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Le vélo vintage, accélérateur d’un mouvement cycliste en ville

Aménager des pistes cyclables, développer les vélos en libre-service ou adapter le code de la route aux cyclistes, c’est nécessaire pour développer le vélo en ville. Mais pas suffisant. Heureusement, il y a le vintage. Le vélo est à la mode et particulièrement quand il est ancien. Pour certains, c’est une raison supplémentaire d’enfourcher une bicyclette.

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« En revenant d’Allemagne, je voulais me mettre au vélo pour aller à la fac. Je suis allé dans la cave familiale où j’ai récupéré le vieux Manufrance de mon père. Je l’ai réparé. »

Il suffit d’arrêter les cyclistes qui roulent avec de vieux vélos pour multiplier des témoignages comme celui de Benoît Paris. Cet étudiant lyonnais en quatrième année de médecine croisé au Recycleur, l’atelier associatif de réparation, met sur le même plan « l’efficacité » du mode de déplacement et l’ »élégance » de ce vieux vélo retapé :

« Dans un souci d’esthétisme, je préfère passer plusieurs heures à réparer pour obtenir un vélo épuré, sans fioritures où ne restent qu’un cadre, deux roues et un guidon ».

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Benoît Paris au Recycleur devant son vélo de course « Manufrance scop » du début des années 80. ©Laurent Burlet/Rue89Lyon

A l’origine, il y a le fixie

La mode du vélo rétro ou vélo vintage nous vient une fois de plus des Etats-Unis, qui ne sont pourtant pas réputés pour leur grand nombre de cyclistes. Ce sont les coursiers qui ont popularisé la pratique du fixie.

Selon l’histoire devenue légende, à New York, les coursiers ont commencé à trafiquer leur vélo en supprimant câbles de vitesse et frein, autant d’éléments qu’on pouvait facilement détériorer ou voler. Finalement, de bricole en bricole, en est sortie une réplique du vélo du début du siècle, à pignon fixe. Ainsi serait né le fixie.

En traversant l’océan atlantique, à la fin des années 2000, le « pignon fixe » est devenu ultra branché. Alvaro, l’un des employés du premier atelier de réparation de Lyon, le Recycleur, se souvient :

« Au départ, c’était très confidentiel. On fabriquait nos propres fixies, notamment pour jouer au bike-polo dans les friches industrielles ».

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Un fixie dans une rue du centre-ville de Lyon ©Laurent Burlet/Rue89Lyon

Le vélo, objet de mode

Le vêtement s’est saisi de cette tendance. Dans les magazines ou les vitrines de boutiques, on associe le vêtement au vélo, bombardé nouvel art de vivre urbain. Et la plupart du temps, ce sont des vélos rétro que l’on met en avant.

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Un vélo en vitrine du très chic magasin « Scotch and soda » à Lyon. ©Laurent Burlet/Rue89Lyon

Flairant le bon filon, le prêt-à-porter s’est également mis aux fringues de vélo. Londres est même considéré comme la « capitale de la mode cycle » avec une marque comme « Rapha ».

A Lyon, des petits créateurs des Pentes de la Croix-Rousse fabriquent en série limitée casquettes, shorts ou chemise à l’image de ceux portés par Alvaro fabriqués par la chapelière Valérie Guillaume, les couturiers Baptiste Odet et Cyrielle Meza.

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Alvaro, l’un des employés du Recycleur devait son propre atelier de fabrication de vélos. ©Laurent Burlet/Rue89Lyon.

Courses de vélos à l’ancienne : « c’était pas si mal, avant »

Enfin, signe que cette mode reste une manière de se distinguer du pèlerin moyen et de se retrouver autour de sa passion, se développent depuis ces dernières années les rassemblements d’amateurs de vélos vintage. L’Italie a été pionnière avec la première course baptisé « Eroica » qui a lieu depuis 1997 en Toscane.

En France, la « rando béret baguette » réunit chaque mois de mai à Paris depuis 2008, plusieurs centaines de cyclistes. Dress code rétro obligatoire, bien entendu.

Le rassemblement français le plus important demeure l’Anjou Vélo Vintage. En juin de cette année, ils étaient 3250 inscrits (contre 2350 en 2013).

En France comme en Italie, le vélo (comme la tenue) doivent être rétro. Il faut venir avec un vélo qui date d’avant 1987. Il doit notamment être sans cale-pied automatiques, ni changement de vitesse au guidon.

