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Navette pour l’aéroport de Lyon : le public plus cher que le privé

Ce dimanche, la navette « Goairport » pour l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry a démarré avec des prix inférieurs à ceux de la navette de service public « Rhonexpress ». Sans s’expliquer sur ce paradoxe, le Conseil général se retranche derrière des questions juridiques.

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Goairport vs rhonexpress

GoairportUn Renault Trafic, la navette Goairport pour Lyon Saint-Exupériy © Goairport

 

La navette publique 32% plus chère que la navette privée

Le billet aller Part-Dieu / aéroport Lyon Saint-Exupéry de Rhonexpress (tram-train), payé sur Internet (1,50 euros de réduction) revient à 13,50 euros. Un comparatif récent montre qu’il constitue probablement l’un des plus chers d’Europe. Il est en tous cas très cher par rapport à la distance parcourue (25 kilomètres).

Chez Goairport (voiture), il faudra compter 7,50 euros pour l’aller Meyzieu – aéroport Saint-Exupéry. Il faut ajouter 1,70 euros de billet de tram pour rejoindre Meyzieu. Soit un total de 9,20 euros. Certes, le trajet en tram (un peu plus de 25 minutes) et celui de la navette (10 minutes) ajoutés, sans compter le temps de changement, donnent une durée de voyage un peu plus longue que les 30 minutes de la navette. Mais la différence de prix aller n’est quand même pas négligeable : 4,30 euros, soit près de 32% d’écart.

L’usager va donc payer plus cher pour le service public que pour le service privé. Au Conseil général qui délègue à une filiale de Vinci la gestion de Rhônexpress, le vice-président (UMP) en charge des transports, Georges Barriol relativise ce paradoxe :

« D’abord ce n’est pas les mêmes distances de parcours, eux vont partir de Meyzieu. Et puis ce n’est pas le même service : je ne pense pas que les véhicules de Goairport soient aussi confortables que le tram-train Rhonexpress par exemple ».

Surtout, il persiste à penser que la navette Rhonexpress est « dans la moyenne européenne des prix ».

 

Rhônexpress Versus Goairport

Face à la concurrence, Rhônexpress a fortement réagi par l’intermédiaire des deux autorités organisatrices des transports du Rhône. Le 18 novembre dernier, dans un communiqué commun, le Conseil général et le Sytral, « syndicat mixte » en charge des transports de l’agglomération lyonnaise, ont martelé :

« Disposant des caractéristiques d’une ligne régulière de transport public de voyageurs (arrêts localisés, tarifs définis, horaires arrêtés et affichés), GoAirport devrait donc disposer d’une convention avec le Département du Rhône ou le Syndicat Mixte des Transports du Rhône, ce qui n’est pas le cas ».

Elles ne sont pas si sûres d’elles : contacté par Rue89lyon, Georges Barriol, confirme que les services juridiques du Rhône ont estimé que la nouvelle navette pouvait poser un « problème juridique ». Mais pour s’en assurer, le Département a préféré demandé son avis au Préfet.

Malgré tout, le désormais célèbre Richard Villeret, ancien salarié de Rhonexpress, et patron-fondateur de la navette concurrente Goairport, a dû battre en retraite. Au départ, il avait prévu de réaliser un service régulier de transport de personnes entre Meyzieu et l’aéroport de Saint-Exupéry, à l’aide de deux voitures. Les passagers pouvaient notamment monter à l’arrêt, sans réservation, pour peu qu’il reste des places disponibles. Il a réduit la voilure : il faudra nécessairement réserver sur Internet :

« On a modifié notre organisation et le site Internet pour être sûrs d’être dans la légalité. On va faire du transport occasionnel. Ça veut dire qu’il faudra que montent au moins deux personnes, qui auront obligatoirement dû réserver leur place sur Internet. Il ne sera plus possible de monter à l’arrêt sans réservation ».

rhonexpress Le tram-train Rhônexpress photographié en mars 2010.©Philippe Juste/Maxppp

 

Flou juridique et menace de plainte

Il est vrai que les textes ne sont pas des plus clairs. Si la loi prévoit explicitement que les « transports publics réguliers de personnes » doivent être conventionnés par la collectivité s’ils sont assurés par une entreprise privée, un décret prévoit quant à lui le cas où cette convention n’existe pas.

