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Centrifugeuse de visionnage, épisode 1

Rapides critiques des dernières choses vues, per se. Ah et sinon, le numéro 2 de So Film est chez tous les bons marchands de journaux, et même chez quelques mauvais.

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Casa de mi Padre de Matt Piedmont

Un seul Will Ferrell vous manque, et tout est dépeuplé. Coincé depuis trois ans dans des véhicules filmiques sans panache, le voilà enfin de retour dans son meilleur rôle, le candide au grand cœur. Casa de mi Padre constitue un défi humoristique kamikaze : une enfilade apocalyptique de clichés sur les chicanos, des mélodrames mafieux aux hystériques telenovelas, tourné quasi intégralement en espagnol. Armando Alvarrrrrrrrrez, ranchero naïf, va défendre la terre de son père, surmonter la mort de sa mère, trouver l’amour, apprivoiser la faune sauvage, et tirer beaucoup plus de balles que son fusil ne peut en contenir. Quand il assume son concept débile jusqu’au bout, Casa de mi Padre vend du rêve comique à s’en exploser le tiroir-caisse. Quand il se repose mollement sur les ressorts comiques usagés de notre Will adoré, le soufflé retombe, et le rythme avec lui. Malgré tout, son âme est suffisamment tordue pour séduire.

Brand X with Russell Brand (FX)

Par malédiction médiatique, Russell Brand est surtout connu comme l’ex-mari de Katy Perry et, incidemment, comme le salopard qui aura rendu malheureuse la-petite-fiancée-de-l’Amérique-dont-les-seins-tirent-des-feux-d’artifice. C’est dommage. Ex héroïnomane alcoolique et sex addict désormais reconverti dans le new age, Russell Brand est sans doute l’une des dernières rock stars. Pour que le monde n’oublie jamais, la team Judd Apatow lui a confié le rôle du dandy hédoniste Aldous Snow dans Forgetting Sarah Marshall et surtout dans l’indispensable Get him to the Greek, où son aura sulfureuse explosait dans toute son infinie mélancolie. Avant sa petite consécration hollywoodienne, Russell Brand aura violé toutes les bienséances du stand up ou de la variété télévisuelle avec des performances radicales, un sens acéré de la répartie et un personnage en permanente déconstruction. L’émission Brand X with Russell Brand revient à ces sources comiques : notre spectaculaire maître de cérémonie y anime donc vingt minutes de stand up basées sur l’actualité récente, triviale ou non, avec l’aide d’un consultant politique fraîchement émoulu d’Harvard pour la caution factuelle. Inégal, le show se regarde tout de même pour le plaisir pervers de voir un citoyen de sa majesté s’attaquer aux particularismes américains. Certains passages se révèlent bizarrement profonds, et le quatrième épisode renoue avec le trash dont Brand s’était rendu coutumier en Angleterre. Poussé dans ses derniers retranchements par le public après une série de provocations, Russell… fait subitement machine arrière en conclusion. Ce qui soulève cette douloureuse question : le new age aura-t-il la peau du rock ?

Anger Management (FX)

Rock star toujours. La sitcom Two and a Half Men (Mon Oncle Charlie) s’était débarrassée du personnage de Charlie Sheen de façon violemment expéditive, débutant illico sa nouvelle saison par son enterrement. Tous les personnages (et quasiment toutes les figurantes) y allaient de leur petit mot désagréable sur le “disparu“, Rose confessait plus ou moins le meurtre et bouclait ainsi son arc narratif – pas de bol, il s’agissait aussi de l’âme de la série : franchement, vous échangeriez, vous, deux barils d’Ashton Kutcher contre un gobelet du Tiger Blood de Charlie Sheen ? Bien sûr que non. Charlie fait justement son grand retour ces jours-ci avec une nouvelle sitcom, dont les premières secondes font office de règlement de comptes avec Chuck Lorre, le créateur de Two and a Half Men : Sheen éructe face caméra qu’on ne peut pas le virer comme ça, le remplacer par quelqu’un d’autre, et « You think I’m losing ? I’m not, I’m… ». Avant de prononcer son tristement célèbre « winning », le mantra de sa période surcocaïnée, Charlie Sheen se retourne vers ce qui s’avère être son groupe de thérapie de gestion de la colère, dans un décor ressemblant fâcheusement au salon de Two and a Half Men. Charlie Sheen conserve son prénom, on retrouve peu ou prou tous les personnages de la précédente sitcom, Denise Richards fait une apparition… N’en jetez plus. Les tentatives de la chaîne FX de capitaliser sur le succès de Chuck Lorre sont vraiment grossières, mais étrangement, le charme agit tout de même. Grâce à Charlie – of course – mais aussi au fait que les personnages soient cette fois-ci autorisés à être plus intelligents que ne le suppose leur fonction. Ça n’a l’air de rien, mais dans le monde hostile de la sitcom US, c’est énorme.

