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Blog du taulard #17 : « Vous jugez parce que vous ne comprenez pas »

C’est François Mauriac qui l’a dit, comme ceci plus exactement : « Vous jugez, parce que vous ne comprenez pas. Si vous compreniez vous ne jugeriez pas ». Cette parole est tellement importante à entendre (au sens de l’entendement). Elle l’est d’autant plus, lecteur, que je te parle du quotidien de la prison et de tout ce qui l’entoure, de ce que tout le monde ignore ou veut ignorer.

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Un Prisonnier romain (peinture 18e).

Alors je te livre quelques clés pour que ta lecture ne soit pas défensive. Tu feras, bien sûr, ce que tu voudras, mais à mes yeux, ces précisions sont essentielles.

Un Prisonnier romain (peinture 18e).
Un Prisonnier romain (peinture 18e).

Sache d’abord que je ne me plains pas, ni ne cherche à me faire plaindre. Je n’ai nul besoin, ni mes compagnons d’infortune, de compassion, de complaisance ou encore pire de pitié. Je témoigne simplement sur cette barbarie sociale qu’est la prison que tu ne connais pas en dehors du sensationnalisme qu’on veut te faire ingérer ou des fausses paroles de ceux qui l’approchent et qui les débitent pour se faire valoir.
Donc, accepte ton ignorance et tu liras beaucoup mieux.

Tu éviteras le risque de ce novice qui, après avoir entendu une conférence sur la sagesse est sorti dans la rue pour interpeller les gens en disant :

« Qui a une question ? Qui a une question ? J’ai une réponse. »

Ne lis pas non plus ces lignes dans l’attitude de celui qui met à distance ce qui lui est étranger, comme pour se protéger (et certain d’affirmer que l’étranger n’a pas nature à s’intégrer).

Ne tombe pas dans la curiosité malsaine, celle qui pousse à lire les faits divers avec, à la fois, délectation et dégoût, preuve de la part d’ombre de chacun et qui te fait prétendre à ton innocence. Ou encore celle qui te fait t’arrêter sur le bord de la route pour contempler un accident afin de te persuader que tu es assez fort pour surpasser la fragilité de ton existence.

 

Au nom de ta sécurité, lecteur

Ne vois pas de l’agressivité dans ces propos, il n’en est rien. Mais comme on m’a mis hors de ton monde, au nom de ta sécurité, j’ai eu le temps de repérer les raisonnements formatés qui te maintiennent dans une autre prison que tu appelles, avec une naïveté déconcertante, liberté.

Laisse tes yeux pleurer quand tu es touché par cette inhumanité qui conditionne la survie entre les murs. N’aie pas honte de cette émotion qui peut, si tu y médites, devenir sentiment. Sois aussi attentif à tes réflexes stéréotypés qui vont venir te dire qu’il faut, quand même, que le taulard assume ses actes et sa responsabilité, puisque, dans une certaine mesure, il l’a mérité. Car alors tu risquerais d ‘ajouter qu’on ne condamne plus aux galères de nos jours, qu’on ne marque plus au fer rouge, que la justice est quand même devenue plus juste et que le système fonctionne malgré tout.

Tu sais que pensant cela tu évites de réfléchir sur ce que pourrait être une autre régulation sociale sans punition. Si, si ! Je te jure que c’est possible si on dépasse la vision du nez de ceux qui veulent t’endoctriner.

 

La case de 9m2

Ah ! Si tu restais lucide, lecteur, tu saurais qu’on n’a plus besoin de torturer le corps pour réduire l’homme à un acte éphémère et préparer ainsi sa récidive. Il suffit de la prison pour le détruire.

La case dans laquelle on le précipite et qui mesure 9 mètres carrés devient, après coup, le casier qui va le suivre à jamais. L’enfermement n’est que la première étape pour le préparer à la soumission, qu’on nomme à la manière d’un escroc, réinsertion. Dans la prison, l’homme est abîmé dans le sens où on le plonge dans l’abîme pour mieux le faire disparaître.

Je sais que si tu ouvres ton cœur tu sentiras le danger pour tes illusions, celles qui te font nier ta complicité inconsciente avec ce système et te permet de rester lisse et sans tache dans ton rôle de citoyen bien éduqué. Mais bon tu veux savoir vraiment non ?

 

Le SDF et Jean-François Copé

Je te dis cela, aujourd’hui, car lorsqu’on me rapporte les réactions de l’avocat inconnu et d’autres encore, je vois bien qu’ils cachent leur caricature derrière celle qu’ils me reprochent ou ânonnent les idées toutes faites qu’ils prennent pour la vérité, je vois bien leur peur transparaître à leur insu. T’as lu, ils vont même jusqu’à l’insulte en me traitant de con.

Allez, n’aie pas peur, l’anarchiste que je suis (au sens des communards et de Louise Michel) ne va pas révolutionner la planète, ni mettre fin à l’oligarchie de possédants.

Cependant fait le lien entre le SDF qui pique 17 euros et des poussières dans le tronc de la cathédrale de Strasbourg et prend 4 mois ferme de placard (sans aménagement en dépit de la loi) et les Copé et autres voleurs qui brassent des millions et continuent à se pavaner en étant sûrs qu’ils n’iront jamais en taule. Si tu regardes ça bien en face, alors tu as des chances de comprendre et donc de ne plus juger.

 


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