L’inventeur et organisateur de l’Anjou Vélo Vintage, Thierry Gintrand, directeur de la communication du conseil général du Maine-et-Loire, explique l’engouement pour le vintage et sa course en particulier :

« Dans ces années de crise que nous traversons, nous avons besoin de nous rattacher à quelque chose. Dans les années 80, on parlait du futur. Aujourd’hui, on se dit que c’était pas si mal, avant. Les gens ont soif de retour à certaines valeurs. Adapté au vélo, le vintage est une manière de se démarquer quand les vélos se ressemblent tous. Les gens veulent des vélos solides mais aussi personnalisés. Ce n’est plus un simple objet pour se déplacer mais un objet d’art ».

Le vélo à la papa, c’était aussi un temps où les coureurs du Tour de France démarraient une étape à l’aube et roulaient au gros rouge et non à l’EPO, où les affaires de dopage Festina, Puerto ou Armstrong n’avaient pas définitivement gangrénés le peloton. Cette nostalgie des « forçats de la route » nourrit cet engouement pour le vélo vintage.

Lyon n’est pas en reste dans le développement des rassemblements vélo. En juin a eu lieu la première édition du festival « Roulez jeunesse », ambiance fixie, bike-polo et course sur le vélodrome de la Tête-d’Or.

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Participants de l’ »Anjou Vélo Vintage » © Bertrand Béchard

Les ateliers fleurissent

Comment sortir ses vieux clous de la cave quand on ne sait pas réparer un vélo ? A la fois cause et conséquence de ce phénomène vintage, de plus en plus de boutiques-ateliers de réparation se développent dans les grandes villes et particulièrement à Lyon.

Pionnière en la matière, l’association le Recycleur, sur les pentes de la Croix-Rousse, qui ne vous répare pas votre bicyclette mais vous aide à ce que vous le fassiez, tout seul comme un grand.

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Le Recycleur, rue Saint-Polycarpe à Lyon. ©Laurent Burlet/Rue89Lyon

Dix ans après le Recycleur, des ateliers ont ouvert. Dans le 7e arrondissement, à la Guillotière, Daniele Gropelli a lancé son « Velofficina » en mars 2013.

Dans sa ville de Lodi, à 50 km de Milan, il tenait déjà un atelier. Depuis qu’il s’est installé à Lyon, trois ateliers de la sorte ont ouvert en deux ans dans sa ville.

« L’idée de départ est simple : Il vaut mieux aller chez un boulanger que dans une grande surface pour trouver du bon pain. Pour le vélo, c’est la même chose. Je veux proposer des réparations pas chères et à petite échelle ».

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Daniele Gropelli dans sa boutique « Ciclofficina » à la Guillotière. ©Laurent Burlet/Rue89Lyon

Ouvert en même temps que l’atelier de la Guillotière et proposant les mêmes tarifs « alignés sur Décathlon », la « Bicycletterie », au bas des Pentes de la Croix-Rousse, se veut à la point de la hype. Ici, on ne confie pas seulement son vélo pour une crevaison ou un dérailleur à changer, on peut également boire un sirop ou manger un sandwich.
Le décor est vintage. Comme une évidence. Un vieux cadre de marque Anquetil est accroché au mur et de vieilles selles en cuire trônent aux côtés de meubles chinés.

« Ce concept atelier-café existe ailleurs en Europe. Mais c’est le premier concept de la sorte en France. Quant au vintage, c’est une mode qui nous plaît. C’est notre manière de vivre ».

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Charlotte Duménil et son réparateur de compagnon Anthony Duverney, associés de la « Bicycletterie ». ©Laurent Burlet/Rue89Lyon

Prochainement, c’est dans le quartier de Vaise (Lyon 9e)) que devrait s’ouvrir un « atelier d’auto-réparation » portée par l’association « Change de chaîne », actuellement à la recherche d’un local.

 

Âge d’or du vélo et nostalgie

Il ne faudrait pas voir dans cette mode du vélo vintage une génération spontanée. Le musée d’art et d’industrie de Saint-Etienne consacre une exposition sur « le cycle à Saint-Etienne ». On y retrouve les marques devenues mythiques : Mercier, Manufrance ou Hirondelle.

La commissaire de l’exposition, Nadine Besse, revient sur les soubassements historiques de cette tendance.

« Dans les années 50, l’attrait pour le vélo ancien était une sorte de snobisme qui venait principalement d’Angleterre et essentiellement développé dans le milieu des antiquaires. Dans les années 70, le cyclotourisme a élargi cet attrait. Enfin dans les années 80, quand les vélos fabriqués dans le sud-est asiatiques ont débarqués, cette tendance s’est accentuée et a progressivement gagné les plus jeunes ».

Le fixie, qualifié de « culture de rue » par l’historienne, a accéléré ce phénomène. Sans oublier un aspect purement pratique :

« Il vaut mieux avoir un vélo culte ancien plutôt qu’un vélo de grande surface. Il sera beaucoup plus robuste et en plus il aura tendance à moins se faire voler ».

 

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