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Prostitution : campagne contre la pénalisation des clients

Pour contrer la proposition de loi qui prévoit de punir de deux mois de prison le client d’une prostituée, l’association lyonnaise Cabiria et sa soeur toulousaine Grisélidis lancent une campagne d’interpellation des députés. Au nom des prostituées.

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Carte postale /

Entre les adversaires de la prostitution et les défenseurs des droits des travailleuses du sexe, la balance penche actuellement en faveur des premiers. Le lobby prônant l’abolition de la prostitution, ceux qu’on appelle les abolitionnistes, joue un rôle si prépondérant qu’il a désormais pour principaux représentants les députés Hélène Bousquet (PS) et Guy Geoffroy (UMP).
Après avoir rendu un rapport d’information en avril dernier qui conclut à la nécessité de la pénalisation des clients de prostituées, ils ont déposé une proposition de loi en ce sens le 7 décembre, après avoir fait voter une résolution qui « réaffirme la position abolitionniste de la France ». Le 6 décembre, Danielle Bousquet défendait ainsi son projet :

« Ce sont les clients les premiers responsables. (…) On ne peut pas acquérir le corps d’une femme en payant. Les hommes ont des pulsions sexuelles ? Mais est-ce que lorsque l’on a envie de tuer quelqu’un, on passe à l’acte ? Sait-on ce que cela fait de pratiquer des fellations à six hommes d’affilée, souvent sales et repoussants ? De faire l’amour à quelqu’un que l’on ne connaît, que l’on ne désire pas ? Je crois en l’éducation des gens et le changement des mentalités ».

 

Début de mobilisation des « travailleuses du sexe »

Dans le camp d’en face, l’opposition commence à se faire entendre.
Samedi 17 décembre, à l’occasion de la Journée mondiale contre les violences faites aux prostituées, une centaine de prostituées a manifesté au départ de la place Pigalle à Paris.

Cette opposition à la proposition de loi se structure autour du STRASS (le syndicat du travail sexuel) et des associations communautaires (constituées à parité entre prostituées et travailleurs sociaux) dont les principales sont Cabiria, à Lyon et Grisélidis, à Toulouse.

Ce week-end, ces deux associations ont également lancé une campagne d’interpellation des députés, via notamment l’envoi de cartes postales, pour qu’ils « entendent leur parole avant de faire des lois qui les concernent ». Florence Garcia, la directrice de Cabiria explique :

« Les prostituées subissent une violence notable : leur parole est toujours discréditée. Chaque fois qu’une prostituée dit que la prostitution n’est pas une violence et qui demande à être entendue, on ne les juge pas représentatives. Les personnes qui sont jugées crédibles sont celles qui disent qu’elles ont mal vécu la prostitution. Or pour une grande majorité des 750 personnes rencontrées chaque année par Cabiria, dans son action quotidienne, la prostitution n’est pas une violence. Le problème, ce n’est pas la prostitution mais le harcèlement policier, le mépris ou les PV ».

 

Les prostituées de Gerland contre la pénalisation du client ?

Cabiria lance donc cette campagne au nom des prostituées de Lyon. C’est un deuxième front de bataille qui s’ouvre. L’association appuie déjà les prostituées qui exercent en camionnette dans les rues du quartier de Gerland et qui reçoivent PV sur PV, depuis que la Ville de Lyon leur a interdit de stationner.
Karen, prostituée et « porte-parole » de Gerland, assure que toutes les filles qui se prostituent dans le quartier sont contre la pénalisation du client. Elle décline les conséquences potentielles d’une telle loi :

  • « Ça sanctionnera les petits clients mais pas les plus riches qui se payent des escorts de luxe.
  • On sera repoussées dans la clandestinité.
  • On devra faire appel à des intermédiaires qui pourraient nous « maquer ».
  • Dans la clandestinité, on sera en position de faiblesse. Ce sera d’autant plus difficile de faire accepter le préservatif ».

Même s’il est difficile de prévoir les conséquences d’une telle loi, la directrice de Cabiria, Florence Garcia, fait le parallèle avec les prostituées qui s’éloignent de Gerland et du risque d’additionner les PV, pour s’installer sur les routes nationales autour de l’agglomération lyonnaise. Pour elle, le danger est entier : « Elles risquent davantage d’agressions, parce qu’elles sont plus isolées ».
Les prostituées que Rue89Lyon a rencontrées évoquent souvent cette femme tuée, en mars dernier, dans sa camionnette stationnée sur une route de Saône-et-Loire.

 

Des propositions à faire : la dépénalisation de la prostitution

Pour aller au bout de la logique, ces prostituées et leurs soutiens associatifs demandent à être entendues car elles ont des « propositions à faire ». Karen voudrait surtout que les députés s’attaquent à la loi sur le proxénétisme :

« Bien sûr, il faudrait supprimer la loi sur le racolage passif de 2003. Mais surtout, il faut supprimer la loi sur le proxénétisme de soutien. Actuellement, si on loue un appartement en commun ou si on partage une camionnette, il y a une des prostituées qui sera considérée comme proxénète de l’autre et finira en prison. Toute entraide est interdite ».

Dans un deuxième temps, elles demandent que le droit social classique soit appliqué aux « travailleuses du sexe », comme il est précisé dans les sept propositions du document « Pourquoi pénaliser les clients est une mauvaise idée ».
Ce qui implique la possibilité de bénéficier concrètement de l’assurance maladie et de l’assurance retraite après paiement des charges sociales.

« Nous ne vendons pas notre corps », justifie Karen. Nous vendons une prestation sexuelle, dans le cadre d’une relation tarifée. Comme une masseuse ».

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