 ans, explique aussi sa présence :
« Je suis venu parce que j’ai été choqué par la lâcheté et la haine de cet acte. Cabu, Charb, leurs dessins circulent beaucoup sur les réseaux sociaux et je les lisais tous les jours. Ils sont comme de la famille. Et ce soir on se sent vulnérable devant ce qui s’est passé, face au terrorisme. Si maintenant les journalistes doivent avoir des armes sur eux, on ne va pas s’en sortir. »

 

« Je n’étais pas toujours d’accord avec Charlie Hebdo, mais là… »

A partir de 18 heures, plusieurs milliers de personnes se sont réunies dans le silence en hommage aux victimes de l'attaque contre le journal Charlie Hebdo remplissant entièrement la place des Terreaux. Crédit : BE/Rue89Lyon.
A partir de 18 heures, plusieurs milliers de personnes se sont réunies dans le silence, place des Terreaux. Crédit : BE/Rue89Lyon.

Camille, Gwenaëlle et Heloïse bossent dans la com’, elles sont trentenaires. Elles ont surtout peur des conséquences politiques et sociales à venir :

« On va faire encore plus l’amalgame entre islam et extrémisme. L’extrême droite se frotte les mains. »

Quentin a 25 ans et il a tout aussi peur de la suite :

« On est là pour montrer qu’on est solidaire et pour dire à quel point c’est génial à travers des journaux comme Charlie de pouvoir lire différentes expressions, différentes idées. Maintenant, ce qui me fait le plus peur c’est l’après. La récupération de cet événement et ceux à qui il pourrait profiter, l’extrême droite par exemple. »

Maurice, 64 ans, a reçu l’appel au rassemblement via le réseau RESF (réseau éducation sans frontière). Il est venu seul :

« Je n’achetais pas Charlie, je n’étais pas toujours d’accord avec eux, avec leurs dessins. Mais c’est la liberté de la presse qui est attaquée, là. Pour Charlie j’ai peur que ce soit dur de remplacer des gens comme Cabu ou Wolinski. Au-delà, si on laisse faire ça, si on laisse faire les extrémistes, on ne s’en sortira pas. J’espère au moins que cet attentat fera réfléchir notre pays. On ne sait pas encore qui a fait ça mais j’espère qu’on ne laissera pas d’autres extrêmes récupérer l’événement. »

Isabelle, 53 ans, est venue avec deux collègues de travail :

« Je ressens beaucoup d’incompréhension face à cette barbarie, face à l’inacceptable. J’ai lu Charlie quand j’étais jeune maintenant je l’achète beaucoup moins. La dernière fois c’était justement le numéro avec les caricatures de Mahomet. Mais peu importe, ce qui est en jeu, c’est la liberté de la presse et d’expression. En geste de solidarité je pense qu’on devrait tous s’abonner à Charlie. »

 

 #jesuischarlie

Sur les réseaux sociaux, un immense élan de solidarité est né spontanément avec, notamment, le hashtag #jesuischarlie. Les avatars des profils Facebook ou Twitter sont devenus des carrés noirs, ou juste barrés de cette formule (un signe designé par Joachim Roncin, moins d’une heure après la tuerie) :

jesuischarlie

Quelques exemples des multiples tweets qu’il est possible de lire concernant le rassemblement lyonnais :

 

« Tuer des dessinateurs… pour leurs dessins »

Le Club de la presse avait rapidement fait circuler cet appel pour inviter les Lyonnais à manifester leur « solidarité avec les victimes de cet odieux attentat ».

Stéphane Rabut, jeune président du Club, tout récemment élu, a pris la parole après Gérard Collomb. Lequel maire PS de Lyon a notamment déclaré :

« Tuer des journalistes pour les textes qu’ils avaient pu écrire, tuer des dessinateurs pour les dessins qu’ils avaient pu réaliser. Assassiner un journal pour ce qu’il avait publié. Il y a longtemps qu’on n’avait pas connu telle barbarie.
La liberté de pensée, la liberté d’expression, la liberté de vivre tout simplement, chacun avec sa culture, sa philosophie, sa religion, ses idées, c’est qu’il y a de plus précieux, de plus fondamental dans notre société. »

L’information de la tuerie est tombée au moment où le maire présentait ses voeux au journalistes lyonnais à l’hôtel de ville, au cours d’un déjeuner. Gérard Collomb s’est donc associé à l’appel au rassemblement et a rapidement fait passer des coups de téléphone par son cabinet pour alerter d’autres personnalités lyonnaises. Ont donc été annoncés au rassemblement :

Parmi les multiples interventions d’élus, de représentants religieux, de représentants d’associations laïques ou non, celle de Kamel Kabtane est tombée dans l’après-midi via un communiqué dans lequel on peut lire :

« L’attaque contre les locaux de Charlie Hebdo est d’autant plus inadmissible que sa violence s’est orientée contre des journalistes qui exercent leur métier dont la liberté d’expression est une valeur garantie par la Constitution de notre pays ».

Par ailleurs, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a annulé la visite qu’il avait programmée à Lyon ce jeudi 8 janvier. Les pompiers du Rhône qui avait déposé un préavis de grève pour cette journée du 8 janvier l’ont annulé. Et le préfet du Rhône a transformé sa cérémonie des voeux de ce jeudi en moment de « recueillement ».

>Article qui a été régulièrement mis à jour par la rédaction de Rue89Lyon ce mercredi 7 janvier.

Lectrice Charlie Hebdo capture d'écran vidéo France24 2
Lectrice de Charlie Hebdo capture d’écran vidéo France24 : « Fusillade à Paris : pourquoi Charlie Hebdo a-t-il été attaqué ? »

#cardinal Barbarin

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