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« Pourquoi y a t-il des actions culturelles, scolaires ou sportives en prison ? »

Revue de commentaires /

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Le billet du Taulard inconnu sur les bénévoles en prison a suscité moult réactions. Au milieu des commentaires outrés et autres réactions plus ou moins argumentées, nous en avons décidé de mettre en avant deux témoignages de bénévoles et acteurs sociaux intervenant en milieu carcéral.

 

« On a signé un pacte avec l’ennemi »

« Je parle en mon nom, mais je pense qu’aucun génépiste ne viendra me contredire si je dis que chaque année, à l’assemblée générale revient l’éternelle proposition de se déclarer comme une association abolitionniste. Et très vite le constat qu’on ne peut pas se déclarer abolitionniste d’un système qui est (dans les textes) notre partenaire. C’est là, il me semble, toute la contradiction des associations qui interviennent en prison. L’administration a besoin de nous car on propose des activités bénévolement (qu’ils n’auraient pas les moyens de mettre en place sinon) mais en même temps on les dérange car le Génépi est avant tout une association militante. Le Génépi dénonce ce système et tente de sensibiliser le public avec différentes actions ou manifestations. L’intervention n’est que la dernière de nos actions. Pourtant elle me semble nécessaire.

Et quand certains directeurs de prison nous disent que le Génépi ce n’est que de « l’occupationnel pour les étudiants » ça nous donne envie de cesser ce « partenariat » (pour dire les choses poliment). Mais clairement ça les em*** de nous voir venir chaque semaine car ils savent très bien qu’on est pas là simplement pour faire une B.A et basta. Je pense que si on continue à intervenir c’est qu’on a la conviction que c’est un des moyens d’agir avec vous. Être totalement coupé de la prison, ce serait prendre le risque de s’éloigner de la réalité et finalement de ne faire que « théoriser sur la problématique carcérale ».
Pour faire simple, oui, on a signé un pacte avec l’ennemi et c’est largement critiquable mais ça me semble toujours mieux que de l’ignorer. »

Par « un génépiste ».

 

En prison. Crédit : Sébastien Erome/Signatures.
En prison. © Sébastien Erome / Signatures.

 

« La raison principale : apaiser la détention bien sûr »

« Je suis bénévole dans une association et j’avoue que je partage grandement ce point de vue. Effectivement les intervenants, bénévoles ou professionnels, sont utilisés par l’Administration pénitentiaire. Si on les fait venir c’est surtout pour dire « regardez comme nous sommes sympa à la Direction ou au SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation ndlr), on a mis tel atelier en place, on a fait venir tel artiste » mais la plupart du temps on se fiche royalement des détenus.

Il faut, pour faire bien, que ça apparaisse comme étant la Culture, le Savoir qui viendrait dans une grande générosité se donner à des gens qui, selon l’Administration, voire certains intervenants, n’en auraient pas. C’est la rhétorique utilisée pour justifier ces actions, mais la raison principale reste « d’apaiser » la détention bien sûr. C’est de la gestion quoi. Le bâton, la carotte avec en plus un tampon « bonne image » collé par-dessus.

Et malheureusement, la grande majorité des intervenants jouent le jeu. (A l’intérieur de l’établissement mais également à l’extérieur en refusant de critiquer la prison – l’établissement où ils interviennent ou la prison comme système – lors de débats, de conférences pour je cite « garder de bonnes relations avec la Direction » et ainsi ne pas mettre en danger leurs autorisations d’accès).

Parfois aussi certains n’ont aucune connaissance et réflexion sur la prison et sont persuadés, avec une très grande sincérité, d’apporter le bien. Car oui, la dimension morale est très très présente. On veut leur faire intégrer LA bonne façon de vivre (via la religion, via l’école, via des pratiques culturelles légitimes).

Même si on peut mettre ça sur la naïveté au début, il suffit d’aller à une réunion avec l’Administration pénitentiaire pour se rendre compte de la supercherie et de l’utilisation qui est faite de ces actions. (L’Education Nationale n’est pas en reste et régulièrement « vole » les heures d’activités des bénévoles pour les mettre dans leurs propres bilans et ainsi gonfler leurs chiffres.)
Bref, j’ai aimé lire cet article car il y a des choses essentielles, mais rarement dites, qui sont soulevées. Pourquoi y a t-il des actions culturelles, scolaires ou sportives en détention ? Certainement plus pour faire fonctionner le système que pour autre chose. C’est certain.
Mais aussi pourquoi les intervenants dans leur grande majorité acceptent-ils ceci ?!

En tout cas, même si c’est réellement une minorité, certains refusent de participer à tout ça, n’en n’ont rien a secouer d’améliorer le joli rapport d’activité du SPIP et sont d’ailleurs constamment en conflit avec les services pénitentiaires. Ce n’est pas évident à vivre, surtout face à un monstre kafkaïen tel que l’administration pénitentiaire mais c’est possible.

Si on passe son temps à courber l’échine soit par peur, soit par « naïveté-facilité » parce qu’on a jamais réfléchi à nos propres actions en détention alors effectivement il vaut mieux arrêter. »

Par radar.


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