Vendredi dans la soirée, le Conseil général indiquait ne pas avoir encore eu connaissance de l’avis du préfet. Le vice-président du Conseil général n’hésite pourtant pas à mettre la pression :

« Si leur service de transport régulier devait quand même fonctionner, on a envisagé de déposer plainte au pénal en visant l’exercice illégal, sans convention, d’un transport public de voyageurs ».

Goairport devrait toutefois échapper à la menace puisque la société prévoit de n’offrir qu’un service de transport « occasionnel ». Dans leur communiqué, le Rhône et le Sytral mettaient aussi en cause la légalité du stationnement des navettes Goairport, à Meyzieu comme à l’aéroport. Richard Villeret réplique :

« On a eu l’accord de la mairie de Meyzieu pour assurer une desserte au niveau de l’arrêt de tram T3, tant qu’on ne reste pas dans l’attente de clients. Pour l’aéroport, on a fait la demande, on est encore en attente mais si on n’assure pas du transport régulier il ne devrait pas y avoir de problème ».

 

Affiches publicitaires retirées

Le conflit, pour l’instant larvé entre Rhônexpress et Goairpot, a même connu un épisode publicitaire. Richard Villeret :

« On avait mis quelques affiches publicitaires dans le métro. C’est d’ailleurs ce qui a donné lieu à un article de presse. Quand il l’a appris, le Sytral a fait enlever les affiches à la régie publicitaire. Finalement, les affiches ne sont restées qu’une semaine ».

Georges Barriol, également vice-président du Sytral, l’autorité qui dirige les TCL, ne dément pas. Il regrette même que « la régie publicitaire n’ait pas vérifié toute seule la conformité de ces affiches ». Tout en admettant ne pas savoir si l’affichage « correspondait ou pas » au règlement de la régie publicitaire, il assume : « il n’est pas question de faire de l’affichage pour quelque chose que l’on conteste ».

 

Liberté des transports contre clause de non-concurrence

Chez Goairport, Richard Villeret cherche l’apaisement. Il annonce qu’il va demander au Conseil général de lui signer une convention pour qu’il puisse faire du transport « régulier », dans un second temps.

Il se dit confiant, car la loi prévoit concernant les transports que chaque personne doit avoir « la liberté d’en choisir les moyens ». Mais du côté du Conseil général, on se retranche derrière la convention passée avec Rhonexpress. Georges Barriol explique :

« Ça m’étonnerait qu’on puisse accepter leur demande. On a une clause de non-concurrence avec Rhonexpress. On s’est engagés à ne pas créer d’autres lignes ».

Dans la « ville intelligente » de Gérard Collomb, où les entreprises sont au cœur du progrès, Richard Villeret espère :

« Il y a des gens qui volent en low cost pour 40 euros, ils ne sont pas prêts à payer 25 euros de navette pour aller à l’aéroport ! Mais c’est sûr, il y a des gens qui préfèrent ne pas avoir à faire de changement à Meyzieu. Il y a même des gens qui ont les moyens et qui vont se faire déposer en bas de chez eux en taxi. C’est très bien, il y a de la place pour tout le monde ».

 

Une autre navette depuis 2012

Il n’est d’ailleurs pas le seul concurrent de Rhonexpress.

Depuis novembre 2012, une autre société de transport de personnes vers l’aéroport a été créée. La société ELIT dispose d’un véhicule qui assure soit une ligne qui part de la place Bellecour et rallie Saint-Exupéry en une demi-heure environ, soit d’un service qui va chercher les personnes qui le souhaitent, chez elles. Le tout sur réservation uniquement.

Là encore, les prix sont bien en-dessous de la navette du Conseil général. Le billet au départ de Bellecour coûte 8 €, soit 40 % moins cher que Rhonexpress. Le billet à domicile, 30 € pour deux personnes en cas de départ de Lyon. Le responsable d’ELIT se félicite :

« Ce service connaît un certain succès. 30 €, c’est à peine plus cher que le billet Rhonexpress pour deux personnes. Pas mal de gens apprécient de venir se faire récupérer chez eux pour ce tarif ».

Depuis ce dimanche 1er décembre, la troisième navette Goairport a démarré : une quinzaine de clients avaient réservé leur trajet. Mais vu la pugnacité du Conseil général, la bataille risque fort de ne faire que commencer.

 

> Actualisé le 2 décembre à 20h50 suite à un commentaire faisant état d’une troisième navette.

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