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Blog du taulard #23 : « Rien ne justifie la punition »

Sais-tu, lecteur, que rien ne justifie la punition ? Entends-tu que la sanction est un non-sens absolu ? En effet punition ou sanction ne sont que les effets d’une vision où l’être humain est considéré comme un animal à dresser, une bête à dompter et qui ne se fonde que sur la loi du plus fort.

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Prisonniers de Nouvelle-Galles du Sud, en Australie. Issues de l'expo sur les 50 ans de l'Etat. CC/Flickr

La contrainte est à l’opposé de la prise de conscience. On a beau jouer de l’affectif et dissimuler la violence avec cette formule ordurière, bien plus grossière que n’importe quel nom d’oiseau : « qui aime bien châtie bien », la punition ne suggère qu’obéissance et soumission, ne parle que de hiérarchie et bannit l’apprentissage et la curiosité au profit d’une norme imposée. Et c’est avec la punition qu’on veut inculquer le vivre ensemble alors qu’elle n’est qu’exclusion ?

Nul besoin d’être un bourreau sadique et sanguinaire, ou d’être sous l’emprise de la paranoïa la plus féroce pour châtier. Il suffit seulement de penser que punir c’est pour le bien de celui qu’on sanctionne et que c’est nécessaire.

La prostitué des fausses sciences, en l’occurrence la psychologie, vaste escroquerie nous bourrant le crâne comme quoi nous ne serions que déterminisme, est venue prendre le relais de l’inquisition pour nous dire qu’il fallait des repères pour l’être humain et que l’ordre était le fondement (c’est le cas de le dire, au sens de la déjection) du principe de réalité afin de ne pas devenir fou avec le principe de plaisir qui serait alors débridé laissant le libre champ aux pulsions.

On voit bien que le pouvoir avec la pensée dominante ne veut pas qu’on s’amuse, car il faut que l’on travaille, que l’on fasse gagner du pognon aux possédants et qu’on ne remette pas en cause leur pouvoir. Bref, Freud en tête, ils disent qu’on est pas là pour en prendre à notre guise.

 

La punition n’est pas un concept logique et humain

Tiens, je vais faire mon malin. Sais-tu lecteur qu’il suffit de supprimer un petit vocable de rien du tout, de 2 lettres, pour jeter la notion d’humanité aux oubliettes ? C’est très facile à faire, tu exclus la forme pronominale et tu y es : Au lieu d’aller vers le « se rendre compte » suggérant l’introspection, on balise bien les limites avec le « rendre compte ». Hop, le « soi » a disparu et nous voila sous l’autorité si salvatrice et si structurante.

La philosophie a échoué à faire de la punition un concept logique et humain. Même Kant qui n’était pas un libertaire, loin s’en faut, s’y est cassé les dents. Par contre, beaucoup de philosophes, Nietzsche en tête, ont salué la désobéissance. Peut-être que pour comprendre ce qui se joue dans la punition il faut aller lire René Girard (Les Choses cachées depuis l’origine du monde – un de mes livres de chevet) sur le rôle du bouc émissaire dans une civilisation dominée par le mimétisme ayant inventé un dieu répressif.

 

Un processus tordu : le taulard doit se réinsérer alors qu’on l’a exclu

Sans faire le donneur de leçon, il est quand même important d’essayer d’avoir une vue plus large et plus profonde que les reportages télé qui t’emberlificote l’émotionnel et de se laisser effleurer plutôt par les questions d’interdépendance du vivant pour sortir de l’immédiateté aspirante qui tue le sens de la vie. Ce n’est pas parce que nous sommes au 25ème sous-sol de la politique qu’il faut se laisser aller à la simplification cartésienne, une cause/un effet, en mutilant tous les liens complexes.

