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« Biodistrict Lyon-Gerland » : et un quartier lyonnais devint une marque

C’est un acte fort en matière d’urbanisme : faire d’un quartier une marque. On retiendra donc que pour le début de son troisième mandat, le maire PS de Lyon Gérard Collomb a rebaptisé le sud du 7e arrondissement en « Biodistrict Lyon-Gerland ». Avec un double objectif : attirer de nouvelles entreprises de biotechnologie et faire de Gerland la nouvelle frontière de Lyon.

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Par Lauriane Clément et Laurent Burlet

Une marque ne sert pas seulement à vendre des machines à laver ou des baskets. Désormais, un nom permet de mieux vendre une ville. Ce que les communicants appellent le marketing territorial ou city branding.

Le logo Biodistrict Lyon-Gerland
Le logo Biodistrict Lyon-Gerland

Ce mercredi 4 juin, la veille du forum Biovision, le socialiste Gérard Collomb, maire et président du Grand Lyon a exposé la stratégie du Grand Lyon pour attirer davantage les biotechs.

Tout d’abord, cette stratégie repose sur la spécialisation d’un territoire, en l’occurrence le quartier de Gerland. Ensuite, pour convaincre les investisseurs encore faut-il se faire connaître. C’est l’intérêt d’une marque. D’où la création de Biodistrict Lyon-Gerland.

Lors de la conférence de presse, le sénateur-maire Gérard Collomb a martelé :

« Pour construire l’avenir de Lyon, nous avons besoin de labelliser et d’avoir une nouvelle signature pour le quartier de Gerland.

L’idée sous-jacente à cette stratégie est qu’il faut se montrer puissant pour attirer les puissants, en suivant le vieil adage « on ne prête qu’aux riches. »

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Conférence de presse de lancement de la marque « Biodistrict-Lyon-Gerland ». Gérard Collomb entouré des responsables de Mérial (à sa gauche) et de Lyonbiopôle (à sa droite). © Lauriane Clément /Rue89Lyon

 

Miser sur la spécialisation d’un quartier

Le Grand Lyon ambitionne de devenir l’un des principaux « clusters » mondiaux en santé et biotechnologies.
Et quand on joue la carte de la spécialisation, on considère que la présence de nombreuses entreprises du secteur va en attirer d’autres.

En la matière, Gerland, pardon le « Biodistrict », est déjà fortement concerné par les biotechnologies qui se déploient sur une surface de 100 hectares (sur une totalité de 700 hectares pour le quartier de Gerland). Une cinquantaine d’entreprises, universités et instituts de recherche y sont regroupés, essentiellement au sud du quartier. On compte ainsi 5000 emplois en santé et biotechnologie, 2700 chercheurs, des géants du secteur (Sanofi), des PME ainsi que le premier pôle de santé français Lyonbiopôle.

Lors de la conférence de presse Eric Lambert, Directeur Financier et Secrétaire Général de Merial, a d’ailleurs rappelé qu’à partir de 2016, les sièges mondiaux de Sanofi Pasteur et Merial seront réunis sur un seul site, à Gerland évidemment.

C’est dans cette partie sud, à un saut de puce du stade qui sera prochainement délaissé par l’OL pour son Grand Stade, que se trouvent les principales réserves foncières que la collectivité (le Grand Lyon) possède pour les revendre au biotechs.

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Implantation des différents partenaires du Biodistrict Lyon-Gerland. Cliquez sur l’image pour l’agrandir. ©Grand Lyon

 

Prophéties auto-réalisatrices

Mais la spécialisation d’un territoire est-elle une garantie de réussite dans l’implantation d’entreprises du même secteur ? Le sociologue et urbaniste, Alain Bourdin, co-directeur du Lab’Urba et spécialiste du marketing territorial se montre prudent :

« C’est difficile de dire si cette stratégie rapporte vraiment. Mais elle a souvent la force des prophéties auto-réalisatrices : on croit tellement que ça va marcher, que ça finit par marcher. Car, à partir du moment où on joue cette carte de la spécialisation, une dynamique se crée entre les différents acteurs ».

S’agissant du Biodistrict Lyon-Gerland, une incontestable dynamique est présente réunissant outre la collectivité locale (le Grand Lyon qui est le pilote), les différents acteurs du secteur présents sur le quartier. Et ils ne jurent que par les mots de « concentration », « éco-système » ou encore « partenariat ».

