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Centrifugeuse de visionnage, épisode 23

Tandis que la distribution cinématographique s’endort du sommeil de l’injuste, les inédits bourgeonnent çà et là, au vent mauvais.

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Centrifugeuse de visionnage, épisode 23

Anchorman 2 d’Adam McKay

Arrêtez les pendules, coupez le téléphone, empêchez le chien d’aboyer pour l’os que je lui donne. Ron Burgundy est de retour, et dans son sillage, c’est toute la comédie française qui courbe l’échine, honteuse. Du moins, d’un point de vue artistique. Dans la réalité cocardière, le public français ne connaît pas Will Ferrell, grâce aux efforts méritoires de sorties bâclées, retitrées et doublées à la diable pour une exploitation expéditive dans une poignée de multiplexes peu regardants (pléonasme). Pourtant, ce film ahurissant, d’une drôlerie insensée, redéfinit le concept même de séquelle en se jouant des attentes, multiplie les ruptures de ton toujours plus risquées ET propose l’une des critiques les plus pertinentes de l’infotainment à la Fox News vue depuis un bon moment.

Alors que faire ? Proposer un pack VOD avec le premier épisode pour inverser le fatalisme ? Espérer qu’un film bénéficiant d’apparitions complices de Will Smith, Harrison Ford, Sacha Baron Cohen, Liam Neeson, Kirsten Dunst, Jim Carrey, Kanye West, et même Marion fucking Cotillard puisse susciter un minimum de curiosité ? Oser une distribution ciblée en VOST dans un réseau de salles triées sur le volet ? Dans un monde pas forcément parfait, mais disons juste un chouïa aventureux, ce serait de bons débuts. Mais dans notre France des lumières comiques en mode veille, où la panacée est le film piteux de Manu Payet, autant danser autour d’une affiche de Supercondriaque pour faire venir la pluie.

Selon l’expression imbécilement consacrée, Anchorman 2 est le secret le mieux gardé de l’année cinéma 2014. Même pas volontairement, en une somme d’influences néfastes qui voudraient vous empêcher de le voir – comme toutes les théories du complot, cette hypothèse serait rassurante. Non, tout simplement parce que le public français est jugé trop con pour s’intéresser à un acteur qu’il connaît mal, ou à un sujet considéré trop « américain » – tant il est bien connu que la France n’a aucune idée de ce que peut bien être « l’info-spectacle ».

Si vous n’aimez pas qu’on décide pour vous de ce qui vous fait rire, si vous en avez soupé de la comédie où le héros ment pour séduire une nana avant de réaliser que c’est mal, si vous souhaitez découvrir des talents humoristiques fondateurs et un film culte dont vous n’avez pas fini de mémoriser les meilleures répliques, n’attendez pas que la distribution française fasse son travail.

Veronica Mars de Rob Thomas

Ô toi, que j’avais envie de t’aimer. Rien que pour le principe, sur la seule foi de ta conception participative, en dehors des canons industriels hollywoodiens qui ne voulaient pas de toi – les fans de la série, stoppée net il y a sept ans faute d’audience convaincante, ont été invités par son concepteur Rob Thomas à une campagne de production sur Kickstarter. Plus de cinq millions furent récoltés, et le tournage de se lancer dans la foulée et sous les applaudissements des férus de justice artistique et de rage contre la machine.

S’il fait illusion au cours de sa première partie répondant aux attentes du fan service, le film Veronica Mars peine à dépasser son statut d’épisode géant inutilement étiré, à la fois sur-écrit avec son lot de punchlines à gogo, et sous-écrit – la résolution grotesque de l’enquête n’est franchement pas loin du foutage de gueule. Et le spectateur de se rendre compte que le cuistot de sa madeleine de Proust, si alléchante d’aspect, a interverti le sucre avec du sel. A long time ago, we used to be friends. Ouais mec, a looooooong time ago.

Police Story 2013 de Sheng Ding

Jackie Chan a 60 ans, et cet énième reboot de la franchise qui fit sa gloire n’en est qu’une pénible démonstration. Déjà, de par sa structure bancale, le film ne ressemble à rien : centré sur une prise d’otages dans un bar goth (well, sort of), Police Story 2013 multiplie les flashbacks pour sortir du ronron de son huis clos – dans l’absolu, pourquoi pas, sauf que ces scènes n’ont dans leur immense majorité aucun rapport avec l’intrigue. Elles résonnent comme des agrégats de scènes d’action rejetées d’autres films, et insérées ici à la hussarde pour éviter que le spectateur ne s’endorme.

Le pire reste néanmoins à venir dans ce blockbuster amorphe et gentiment réac, avec LA scène de combat de Jackie contre un homme de main tatoué (on est dans un bar goth, remember). Après avoir tiré la gueule tout du long, au point qu’on se demanderait presque si on ne l’a pas obligé à tourner sous la menace, Chan se fait copieusement défoncer la tronche contre tout le mobilier de l’arène improvisée, tandis que les otages n’ont de cesse de lui répéter « Arrêtez, ne vous relevez plus ». Pour n’importe quel fan de l’acteur, cette scène est un véritable supplice, en comparaison duquel les vannes racistes qu’il a subi avec une dignité outragée au long des trois Rush Hour ressemblent à une balade de santé.

Même le coutumier bêtisier du générique de fin apparaît sinistre. Le processus d’humiliation d’un des plus grands artistes martiaux du cinéma est en marche depuis une dizaine d’années, et rien ne peut plus l’arrêter. Par amour pour Jackie Chan, le public devrait arrêter de regarder les derniers relents de sa filmographie, et lui garder la place de choix qu’il mérite dans nos souvenirs souillés.

The Philosophers de John Huddles

Une classe de philosophie est confrontée à divers scénarios de fin du monde par un professeur a priori super motivé pour le titre de pire pédagogue de l’année. Titre trompeur : en fait de philosophie, il s’agit surtout d’appliquer des concepts bassement pragmatiques qu’on jurerait sortis des pires manuels de survivalisme. Peu aidé par la contre-performance poussive de Rhys Wakefield, de loin le pire jeune espoir récemment déniaisé par l’industrie hollywoodienne, The Philosophers enchaine les digressions sans but, et donne la tenace impression qu’il aurait très bien pu s’adonner à ce petit jeu pendant six autres heures pour raconter exactement la même chose : rien.

Bounty Killer de Henry Saine

Dans un futur post-apocalyptique (*soupir*), les PDG et autres cols blancs de l’ancien temps sont traqués pour leurs crimes par des chasseurs de primes adulés comme des rock stars. Comme redouté, le sujet est fun, et son traitement beaucoup moins. Les prémisses du scénario ne sont qu’un prétexte à un petit délire Grindhouse, au fétichisme mou, un faible cran cinématographique au-dessus des Machete de Robert Rodriguez. Ce qui ne fait pas partir de bien loin.

Reasonable doubt de Peter Howitt

Dominic Cooper n’est jamais aussi drôle, et au final intéressant, que lorsque ses rôles le poussent à y aller franco dans le cabotinage le plus outré – (re)voir Tamara Drewe et The Devil’s Double pour s’en convaincre. Mais quand on ne lui file rien à jouer, il s’emmerde, et c’est particulièrement communicatif. Ce thriller aux rebondissements téléphonés en est une nouvelle preuve, tout ce qu’il y a trop de raisonnable.


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