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Chimie : plan social déguisé chez Arkema ?

Les salariés d’Arkema Saint-Fons sont appelés à faire grève les 28 et 29 mars, alors que doit se tenir un nouveau comité centrale d’entreprise qui examinera la cession d’un de ses trois pôles industriels avec un chèque de 100 millions d’euros à un fonds d’investissement. Depuis, dans les différentes usines du Sud-Est de la France, les syndicats se battent contre ce qu’ils considèrent comme un plan social déguisé. Nous republions notre article du 6 décembre 2011 sur le sujet.

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Crédit photo : Mickaël Draï

 

Lundi 5 décembre, ils étaient 800 salariés d’Arkema (600 selon la police) à faire le voyage de Paris. L’objectif : mettre la pression sur la direction pour qu’elle retire le plan de cession de son pôle vinyliques (PVC, soude, chlore) au fonds d’investissement du milliardaire américain Gary Klesch, spécialiste de la reprise d’entreprises en difficulté. Emmenés par la CGT (majoritaire), FO et la CFDT, les chimistes étaient très remontés alors que se tenait un nouveau comité centrale d’entreprise au siège social d’Arkema, à Colombes (Hauts-de-Seine).

Pétards, klaxons, des manifestants ont même enflammé des sièges en plastique, dans le but de bordéliser la tenue du comité central d’entreprise (CCE) prévu à 10 heures. L’immeuble a dû être évacué.
Après l’annonce de ce plan, le 23 novembre, qui concerne 1780 salariés en France (auxquels il faut ajouter 850 à l’étranger), la pilule a beaucoup de mal à passer pas.

 

Augmenter la rentabilité à défaut d’investir

Le premier groupe chimiste français pèse aujourd’hui 5,9 milliards d’euros de chiffres d’affaires avec un effectif de 15 700 salariés. Mais depuis la création d’Arkema en 2004 (issu de Total), ce pôle PVC est considéré comme un fardeau. Il ne dégage pas de bénéfices alors que les autres branches ont une rentabilité qui oscille entre 15 et 20%.

Bien que ce soit une activité nécessitant des installations industrielles gigantesques, Arkema n’a jamais fait les investissements nécessaires pour relancer cette filière. Au contraire, le pôle est en restructuration permanente. Les plans sociaux se sont succédés, notamment dans les usines de Saint-Auban (Alpes-de-Haute-Provence), Jarry (Isère) et Saint-Fons (Rhône). Et depuis un an, les rumeurs de cession allaient bon train.
Dans sa communication, Arkema a insisté sur les conséquences de cette cession à Klesch, en évoquant « une rentabilité améliorée ». D’ailleurs, selon la formule consacrée, les « marchés ont salué cette annonce » : l’action Arkema a grimpé de 15%.

 

Donner des usines et un chèque de 100 millions d’euros

Pour se débarrasser ce poids financier, Arkema ne recule devant rien. Le groupe chimiste donne un chèque de 100 millions d’euros de trésorerie à Klesch, en plus de tous les actifs que représentent les différentes usines installées dans le Sud-Est de la France (principalement une à Saint-Fons dans le Rhône et deux près de l’Etang-de-Berre dans les Bouches-du-Rhône).
A quoi va servir cet argent ? Deux options sont possibles :

  • Soit l’argent sera utilisé pour des investissements stratégiques et pas seulement de remise à niveau environnementale.
  • Soit il servira à restructurer le pôle pour ne garder que les activités rentables.

Dans un communiqué Gary Klesch promet qu’il n’y aura pas de restructuration de l’outil industriel. Et dans un entretien à la Tribune, il déclare qu’il prendra du temps pour retrouver la rentabilité :

« Nous nous attacherons à améliorer la technologie et à investir pour la rendre plus efficace face à Solvay et Ineos, les deux leaders du secteur. Nous comptons investir 70 à 80 millions d’euros d’ici deux à trois ans. (…) En tant qu’unique propriétaire de ma société, je peux m’engager à plus long terme pour optimiser l’activité ».

Pour les syndicats, ces déclarations ne sont pas suffisantes. Ils craignent qu’ils investissent surtout dans les activités aval rentables (profilés et compounds) et se délaissent les activités amont (chlore, soude et PVC), moins rentables et nécessitant de lourds investissements, notamment au regard des futures normes environnementales sur la fabrication du chlore.

 


Crédit photo : Mickaël Draï

 

« Zéro confiance » dans le fonds d’investissement

Les syndicats sont d’autant plus méfiants que Klesch n’a pas la cote. Inconnu en France jusqu’à cette annonce d’Arkema, ce fonds d’investissement traîne une réputation peu compatible avec ses promesses d’absence de restructuration. Didier Chaix, le délégué syndical CGT de l’usine de Saint-Fons, dans la Vallée de la chimie lyonnais, explique :

« La raffinerie de Heide (ex Shell) vient annoncer, un an à peine après le rachat, la suppression de 80 postes en licenciement sec.
En Hollande, dans ses 3 usines d’aluminium (société  ZALCO), Le groupe Klesch a réduit les salaires de 16 à 22 % et mis en place du chômage technique pour 500 des 600 employés ».

Pour le délégué CGT, la stratégie de Klesch est claire :

« C’est la suppression de postes si c’est possible. Sinon ils mettent en place de chômage technique pour affaiblir les ressources financières des salariés puis remettent en cause des salaires avec le spectre de fermeture définitive ».

Contacté, le fonds d’investissement de Klesch n’a pas souhaité « communiquer davantage ».

Alors que la procédure d’information/consultation des représentants du personnel a été lancée, l’intersyndicale refuse cette cession en considérant qu’Arkema sous-traite son plan social à Klesch. Seul le syndicat CFE-CGC ne refuse pas, en demandant davantage de garanties.

Après une première grève du 23 au 28 novembre, après la montée sur Paris de lundi, la grève se poursuit ce mardi. Selon la CGT, « toutes les usines du Pôle PVC sont dans la lutte », à l’exception du site de La Chambre (Savoie). Le mouvement social promet d’être suivi tant le pôle vinylique a la réputation d’être particulièrement revendicatif. Ce qui peut aussi expliquer la détermination d’Arkema pour se débarrasser de ces empêcheurs de rentabiliser à deux chiffres.

 

Aller plus loin

Article actualisé le 28 mars à 9h30 avec l’annonce d’un nouveau mouvement de grève en parallèle de la tenue d’un CCE

 

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