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Une tête de Winner

Vu de mon canapé,

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si Charles Bronson était encore en vie, il serait bien triste depuis lundi. Car lundi 21 janvier est mort à Londres son réalisateur fétiche, Michael Winner, 77 ans, qui l’a dirigé dans une brochette de polars durant les années 70 et 80, contribuant à façonner son image de dur à cuire taciturne. Hélas, rares sont les chefs d’œuvre qui figurent dans cette liste, à commencer par la série des Justicier dans la ville (Death Wish) débutée en 1974, une ode à l’auto-défense dans laquelle Bronson incarnait Paul Kersey, un américain moyen décidé à venger les violeurs de sa fille puis, dans la foulée, à nettoyer les rues de sa ville de toute forme de criminalité.

Difficile à monter, le projet fit peur aux producteurs par son scénario un peu réac et sulfureux pour l’époque. C’est finalement Dino De Laurentiis qui s’y colla et bien lui en prit car le film fut un énorme carton. Plusieurs suites seront tournées jusqu’en 1994 mais Winner n’en dirigera que deux, les moins pires, en 82 et 85. « Je me verrais bien tournant Le justicier 24 » disait-il en 86, « avec Charlie flinguant les truands depuis son fauteuil roulant et moi le dirigeant par téléphone du fond de mon lit d’hôpital ».

Avec les grands

Winner avait fait tourner Bronson pour la première fois en 1972 dans le western Les collines de la terreur, avant de l’embaucher la même année pour ce qui demeure indéniablement leur meilleur film, Le Flingueur, où le monolithique Bronson incarnait un tueur à gage prenant sous son aile un débutant prometteur (Jan Michael Vincent), le fils odieusement cynique d’une de ses victimes. La même année, Winner fit s’affronter Alain Delon et Burt Lancaster dans  l’excellent Scorpio, encore une histoire de tueurs à gage.

C’est d’ailleurs, plus que la qualité de bon nombre de ses films, ce que l’on peut retenir de la carrière du réalisateur (également scénariste et producteur) : cette faculté de réunir au générique de ses films les plus grands noms du cinéma, résultat d’un carnet d’adresses épais comme le bottin et d’une vie de jet setter excentrique.

Vieilles gloires ou stars du moment, il les a toutes fait tourner, d’Orson Welles (Qu’arrivera-t-il après ?, 1967) à Marlon Brando (Le corrupteur, 1971) en passant par Ava Gardner (La sentinelle des maudits, 1977) ou Robert Mitchum et James Stewart (Le grand sommeil, 1978).  Mais aussi et en vrac, Ben Kingsley, Sophia Loren, Diana Rigg, Michael Caine, Lauren Bacall, Roger Moore ou encore John Cleese, James Coburn, Peter Ustinov et même notre Aznavour national dans The Games en 1970. Pas toujours avisé, Winner déclinera également quelques juteux projets tels que French Connection et King Kong.

Sur ses films, Winner détestait les tournages en studio et privilégiait les décors naturels, en particulier citadins. Colérique et larger than life, il savait se faire entendre, voire se faire craindre. « Une équipe de tournage » disait-il, « c’est avant tout un groupe de gens qui font ce que je leur dis de faire. » 

Michael Winner et Marlon Brando sur le tournage du « Corrupteur » (1971).

Touche à tout

Né le 30 octobre 1935 à Hampstead, dans la banlieue de Londres, Winner a débuté comme assistant à la BBC avant de réaliser son premier court métrage, The Square, en 1957. Il va ensuite toucher à tout durant les années 60 : documentaires sur des pop stars, télévision, comédies musicales et drames, dont Dans les mailles du filet (1964) qui marquera le début de sa longue association avec le ténébreux comédien Oliver Reed.

Une quarantaine de films plus tard, polars musclés et comédies grinçantes, Winner achève son dernier film, la comédie Parting shots (1998) et sort son autobiographie, Winner takes all, en 2004, recueil savoureux d’anecdotes et de portraits des comédiens qu’il a fréquentés et dirigés. Ainsi, de Charles Bronson il écrivait :

« C’était un rêve de travailler avec lui. Pas du tout extraverti, et même un peu timide. Le contraire de sa réputation. D’ailleurs, je me suis rendu compte que les vrais gentils, dans le métier, sont justement ceux contre lesquels on m’avait mis en garde : Bronson, Lancaster, Brando. »

Bon appétit

En 2006, décoré par la Reine d’Angleterre de l’Ordre de l’Empire Britannique, Winner refuse la décoration sous prétexte qu’elle serait décernée à n’importe qui. Ce n’est pas sa carrière qui lui vaut cet honneur mais la création du Police Memorial Trust qu’il a lancé en 1984 après le meurtre d’une femme policier, un fond destiné à ériger des monuments à la mémoire des agents tués en service.

Grande gueule et bon vivant, il va aussi devenir la bête noire des restaurateurs par le biais de sa rubrique gastronomique du Sunday Times, Winner’s Dinners, festival d’humour grinçant et de franc parler dont il tirera un guide illustré de ses propres dessins. Ironiquement, c’est à la bonne chaire qu’il devra les gros soucis de santé qui vont finir par l’emporter. En 2007, une huitre pourrie avalée aux Barbades lui fait frôler la mort lorsqu’il contracte le rarissime virus Vibrio vulnificus qui décime 50% de ses victimes en moins de 48 heures. Quelques temps plus tard, c’est à un steak tartare douteux qu’il doit une grave intoxication qui va beaucoup le fragiliser.

Malgré ça, Winner continuera de rédiger sa chronique dans le Sunday Times mais, se sachant condamné, il avait écrit dans sa toute dernière en date du 2 décembre 2012 :

« Ma femme Géraldine me dit qu’il est temps de quitter la table. Au revoir. »

 


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