Parce qu’on retrouve ce processus tordu lorsqu’on nous dit qu’il faut que le taulard se réinsère, alors qu’il a été exclu de force par des juges. Il est là le tour de passe-passe sordide, l’élision du « soi », que j’évoquais avec la disparition de la forme pronominale. On l’exclut sans son avis et on lui dit qu’il doit réintégrer en montrant patte blanche. C’est fou ça, non ? Alors l’universitaire ou le psy diront : « mais non, il s’est exclut lui-même par son infraction.» C’est faux, l’infracteur n’est pas contre les buts du monde, à savoir avoir un statut social dans l’aisance financière et être un brave consommateur, il ne cherche pas à s’exclure, il n’est juste pas d’accord avec les moyens pour y parvenir.

L’exclusion est le symptôme sociétal par excellence qui montre la gomme qui efface ce qu’on veut cacher. Et même s’il s’exclut lui-même, le rôle de la communauté, au lieu de le ré-exclure, n’est-il pas de le ramener dans cette communauté ?
Mais bon à l’époque où Valls veut virer de son parti tous ceux qui ne sont pas d’accord avec lui, on n’est plus à une épuration près, histoire de coller au cul du FN.

Prisonniers de Nouvelle-Galles du Sud, en Australie. Issues de l'expo sur les 50 ans de l'Etat. CC/Flickr
Prisonniers de Nouvelle-Galles du Sud, en Australie, au XIXe siècle. Photos issues de l’expo sur les 50 ans de l’Etat. CC/Flickr

La misère est en lien direct avec les infractions

Si on ne réfléchit pas sur l’aberration du sens de la punition, on ne peut parler de lutte contre la récidive. Car alors, cela revient à vouloir vider une baignoire en laissant le robinet couler. Si on rajoute une formule qui ne marche pas pour valider la formule d’avant qui n’a jamais marché, ça ne peut pas le faire. Les juges disent que si. On se demande quelles études ils ont fait et avec quelle idéologie.

A priori on ne comprend pas pourquoi les élites tournent dans cette stupidité de la punition. En fait c’est parce qu’il y a un enjeu dissimulé qui explique un peu ce vice de pensée. Ce n’est qu’un calcul. On ne veut pas que le lien se fasse entre modèle sociétal et « délinquance », puisqu’ils appellent ça comme ça dans leur folle volonté de catégoriser.

Il ne faut pas que soit dit que la misère est en lien direct avec les infractions, que le parcage dans les ghettos est la première cause de la rupture sociale, que les écoles où on se formate les uns contre les autres en toute concurrence est le premier lieu d’exclusion… Bref, il faut absolument que l’infraction ne soit qu’une affaire individuelle et non collective.

 

L’infraction est d’abord une rébellion

Pourquoi ? Parce que nos dirigeants n’arrêtent pas de dire qu’ils agissent pour notre bonheur (alors qu’ils s’en mettent plein les fouilles et ne pensent qu’à leur gueule) et ils veulent qu’on les croit. Donc ils ne vont pas dire que le modèle qu’ils défendent est la cause de tout ça, hein ? Ils veulent être réélus. Donc pas question de dire que l’infraction est d’abord une rébellion au modèle qu’ils protègent pour garder leur pouvoir.

Et il faut faire rentrer l’infracteur dans le rang et dire au peuple qu’on le protège de la racaille !
Et puis la punition, ça sert à faire peur aussi à ceux qui seraient tentés de ne plus obéir, et du coup ça montre la force du pouvoir et le légitime aussi.

 

Ouvrons des espaces de médiation

En vérité, lecteur, le seul moyen d’appréhender la question de la punition dans son non-rapport à l’humain, c’est de reconnaître que la force n’est en aucun cas un outil d’apprentissage. Alors peut-être que la responsabilité individuelle reconnue en dehors de l’obéissance permettra à chacun de questionner sa relation à l’autre pour considérer le vivre ensemble comme une valeur humaine.

On pourrait alors ouvrir les espaces de médiation où la prise de conscience prendrait le pas sur l’aveu. Le sentiment d’appartenance bouterait le chacun pour soi hors de la sphère sociale comme un non sens. On verrait qu’exclure quelqu’un c’est exclure une partie de soi et que si l’autre dépend de soi, on dépend de lui de la même façon. Plus de punition, plus de prison…

 

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