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29/03/2024 date de fin
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A Vaulx-en-Velin, des habitants rejettent violemment les Roms

Deux attaques en deux jours. Samedi soir, ils ont reçu des pierres. Dimanche, des cocktails molotov. Une de leurs voitures a brûlé. Les Roms qui squattent un ancien atelier ne sont pas les bienvenus dans ce quartier pavillonnaire de Vaulx-en-Velin.

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Il y a dix jours, environ 80 personnes (dont la moitié sont des enfants) ont élu domicile dans un ancien atelier du quartier de la Rize, après avoir été chassés du gymnase municipal où ils avaient trouvé refuge. Sur les bords du canal de Jonage, certains riverains de ce paisible quartier pavillonnaire les ont aidés. La plupart de leurs affaires avaient brûlé dans l’incendie de leur précédents squats.

Pris de pitié par la présence d’enfants en très bas âge (dont un bébé de quinze jours), ils leur ont apporté des casseroles, de la nourriture, de l’eau ou du bois pour faire du feu. Mais depuis ce week-end, les relations se sont sérieusement dégradées.

 

« On va revenir mettre le feu »

Samedi vers minuit, un groupe d’une dizaine de personnes s’en sont pris à la maison attenante à l’atelier, également squattée. Ils ont lancé des pierres puis ont brisé les vitres d’une voiture stationnée dans la cour. Julie (le prénom a été modifié), une habitante de Vaulx-en-Velin, vient tous les jours apporter son aide aux Roms. Elle témoigne :

« Ils m’ont appelé. Quand je suis arrivé sur les lieux, il y avait cinq voitures de police et un groupe de jeunes qui faisaient face aux Roms. Ils les insultaient et ils ont dit « on va revenir mettre le feu ». A côté d’un policier ! Lui faisait comme s’il n’entendait pas ».

L’adjoint au maire, d’astreinte ce week-end, Raymond Meynier-Badin (Front de gauche), a été rapidement prévenu. Il a demandé de renforcer les rondes de la police. Pour lui et d’autres riverains, cette attaque s’explique parce que « la présence des Roms dans l’entrepôt dérange une bande ». Certains parlent de lieu de deal.

Cocktail molotov et voiture en feu

Le dimanche à 18h, les menaces ont repris. Alors que des bénévoles d’un centre social de Vaulx-en-Velin distribuaient un taboulé en guise de repas, un voisin est arrivé, furax. Annie, du centre social et du Secours populaire, raconte :

« Un monsieur très agressif a débarqué. Il nous a dit qu’on devrait avoir honte de leur servir à manger car il y avait eu des vols chez lui. Pour lui, aucun doute, ce sont les Roms les coupables ».

Julie a demandé à plusieurs personnes de rester avec elle ce soir-là car les Roms redoutaient une répétition de l’attaque de la veille.
Pas manqué. Vers 22h30, plusieurs explosions se sont fait entendre. Des pneus qui ont éclaté. Une de leurs voitures, garée derrière l’atelier est parti en flamme et a commencé à mettre le feu au garage d’un des voisins. La police et les pompiers sont rapidement intervenus. A l’arrière du squat, dans l’herbe, on retrouve les traces d’un cocktail molotov.

 

Pétition des riverains

Lundi, en fin de matinée, dans la rue où la voiture a brûlé, à l’arrière du squat, les riverains s’agitent. C’est l’heure du repas, il fait beau. Ils ne considèrent pas d’une grande gravité les deux agressions que le squat a subies dans le week-end :

« C’est moins grave que de laisser vivre des enfants dans une infection pareille. Ils peuvent choisir de vivre comme ils veulent mais leurs enfants doivent aller à l’assistance publique ».

Une pétition circule. La personne à l’initiative de cette pétition ne veut pas nous la montrer. Elle veut rester anonyme pour nous expliquer les raisons de sa démarche :

« C’est une pétition pour qu’on s’occupe d’eux. Pour qu’on leur apporte de l’eau et des toilettes », nous dit-elle.

Mais plus loin avec un petit groupe de retraités, le ton est beaucoup moins humanitaire. Ils refont le film de la veille et échangent toutes les amabilités imaginables sur les Roms.

« Ils me narguent, dit cette riveraine dont la maison est mitoyenne à l’entrepôt squatté. Ils viennent faire caca sous mes fenêtres. J’ai peur qu’ils viennent me voler. Je ne quitte plus ma maison et mes petits enfants ne viennent plus me voir ».

Et toujours le même leitmotiv : « Depuis qu’ils sont là, on n’est plus tranquille ».
A l’appui de leurs dires, des vols qui se seraient multipliés dans les villas du quartier.

 

Victimes et coupables : « Ies Roms doivent partir »

« Ils doivent partir car leur présence génère de l’insécurité », reprend la dame à l’origine de la pétition, dont nous avons pu lire subrepticement l’objet : « Pétition des riverains face à la montée de la violence dans notre quartier ». Les voisins ne cautionnent pas les actes de violence contre les Roms. Mais jamais ils ne les condamnent. Ne les intéressent que les conséquences de la présence du squat sur leur tranquillité, la valeur de leur villa et les vols potentiels qu’ils pourraient subir.

L’adjoint de permanence ce week-end résume la situation :

« Je n’ai pas eu connaissance de vols précis dans le quartier et la police, non plus, n’a pas noté une augmentation particulière. Et même s’ils ne sont pas responsables de l’incendie de la voiture, pour les riverains, les Roms sont au cœur du problème. Dès les premiers jours, les voisins étaient prêts à les aider. Là, ils sont passés de l’autre côté ».

Le propriétaire de l’entrepôt, le bailleur HLM, Grand Lyon Habitat, qui souhaite construire des logements sociaux sur le terrain, a lancé une procédure d’expulsion.
L’adjoint au maire promet que ça prendra « quelques jours » et que, d’un autre côté, le maire de Vaulx-en-Velin (PC-Front de gauche) travaille avec le préfet au relogement des Roms. On lui souhaite du courage.

Après avoir été expulsés de la rue Paul Bert, de Saint-Fons, ces Roms s’étaient installés dans un ancien hangar du quartier de la Soie (à Vaulx-en-Velin). L’incendie les a conduits dans un gymnase que le maire a fait évacuer, quatre jours après les avoir accueillis. A chaque fois, la préfecture évacue la question d’un potentiel relogement. Les Roms n’ont plus qu’à aller squatter ailleurs.

Une habitante du quartier ne veut pas s’associer aux concerts des voix anti-Roms et plaide pour « plus de solidarité » :

« Ici, c’est un quartier d’immigration. Il y a des Italiens, des Polonais et des Espagnols. On chasse les Roms de partout. On doit les accueillir ».
Peu de chance pour que ses voisins l’entendent.

 

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