Preuve de cette « entente cordiale », pour le lancement de l’opération, les journalistes étaient invités à visiter la plateforme collaborative Accinov inaugurée en novembre dernier où des start-up, un institut de recherche ou Sanofi testent leurs trouvailles avant la mise sur le marché.

Réunis autour d’une mission « Sciences de la vie » du Grand Lyon, ces partenaires se sont prêtés au jeu de communication. On retrouve notamment le directeur général de la PME Platine Pharma Services, Stéphane Legastelois, pour qui :

« La concentration géographique des entreprises est le principal atout des biodistricts car elles favorisent les échanges. » Avant d’ajouter : « la force d’un écosystème tel que Biodistrict Lyon Gerland est d’amener les PME à un niveau minimum pour émerger dans le monde et s’ancrer dans une pérennité ».

Stéphane Legastelois a donné de sa personne pour une vidéo promotionnelle visible sur la page du Biodistrict Lyon-Gerland, en anglais of course.

 

Gerland aussi « cool » que la Sillicon Valley

Le deuxième argument pour attirer les investisseurs, notamment étrangers, concerne le cadre de vie. Le Biodistrict Lyon-Gerland ambitionne de porter une image et un esprit aussi « cool » que la Sillicon Valley aux Etats-Unis. D’où la mise en avant des espaces verts (Les Berges du Rhône et le parc de Gerland), de la proximité avec le centre-ville grâce au métro et enfin de la présence de la cité scolaire internationale (CSI) pour scolariser les rejetons.

Dans le futur, on promet aussi une amélioration globale du cadre de vie. Et là, le sénateur-maire a pu coiffer la casquette qu’il préfère, celle de chef de chantier en rappelant tous les projets du quartier :

  • Un prolongement du tramway T1 vers les hôpitaux est et du métro jusqu’aux hôpitaux sud (2013-2020).
  • 3 000 nouveaux logements dans le cœur de Gerland (quartiers des Girondins et Fontenay)
  • Des coulées vertes, une médiathèque et un pôle social et culturel.

Après Confluence, mettre le paquet sur Gerland pour ce troisième mandat, n’est pas seulement une préoccupation pour les actuels habitants du sud du 7e arrondissement. Cette alliance de l’économique et du développement territorial est essentielle dans une stratégie de marketing territorial, comme le rappelle le sociologue Alain Bourdin :

« On s’est rendu compte que les classes moyennes très diplômés que l’on cherche à attirer sont beaucoup plus exigeantes en matière d’équipement, de loisir, de culture ou d’engagement associatif. Cela fait partie de l’équation marketing que de répondre à ces demandes pour pouvoir attirer des investisseurs ».

Les Berges du Rhône © J.Leone
Les Berges du Rhône pour attirer le cadre sup’ © J.Leone

 

Marques urbaines et city branding

Cette stratégie de city branding au cœur du projet de Biodistrict Lyon-Gerland n’est pas une nouveauté. Le marketing territorial s’est développé à partir des années 1990 par le biais de campagnes de communication. C’est la double conséquence de la mondialisation et des lois de décentralisation.

Dans un contexte de compétition accrue entre les grandes villes, les responsables politiques locaux cherchent à attirer des entreprises de plus en plus mobiles.

A partir de 2007, Lyon a d’ailleurs été un des précurseurs du city branding. En s’appuyant sur une marque, Only Lyon, cet outil de marketing territorial développe l’identité d’un territoire.

Selon l’un des documents de présentation d’Only Lyon, en 2012, la visibilité médiatique de Lyon dans les médias internationaux a ainsi augmenté de 1750% par rapport au début du projet.

Biodistrict Lyon-Gerland s’ancre dans la même démarche, non plus au niveau d’une ville mais d’un quartier. La communication globale de Biodistrict sera par ailleurs orchestrée par Only Lyon.
Et demain, la marque et son logo vont fleurir dans tous les salons et magazines spécialisés biotechs.

Comme l’a indiqué Jacques de Chilly, directeur exécutif de l’Aderly Grand Lyon, l’objectif final est de placer la métropole lyonnaise dans « le top 10 des sites majeurs d’implantation d’activités économiques et d’innovation en Santé et Biotechnologies au niveau international ».

Pendant ce temps-là, l’autre industrie se meurt : Le fabriquant de câbles Nexans ferme son site lyonnais et la reprise de SITL (ex-FagorBrandt) est loin d’être assurée. Pour être remplacé par des biotechs ?


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