Twixt de Francis Ford Coppola

La deuxième carrière de Francis Ford Coppola, démarrée avec L’Homme sans Passé, poursuivie avec Tetro et cet étrange revival gothique, est passionnante à bien à des égards. D’une radicalité esthétique et narrative inédite chez le massif œnologue, ces trois films dessinent une nouvelle filmographie à part entière, bercée de rémanences autobiographiques, de fétichisme visuel, d’abstraction poétique pas facile-facile. Mais voilà : tout fascinants soient-ils, ces films, il faut se les fader. Dans toute leur langueur spectrale, dans leurs atmosphères à ce point ouatées qu’elles rendent le spectateur cotonneux. Twixt a beau afficher une durée totalement humaine d’1h24, son tempo n’oscille que trop peu, au rythme de la démarche incertaine de ce bloc physique invraisemblable qu’est devenu Val Kilmer. Il contient bon nombre de séquences sublimes, sursauts esthétiques de ce rêve narcotique mal éveillé.

Detention de Joseph Kahn

Depuis des années, Joseph Kahn répète à qui veut l’entendre que personne n’a compris son invraisemblable Torque, la route s’enflamme. Jouer les artistes maudits, ça va bien cinq minutes ; lutter contre son image, c’est tout de suite plus intéressant. Kahn mouille le maillot : il réalise, écrit, produit en indépendant. Si le film est un plantage artistique, ce sera uniquement de sa faute. Une attitude courageuse, et payante. Detention est un fourre-tout acidulé qui fonce à cent à l’heure, et qui n’en a rien à foutre de laisser des spectateurs sur le bas-côté. Donnie Darko y partouze avec Breakfast Club, les sous-intrigues s’y emboîtent de force les unes dans les autres, le rétro y vomit le présent et réciproquement. John Hugues y est un dieu, Patrick Swayze un prophète. Les effets clips les plus grossiers y côtoient de spectaculaires fulgurances cinématographiques – le travelling circulaire remontant d’années en années est à ce titre une pure merveille. On n’a toujours pas compris Torque, mais on s’est pris l’une de ces petites claques qui vous rend euphorique.

Down Terrace de Ben Wheatley

Avant Kill List, Ben Wheatley signait ce huis-clos familial criminel hautement malsain, où sa direction d’acteurs naturaliste faisait déjà des miracles. Principalement concentrée dans l’exigüe bicoque d’un clan mafieux, l’intrigue confronte générations et caractères bien trempés avant d’enchaîner crescendo les événements funestes avec une froideur déstabilisante. Le jeu saisissant des acteurs principaux pourrait entièrement se reposer sur une petite astuce (le père et le fils le sont également hors écran), mais c’est surtout l’imparable mécanique dramatique du script qui emporte le casting vers des hauteurs insoupçonnées. Chacun joue sa partition à la perfection, et les apparentes redites et autres longueurs maniérées finissent par faire sens. Pas aimable pour deux sous, austère dans son dispositif, Down Terrace est un faux petit film. Et il mord.

Until death de Simon Fellows

Le coup du flic qui tombe dans le coma, même Steven Seagal l’a déjà fait. Mais là, ça sert plutôt l’histoire. Jean-Claude Van Damme est Anthony Stowe, un bad lieutenant accro à l’héroïne, qui se sert de son badge pour profiter d’une prostituée ou pour se garer n’importe comment, mais qui ne supporte pas la corruption (?). Son ancien partenaire, joué par le fantôme de Stephen Rea, lui tend une embuscade et Stowe finit avec une balle dans la tête, qui le laisse dans un état végétatif. Une fois réveillé de son coma, Anthony est sevré et serein. Il s’excuse pour tout le mal qu’il a fait, et s’en va buter cet enculé de Stephen Rea. En loque humaine brisée par la schnouff et de mauvais choix de carrière, Jean-Claude Van Damme est très convaincant dans la première partie de ce direct-to-video passable, et fatalement beaucoup moins dans la seconde. A voir comment la fin est expédiée, on se dit que l’équipe du film devait avoir le même avis.

Doodslag de Pieter Kuijpers

En voilà du pitch qui promet : un ambulancier, Max, doit porter assistance à une femme en plein accouchement hardcore. Sur la route, il est coincé par une bande de sauvageons. Poussé à bout quelques jours plus tôt, Max sort de ses gonds, frappe mortellement l’un des petits cons, et sauve la mère et son bébé. Alors, Max est-il un héros ou un meurtrier ? Le film se garde bien de donner une réponse. En fait, il enchaîne les séquences pour et les séquences contre comme dans un talk show. Mais même chez Jerry Springer, la morale finale nous dit (invente ?) ce qu’il fallait retenir… Ici, c’est comme si le réalisateur et son scénariste avaient réalisé qu’ils n’allaient nulle part, que le personnage n’évoluait pas, que leur sous-texte était quand même vaguement raciste, et qu’ils avaient succombé à la panique. Le dernier acte du film est ainsi un grand n’importe quoi, en négation totale de tout ce qui précède. Doodslag (“homicide involontaire“ en hollandais) met les mains sur les hanches, posent de grandes questions à la cantonnade, puis s’enfuit en courant en gageant que personne ne le remarquera.


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