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Polisse : Maïwenn primée à Lyon pour son film controversé

Thierry Frémeaux, délégué général du festival de Cannes et directeur de l’Institut Lumière, remet chaque année depuis 2005 un prix « Jacques Deray », à un film français qui touche, de près ou de loin, au genre policier. Cette année, la réalisatrice Maïwenn reçoit les honneurs, pour son film Polisse, qui a suscité un grand enthousiasme chez le public, les professionnels du cinéma, mais aussi chez des observateurs et politiciens très conservateurs.

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Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, l’a adoré. Le journal d’extrême-droite Minute aussi (« Il faut accepter de regarder le monde sans lunettes d’aucune correctness », dit-il). Le dernier film de Maïwenn, Polisse, raconte le quotidien d’une équipe de la Brigade de protection des mineurs sans jamais rien omettre du spectacle de la misère, de la détresse, de la violence, du drame familial.

Rue89, dans la foulée des nombreuses réactions suscitées par le film, écrivait dans un édito que Polisse, dans le rapport « amoureux » que Maïwenn entretient avec ses acteurs/personnages, est une œuvre de « propagande policière » :

« C’est un parti pris emphatique et amoureux de la réalisatrice. Les flics sont du côté du bien, ils sont le bien. Se défoncent en équipe pour retrouver un bébé kidnappé par sa mère toxicomane, cogner le grand bourgeois qui viole sa fille tous les soirs ou incendier l’Arabe qui entend marier sa fille de force.

Et ils craquent quand ils ne parviennent pas à trouver un hébergement commun à une mère africaine et son garçonnet. Impossible de ne pas pleurer quand l’enfant se met à hurler. (…) Tout est attendu et arrive comme on le sait, comme dans une série, un reportage de TF1. »

Le fait que Polisse soit apprécié par les journaux et/ou les personnages publics les plus conservateurs fait-il de ce film une longue pub pour la politique de sécurité du gouvernement ? Maïwenn semble avoir voulu s’en défendre dans la structure même de sa narration : la réalisatrice et comédienne joue elle-même dans la fiction une photographe missionnée par le ministère de l’Intérieur, pour un reportage-maison sur la brigade. Thierry Frémeaux, délégué général du festival de Cannes (où Polisse a reçu le prix de Jury) et directeur de l’Institut Lumière, n’est pas froissé  :

« Bertrand Tavernier, lorsqu’il a réalisé L627 a aussi essuyé des commentaires de ce genre. Je crois que l’idée est commune aux deux films : montrer des gens qui travaillent et qui se dévouent à leur métier, à une certaine idée de la chose publique.

Polisse n’est pas plus de la propagande policière que Intouchables relève de la propagande médicale ou soit un hymne à la différence. Ce sont des films, point. Je ne vois pas qui peut protester contre ce que raconte Polisse et la manière dont c’est fait. »

Après Pardonnez-moi, où elle réglait quelques comptes douloureux avec son père, et Le Bal des actrices, où elle mettait en scène les pathologies égotiques des comédiennes et la sienne principalement, Maïwenn poursuit sa quête plus ou moins adroite d’une vérité aux vertus soignantes. Thierry Frémeaux voit dans Polisse une évolution de la réalisatrice :

« C’est aussi rendre hommage à une femme, une cinéaste dont ce film marque nettement des progrès, une ambition à la hausse et une grande originalité. »

Le prix Jacques Deray est décerné depuis 2005, récompensant une oeuvre qui s’inscrit dans le genre policier. Thierry Frémeaux le choisit en concertation avec Bertrand Tavernier, Agnès et Laurence Deray (veuve et fille du réalisateur Jacques Deray ). Pour 2012, ils avaient pensé à Polisse dès sa sortie, sans attendre le succès professionnel que le film a rencontré (cité plusieurs fois aux Césars) :

« On est en 2012, le cinéma bouge, les petites caméras sont partout, le numérique a changé la manière de filmer les intérieurs, etc. En plus Maïwenn, elle-même comédienne, travaille beaucoup sur la liberté des acteurs, sur leur texte. Ça donne un film plein d’énergie et très original. Pour le reste, le cinéma policier revient en force.

Il fut longtemps éteint par la télévision et Navarro, alors que les américains n’ont jamais perdu leur cinéma policier. Mais parce que certains cinéastes continuent de le chérir, parce que ça reste un moteur scénaristique extraordinaire, le genre policier au cinéma comme en littérature, a de beaux jours devant lui. »

 

Les films récompensés par le prix Jacques Deray

2011 A bout portant de Fred Cavayé
2010 OSS 117 : Rio ne répond plus de Michel Hazanavicius
2009 Le Crime est notre affaire de Pascal Thomas
2008 Le Deuxième souffle d’Alain Corneau
2007 Ne le dis à personne de Guillaume Canet
2006 De battre mon cœur s’est arrêté de Jacques Audiard
2005 36, quai des Orfèvres d’Olivier Marchal


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